Tunda Ya Kasende : "Nos chefs d’Etat ne sont pas de vulgaires mandataires qu’on peut chasser n’importe comment"

Mardi 2 juin 2015 - 06:35

Spécialiste des Grands Lacs, Me Célestin Tunda Ya Kasende reste préoccupé par ’’le climat’’ qui prévaut présentement au Burundi. En tant qu’analyste, le Vice-ministre honoraire des Affaires étrangères tâche, à travers cette interview, d’expliquer pourquoi la situation reste tendue dans ce pays voisin. Il tient, par ailleurs, à tirer les leçons des pressions exercées par la communauté internationale pour faire échec au troisième mandat du président Nkurunziza.

Dans notre édition du vendredi 22 mai dernier, vous aviez expliqué pourquoi le putsch perpétré au Burundi n’a pas réussi. Pourquoi, la situation de crise perdure-t-elle jusqu’alors ?
Justement, cela n’est pas normal ! Vous pouvez comprendre que l’origine de toutes ces manifestations vient d’ailleurs. Ce n’est pas le fait des Burundais seuls. Les jeunes, dans certains quartiers, sont manipulés par des forces extérieures qui veulent imposer leur mode de pensée à tous les Etats africains. Vous avez suivi, par la voie des ondes, la détermination des responsables d’un certain mouvement dit ’’Arusha’’, qui veulent poursuivre avec la contestation. C’est bien ce genre de groupuscules, au service du néocolonialisme, tels les ’’Y’en a marre’’ ou ’’le Balais citoyen’’, qui s’étaient déjà introduits en RDC et qui voulaient planifier le désordre et la désobéissance des citoyens contre les Institutions.

Lors de la rencontre tenue le dimanche passé à Dar-Es-Salaam, la communauté internationale s’attendait à voir les chefs d’Etats de l’Afrique de l’Est exiger le retrait de la candidature du président Nkurunziza pour un troisième mandat. Mais, cela n’a pas été fait. Pourquoi, d’après-vous ?
Evidemment, les chefs d’Etat ont compris qu’il s’agissait d’une question constitutionnelle qui relève de la souveraineté d’un autre Etat. A quel titre pouvaient-ils obliger un collègue chef d’Etat à agir dans le sens qui ne correspond pas à la vision de son peuple ? Voilà pourquoi les peuples africains doivent se réveiller pour s’assumer et coopérer avec les autres peuples dans le monde suivant les principes universels d’égalité, de non immixtion dans les affaires d’autres Etats, d’abstention... A cette rencontre, le représentant du Rwanda s’y trouvait, alors que, dans son pays, une motion regroupant deux millions de signatures vient d’être déposée au Parlement pour la modification de la Constitution, en vue de supprimer la limitation des mandats en faveur du président Kagamé. Les choses n’étaient donc pas faciles.
A présent que vous venez d’être promu Secrétaire général adjoint du PPRD, quelle sera votre ligne de conduite par rapport à cette question de la Constitution ?
Retenez que je ne viens pas pour faire une politique personnelle. Tout devra se préparer au sein du parti. Seulement, je peux ajouter ce que vous connaissez déjà. C’est le combat que je suis en train de mener pour l’émergence des principes d’un véritable droit constitutionnel congolais. Si les Hobbs, Lessay ou Duverger avaient conçu des règles pour l’Etat à leur époque, c’était dans le contexte de l’Occident et par rapport à une culture bien précise. Mais nous les Africains, nous avons notre façon de vivre et de considérer le chef. Nos chefs ne sont pas de vulgaires mandataires qu’on peut chasser n’importe comment. Les Africains et les Congolais en particulier, nous incarnons les valeurs de la stabilité et de la sécurité pour l’Etat. Nos chefs sont des pères de famille, dont la succession se fait suivant nos rites. Aussi, Blatter qui vient de faire modifier les statuts de la Fifa pour un 5ème mandat, n’est pas africain ! C’est ainsi que les nouvelles règles que l’Afrique devra imposer à la communauté internationale pourront apaiser les passions et favoriser les relations amicales Nord-Sud dans le respect réciproque. Propos recueillis par Yves KALIKAT