Un mauvais signal pour le découpage

Mardi 23 juin 2015 - 10:40

Personne ne pouvait s’y attendre et voilà que le blocage provient du secteur le plus sensible, à savoir les régies financières qui sont appelées à générer les recettes destinées à financer toutes les dépenses des entités décentralisées et bientôt des 26 nouvelles provinces. Le ton vient d’être donné par la Province Orientale où les régies financières boudent à fournir leurs états des lieux aux membres de la commission de démembrement de ladite province, conformément aux prescrits de la Constitution et en exécution de la loi de programmation.

Pour les responsables de ces régies financières, il s’agit là d’un contrôle financier que tentent d’effectuer subtilement des membres de cette commission de démembrement qui n’en ont ni qualité, ni compétence. Tandis que pour ces derniers, il est question de faire l’état des lieux des ressources tant financières qu’humaines en vue de procéder à leur répartition entre les nouvelles provinces attendues par le commun des mortels tel que le prescrit par la Constitution du 18 mars 2006.

A y regarder de très près, l’on tend vers un autre écueil qui va conduire au fameux glissement tant redouté par les Congolais dès lors qu’il risque de faire tâche d’huile avec effet de contagion sur d’autres provinces.

On sait que le projet du découpage a été accueilli du bout des lèvres par la grande majorité de nos compatriotes, les uns y décelant des germes de partition tant rêvée par certains Etats voisins de l’Est. Pour d’autres, ce découpage que l’on voudrait instaurer dans la précipitation et la confusion, risque de provoquer des guerres intertribales, dans la mesure où certaines couches des populations qui faisaient partie d’une même entité territoriale se sertiraient frustrées pour avoir perdu des avantages dont elles bénéficiaient dans l’ancienne province.

Pour autant, ces réticences observées au sein des régies financières de la Province Orientale traduisent déjà auprès de larges couches des populations congolaises la méfiance et la peur du saut dans l’inconnu. Cela, au regard des tribulations et des frustrations ressenties depuis le déclenchement en 1997 de ces guerres répétitives sous des prétextes tout aussi fallacieux que mensongers.

L’argent, le nerf de la guerre

Il a été établi que la question des ressources financières constitue l’une des conditions sine qua non pour instaurer le découpage qui fait couler pas mal d’encre et de salive. Comme l’a si bien souligné le Premier ministre honoraire Adolphe Muzito, à ce jour, le gouvernement central ne parvient toujours pas à rétrocéder les 40% des recettes aux 11 provinces existantes comme stipulé dans la Constitution. Il arrive difficilement à libérer tout au plus que 6 à 8%, mettant ainsi les dirigeants de ces provinces dans l’impossibilité d’honorer les dépenses de fonctionnement et de souveraineté. D’où les incessants conflits entre les deux principaux organes provinciaux de gestion administrative et politique, à savoir l’exécutif et législatif.

Dans sa tribune sur l’inexistence des provinces, Adolphe Muzito avait aussi relevé la modicité actuelle des ressources financières et émis l’espoir de voir le gouvernement initier un programme d’emprunt auprès des institutions financières internationales du système de Breton Wood pour booster l’économie du pays en vue de répondre aux besoins criants de ces 26 nouvelles provinces.

Au cas où les régies financières parviendraient à déposer leurs états financiers sur la table de ces commissions de démembrement, l’on se rendra compte de leur modicité qui ne permettra pas une répartition conséquente. Moralité : il faudra revenir à la vérité de la situation, autrement dit à l’impossibilité d’instaurer ces 26 provinces avant que l’Etat congolais n’ait obtenu ou mobilisé des moyens financiers conséquents.

Ce qui va fournir de l’eau au moulin de ceux qui estiment à juste titre que le programme de découpage doit attendre encore quelques années, faute des ressources financières conséquentes destinées à construire des infrastructures administratives et politiques. Ensuite, il est entendu que la viabilité de ces nouvelles provinces est tributaire de l’instauration des structures économiques pour générer des recettes financières capables de répondre aux besoins toujours croissants de développement et de fonctionnement.

Une autre campagne pédagogique inévitable est celle de convaincre les populations de ces anciennes provinces de ne pas subir ou souffrir des frustrations découlant des effets de la séparation. C’est l’occasion de rappeler la position prise récemment par les ressortissants de la province du Kasaï Oriental qui, tout en prenant acte de ce découpage, ont promis d’user de tous les artifices juridiques et politiques pour récupérer leurs frères habitant les territoires de Ngandadjika et de Kamiji. Bref pour eux, ils s’en tiennent aux dimensions de l’ancien Etat du Sud Kasaï sous feu Mulopwe Albert Kalonji Ditunga. Autrement dit, ils ne veulent surtout pas être séparés de leurs frères de ces deux territoires à l’instar des Ne Kongo.

Par F.M.

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