Plus que quelques heures et c’en sera fini de 2015. Et bonjour 2016 ! Une année pas comme les autres, vu de RDC. Surtout une année pleine d’incertitudes. Un saut dans l’inconnu ? Ca y ressemble.
On a longtemps agité, tel un épouvantail, l’horizon 2016, on y est. L’année qui, théoriquement, devrait voir les Congolais aller aux urnes pour notamment élire un nouveau Président de la république. En principe seulement. Car à ce stade, bien malin qui pourrait parier sur l’organisation des élections présidentielles et législatives en novembre de l’année…prochaine.
Rien, absolument rien ne renseigne sur le moindre début de préparatifs des rendez-vous électoraux. La CENI en est encore à attendre que les acteurs politiques trouvent un modus operandi à défaut d’un modus vivendi. Côté partis politiques- Majorité comme Opposition, aucun indice sérieux ne permet d’affirmer que quelque part, on prépare les élections.
POLEMIQUE A N’EN POINT FINIR
A la place, c’est la polémique à n’en point finir sur la tenue ou pas du Dialogue. A la place, ce sont des postures, surenchères, tentatives de récupération, voire de préemption des manifestations publiques prévues par les Evêques, dont la marche annoncée du 16 février 2016. Tout le monde parle élections, respect des délais constitutionnels, mais dans le concret, personne ne paraît véritablement en prendre le chemin. Rien de vraiment nouveau.
Pendant la transition Mobutu, les disputes politiciennes avaient pour but non de hâter la tenue d’élections, mais d’affaiblir le Maréchal afin de l’obliger à lâcher de " gros morceaux ". A en juger par la météo politique du moment, on n’est pas loin de ce cas de figure. Face à un pouvoir contrarié par la Constitution -et pas seulement-, voilà une opposition ou des oppositions qui joue au blocage. Dialogue ? Pas question. Respect des délais constitutionnels et alternance. Noble et légitime comme objectif certes.
UN CONSENSUS SANS DIALOGUE ?
Problème, comment arriver à la tenue d’élections apaisées sans un calendrier électoral consensuel ? Comment réaliser le consensus sans se mettre autour de la table. En un mot, sans se parler ? Qu’importe la dénomination que l’on donnera à cet indispensable échange.
Tout se passe comme si les Opposants voulaient amener le Pouvoir dans les cordes en novembre 2016. C’est-à-dire, geler la situation sur fond de manifs, de manière à épuiser littéralement le quinquennat Kabila. Une fois le mandat totalement épuisé, la donne changerait radicalement. Au pire, le scénario catastrophe serait légitimé et, au mieux, des négociations s’enclencheraient sur la base " personne n’étant légitime ". On peut imaginer la suite...
Pour risquée qu’elle puisse paraître, cette projection révèle au moins une chose : 2016 ressemble bien à un saut dans l’inconnu. Et ce, pour tout le monde. Pour le pays comme pour les acteurs politiques. Y compris pour les souffleurs connus ou tapis dans l’ombre.
Pour la RDC, les hypothèques que charrie le bras de fer entre le Pouvoir et ses oppositions - déclarées et simulées- font courir le danger d’une implosion et d’explosion. A l’interne, les forces centripètes, nichées ça et là, ainsi que les différents groupes armés ne rêveraient pas mieux que de voir le pays plonger et sombrer dans un chaos politique.
QUAND IMPLOSION RIME AVEC EXPLOSION
Pas exclu qu’à la suite de cette sinistre perspective, ce pays continent soit livré au moins en partie à des seigneurs de guerre pour qui l’instabilité est plus rentable que la paix. Il suffit d’effectuer la comptabilité des " cellules dormantes " dans l’Est pour imaginer ce à quoi pourrait ressembler la RDC en cas de la confusion majeure à Kinshasa.
Ce n’est pas tout. Lorsque l’on a des voisins que l’on a, en particulier dans la partie orientale, implosion pourrait bien rimer avec explosion. Ou plus exactement la première pourrait ouvrir la voie à la seconde. Le scenario pourrait même s’inverser. Dans les deux cas, le résultat sera le même : la rechute du " géant". Ce qui ne déplairait pas à tous ceux qui, à contre cœur, ont dû remettre à plus tard le projet de balkanisation du pays.
Côté classe politique. Hautement concerné par l’échéance novembre 2016, Joseph Kabila joue gros. Que va faire le Président ? La carte du Dialogue ? Bien sûr. Mais à condition que l’Opposition- en ce compris la puissante Eglise catholique- qui pèse et fait problème, y participe. Sinon, ce serait un succédané de Concertations nationales. Sans plus. Donc sans véritable gain politique.
Du haut de ses 15 ans de pouvoir, Joseph Kabila n’ignore pas que, dans les pays tropicaux, la politique ne relève pas que d’une affaire domestique. Les ressorts du pouvoir sont encore, hélas, là aussi, le Raïs a un front à gérer. Cet Occident qui, hier, l’adoubait avec force compliments, et qui aujourd’hui fait partie des "critiques " du Régime.
Le contrat chinois, First Quantum, le déficit de lobbying à l’internationale et peut-être même la gestion de l’Est sont passés par là. Et si le très stratège Général-major de début des années 2000 qui a su faire l’économie de fronts et qui a finalement gagné ses combats refauisait surface ? Et si cette année voyait le coureur de fond qu’est le Président retourner la situation en sa faveur face à nombre de ses adversaires qui sont sprinters pour la plupart ? Attendons voir. Mais, rien n’est moins sûr.
QUITTE OU DOUBLE
Dans le cas de l’Opposition, cela peut se jouer au quitte ou double. Les opposants n’ont jamais été dans une conjoncture aussi favorable. D’abord, en l’état, la Constitution ne permet pas au Président actuel de se représenter. La perspective de l’alternance devenant d’autant imaginable. Même plus. Ajouter à cela le contentieux social qui demeure le talon d’Achille du Pouvoir. Une brèche dans laquelle s’engouffrent les opposants avec pour certains force démagogies. La politique est ainsi faite.
Seulement, 2016 pourrait constituer aussi un saut dans l’inconnu pour l’Opposition. D’abord, cette opposition est par trop composite pour faire un front uni. UDPS, G7, Dynamique, Opposition républicaine, Opposition patriotique… Une mosaïque sans cohérence idéologique, sans leader fédérateur dont le petit dénominateur commun tient à l’antikabilisme. Pour certains du simple antikabilisme primaire.
Quand on considère les egos parfois surdimensionnés des uns, les ambitions pas toujours démesurées des autres, le manque du sens des réalités dans le chef de certains ou carrément l’incapacité à sentir le rapport de force, il est difficile de parier les yeux fermés sur ce qui ressemble à l’Union sacrée du temps de Mobutu. Un panier à crabes.
GARE A LA REACTION DE LA RUE
Mais, la plus grande inconnue demeure le peuple. Ce peuple, dont on ne sait pas toujours dans quelle direction il peut aller. Dindon de la farce de tous les partages du gâteau depuis les années Mobutu, toujours en quête de dividende social de la "démocratie " au terme de deux législatures, le Congolais lambda a presqu’achevé de se faire d’illusions face à la classe politique.
Quand ils ne s’en remettent pas à Dieu- l’affluence dans les églises en témoigne- les Congolais assistent dépités aux bisbilles entre politiciens. L’histoire du Congo démontre que la réaction des Congolais est aussi imprévisible que son désenchantement est visible. Alors, dans une année exceptionnelle comme celle-ci, gare à la réaction de la rue. C’est en cela aussi que 2016 constitue un saut dans l’inconnu. José NAWEJ