Le président ougandais a été reçu en audience par le Souverain pontife. Les deux personnalités ont échangé sur les questions de paix et de sécurité en Afrique, exceptées celles qui fâchent.
C’est une visite très protocolaire dans les formes : le président Yoweri Kaguta Museveni a été reçu par le pape François au Vatican lundi matin. Ensuite le chef de l’Etat ougandais s’est rendu à la Secrétairerie d’Etat où il a conféré avec le cardinal-secrétaire d’Etat (Premier ministre) qui avait à ses côtés l’archevêque français Dominique Mamberti, en sa qualité de secrétaire du Saint-Siège pour les Rapports avec les Etats (ministre des Affaires étrangères). Cela fait partie du protocole. Le communiqué diffusé à l’issue de ces différents entretiens relève, lui aussi dans les formes habituelles du protocole, que les entretiens « ont permis d'aborder certains aspects de la vie du pays, de constater la qualité des relations entre les deux parties ainsi que l'importance du rôle que joue l'Eglise catholique par le biais de ses institutions éducatives, sociales et sanitaires ». En clair, il n’existe pas de nuage sérieux dans les relations entre le Vatican et l’Ouganda, le premier pays africain que visita un pape (pape Paul VI, en juillet 1969).
Mais la vérité est que l’Ouganda est un pays contrasté même aux yeux de l’Eglise, surtout pour son rôle dans la sous-région des Grands Lacs. Peu après le génocide rwandais, beaucoup d’anciens réfugiés rwandais établis de longue date en Ouganda, à commencer par le président Paul Kagamé lui-même, regagnèrent leur pays. Mais aujourd’hui, le pays apparaît comme la terre de naissance de rébellions qui ont ensuite débordé chez les voisins. La plus ancienne est sans doute celle de la sanguinaire Armée de résistance du Seigneur (LRA) que dirige aujourd’hui l’insaisissable Joseph Kony que l’on dit réfugié quelque part en Centrafrique. Toujours à partir de l’Ouganda, une autre redoutable milice s’est développée, les ADF-Nalu (Forces démocratiques alliées – Armée nationale de libération de l’Ouganda) qui sévissent avec une barbarie sans nom en République démocratique du Congo. Dirigées par Jamil Mukulu, un chrétien ougandais devenu musulman et épaulé par le redoutable Hood Lukwago, cette organisation est placée sur la liste américaine des organisations terroristes. Les pays voisins, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine en particulier, se plaignent de ce que les mouvements terroristes ougandais naissent sur un territoire et vont semer la mort chez les autres, y transposant les raisons de leur existence et les méthodes de leur survie.
L’Ouganda semble en tout cas un pays de prédilection pour les mouvements de rébellion aux fondements religieux et syncrétiques. L’Armée de résistance du Seigneur n’ambitionne rien d’autre que d’appliquer par la force les 10 commandements de la Bible, une sorte de mouvement djihadiste chrétien ! Sa fondatrice, Alice Lakwena, tantôt prophétesse, tantôt guérisseuse mystique, lui donna l’ancien nom abandonné de Mouvement du Saint-Esprit. A sa mort en 2007 (au Kenya) Joseph Kony, son cousin ou son apôtre, a pris le relais. Il est aujourd’hui traqué par les spécialistes américains de guérilla dans les forêts de Centrafrique.
De tout cela, il n’a pas été question durant la visite du président ougandais au Vatican. Pas plus qu’il n’a été fait allusion au rôle déstabilisateur que des voisins accusent son pays de jouer dans la région des Grands Lacs. A moins que la phrase, « les parties ont échangé leurs points de vue sur certaines situations internationales, tout particulièrement sur les conflits en cours en Afrique » contenue dans le communiqué final ne cache une allusion à cette situation. Il n’a pas davantage été question de la loi contre l’homosexualité qui a littéralement fait hurler les lobbys en Occident. Le président Yoweri Museveni a offert au pape François un livre sur « La lutte pour la liberté et l’indépendance » de l’Ouganda…
Lucien Mpama