Le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi, a parlé à partir de Bruxelles où il est en convalescence. Et, comme il est de coutume depuis un temps, chaque apparition de Tshisekedi alimente la chronique politique. Son tout dernier message daté du 31 décembre 2015 n’a pas dérogé à la règle.
Le Potentiel
Tshisekedi a parlé, prenant le soin de mettre les points sur les « i » pour que sa position et celle de son parti ne soient pas galvaudées.
Lorsque les autres lui prêtent l’intention d’adhérer totalement au schéma du dialogue politique convoqué par le président Joseph Kabila, Tshisekedi rappelle que « marqué et imprégné par la lutte non violente, j’ai soutenu et préconisé le dialogue politique comme voie pour nous permettre de rebâtir le pacte républicain et le régime qu’il induit, de trouver les voies et moyens en vue de sortir de l’impasse politique actuelle et d’obtenir par voie consensuelle, un processus électoral crédible et apaisé devant nous conduire aux scrutins tant attendus de 2016. « Il s’agit donc, précise-t-il,d’un nouveau processus que nous voulons tous exempt des tripatouillages des résultats et des violences occasionnant des pertes inutiles en vies humaines à l’instar des élections de 2011 ».
S’il est vrai que Tshisekedi tient au dialogue politique, cependant, il ne s’inscrit pas dans la logique du chef de l’Etat et de la Majorité qui interprète de manière sélective son discours. En effet, Tshisekedi croit en un dialogue qui « tire sa source de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et des résolutions subséquentes du Conseil de sécurité des Nations unies ».
Tout en réitérant la position de son parti, qui est celle de « voir ce forum se tenir sous la médiation internationale, à Kinshasa, avec comme témoin l’ensemble de notre peuple », il réaffirme sa détermination à « défendre la Constitution et les délais qu’elle prescrit, à régler le contentieux électoral de 2011, à refondre la Ceni qui demeure le vecteur principal du dévoiement de notre processus électoral et démocratique, à organiser un processus électoral dans un climat apaisé, à favoriser un transfert pacifique du pouvoir dans le respect de l’expression de notre peuple. La réconciliation, tant attendu est à ce prix ».
En même temps, il craint que le dialogue ne soit détourné de son objectif. « Devant les obstacles, note-t-il, dans la réalisation du dialogue tant souhaité, seul notre peuple constitue notre ultime recours ». Aussi, se propose-t-il, de « prendre incessamment l’initiative de rassembler et de canaliser les énergies de toutes les forces acquises au changement, pour qu’ensemble nous puissions : défendre valablement les valeurs de la République, scellées dans notre Constitution ; obtenir un consensus sur un processus électoral crédible ; nous impliquer dans l’organisation des élections présidentielles et législatives dans les délais constitutionnels et dans un climat apaisés ».
Quoiqu’il en soit, Tshisekedi se fixe le cap de tout mettre en œuvre pour la tenue en 2016 des législatives nationales et de la présidentielle. « L’année 2016 qui commence doit être une année électorale. Une année de tous les espoirs. Une année cruciale et décisive, une année qui permettra aux Congolais d’exprimer à travers les urnes leur engagement pour un Etat de droit ».
Annonçant « pour proche » son retour au pays, Tshisekedi se souvient de ce message resté historique du Pape Jean Paul II. « N’ayez pas peur », lance-t-il.
Egal à lui-même, Tshisekedi sait entretenir son mythe. Son adhésion au dialogue n’est pas totalement acquise. Tiendrait-il vraiment au dialogue, au regard des conditions qu’il pose ? Difficile à prédire.
Ci-dessous, l’intégralité de son message de vœux.
Message de vœux de Tshisekedi
Congolaises et congolais,
Chers compatriotes,
L’année 2015 vient de s’achever sans que notre peuple qui est la source, la finalité et justification de l’organisation du pouvoir d’Etat n’éprouve la moindre satisfaction de ses intérêts légitimes.
La précarité, la misère et le désarroi, ont été le lot quotidien des millions de nos compatriotes pour qui la vie continue d’être un chapelet de souffrances.
Mes pensées vont particulièrement aux victimes récurrentes des assassinats dans la région de Beni-Butembo, aux anonymes enterrés sans égards dans des fosses communes dont la plus connues est celle de Maluku, aux nombreux morts lors des récentes inondations, faute d’infrastructures adéquates. Je n’oublie pas ceux qi sont injustement détenus et privés de liberté pour des raisons politiques et pour qui j’exige une libération immédiate, ainsi que ceux de nos compatriotes qui endurent nombreux autres malheurs.
Ma peine est d’autant plus profonde qu’ayant bénéficié de vos suffrages en 2011, je suis contraint de déplorer cette situation de chaos généralisé due à l’incurie criante d’un régime usurpateur. Il n’est pas étonnant de constater que ne jouissant d’aucun soutien de la population, ce dernier ne pouvait se dédier à la cause de ceux qui ne l’ont pas porté aux responsabilités.
C’est dire comment l’Etat congolais, dégradé dans sa fonction et réduit à l’apparence ; a reculé sur tous les plans : sécuritaire, économique, social et autres en marquant de grands bonds en arrière.
Je n’ai jamais désespéré de l’avenir radieux de notre pays. Je reste convaincu qu’avec l’alternance qui s’annonce, notre peuple va enfin entrevoir la possibilité de vivre heureux et prospère sur la terre de nos ancêtres. D’ailleurs, je vois le peuple congolais débout et déterminé à en finir avec ce pouvoir de défi, de prédation et de violation massive des droits de l’homme.
Chers compatriotes,
Mon credo politique que résument nos longues années de combat acharné, mené avec obstination, est l’instauration d’un Etat de droit de l’homme et la recherche du bien commun. Telles sont les valeurs qui assurent la paix et le développement d’un pays comme le nôtre, dont la situation socio-économique est paradoxale au regard d’énormes potentialités dont il regorge.
Face aux violations répétées des prescrits de l’Accord global et inclusif signé et scellé à Pretoria en 2003 par l’ensemble de la classe politique congolaise, comme socle des valeurs communes fondant un Etat moderne et démocratique, nous nous trouvons devant l’immense défi de reconstruire et de réinventer ce pacte républicain ainsi rompu.
Pour rappel, cette rupture est due à la violation délibérée des règles convenues du jeu démocratique, à la mauvaise gouvernance, au refus de s’incliner devant le verdict des urnes, au non–respect de la durée des mandats de certaines institutions, ; à la violation des droits élémentaires des citoyens, ainsi qu’à la gestion partisane de la res publica.
Cher compatriotes,
Marqué et imprégné par la lutte non violente, j’ai soutenu et préconisé le dialogue politique comme voie royale pour nous permettre de rebâtir le pacte républicain et le régime qu’il induit, de trouver les voies et moyens en vue de sortir de l’impasse politique actuelle et d’obtenir par voire consensuelle, un processus électoral crédible et apaisé devant nous conduire aux scrutins tant attendus de 2016. Il s’agit donc d’un nouveau processus que nous voulons tous exempt des tripatouillages des résultats et des violences occasionnant des pertes inutiles en vies humaines à l’instar des élections de 2011.
A propos de ce dialogue politique qui tire sa source de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et des résolutions subséquentes du Conseil de sécurité des Nations-unies, la position de mon parti maintes fois réitérées, était de voir ce forum se tenir sous la médiation internationale, à Kinshasa, et avec comme témoin l’ensemble de notre peuple. Quant au rôle de la Communauté internationale, nous n’oublions pas son importance dans les grands tournants de notre histoire, de la Conférence de Berlin à son indépendance en 1960, du départ de Mobutu à la succession des Kabila jusqu’aux interminables guerres qui ravagent nos contrées.
Force est de constater que les Nations-Unies, auxquelles nous nous sommes adressé, à maintes reprises, afin de nous accompagner dans cette démarche par la désignation d’un facilitateur, demeurent à ce jour sans solution.
Pendant ce temps, le régime de fait multiplie des actes inacceptables d’intimidations, de manipulation et de provocation pour détourner les nobles objectifs préconisés par le dialogue et afficher sa détermination, désormais dévoilée, de perpétuer son règne honni par notre peuple.
Je réaffirme notre détermination à défendre la Constitution et les délais qu’elle prescrit, à régler le contentieux électoral de 2011, à refondre la CENI qui demeure le vecteur principal du dévoiement de notre processus électoral et démocratique, à organiser un processus électoral dans un climat apaisé, à favoriser un transfert pacifique du pouvoir dans le respect de l’expression de notre peuple. La réconciliation tant recherchée et attendue est à ce prix.
Devant les obstacles dans la réalisation du dialogue tant souhaité, seul notre peuple constitue notre ultime recours. Je prendrai incessamment l’initiative de rassembler et de canaliser les énergies de toutes les forces acquises au changement, pour qu’ensemble nous puissions :
- défendre valablement les valeurs de la république, scellés dans notre Constitution ;
- obtenir un consensus sur un processus électoral crédible ;
- nous impliquer dans l’organisation des élections présidentielles et législatives dans les délais constitutionnels et dans un climat apaisé.
Sur le plan diplomatique, j’ai décidé de lancer une campagne de sensibilisation pour désamorcer cette énième crise qui menace la stabilité du Congo et de toute la région.
Chers compatriotes,
L’année 2016 qui commence doit être une année électorale. Une année de tous les espoirs. Une année cruciale et décisive, une année qui permettra aux congolais d’exprimer à travers les urnes leur engagement pour un état de droit.
C’est au cours de cette année qui commence que les forces du changement devront se retrouver, pour mettre fin de manière consensuelle à l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons depuis les quatre dernières années.
D’ores et déjà, j’annonce pour proche mon retour au pays. Je viens me joindre à vous pour qu’ensemble nous volions au secours du Navire-Congo, qui tangue, secoué par des vagues et des tempêtes. N’ayez pas peur. Même si aujourd’hui l’ennemi voltige autour de nous, nous divise et nous déstabilise. Revenons sur nos consciences, soyons unis.
Chers compatriotes,
Convaincus que c’est notre peuple qui sortira victorieux et gagnant de toutes les épreuves et face à l’imminence du changement, je vous adresse mes vœux les meilleurs de bonheur, de prospérité et de paix.
Vive la République !
Vive la Congo !
Fait à Bruxelles le 31 Décembre 2015.
Etienne TSHISEKEDI WA MULUMBA
Président.