La République démocratique du Congo (RDC) est le bien le plus précieux pour tout Congolais. Dès lors, défendre la patrie devient un devoir patriotique qui ne devait se faire prier. Alors que le pays vit, en interne, un imbroglio politique et que le monde enregistre d’importantes mutations, les intellectuels congolais choisissent de vivre en vase clos, dans une société pourtant hyper médiatisée.
Un proverbe swahili dit : «Akili ni mali ». Traduisez « l’intelligence c’est la richesse ». La République démocratique du Congo est potentiellement riche, en ressources naturelles. Pourtant, la pauvreté se vit sur l’ensemble de son territoire national et touche l’essentielle de ses 70 millions d’habitants. C’est le paradoxe congolais. Des huttes sont construites sur des terres gorgées d’or, de diamant et bien d’autres minerais.
En 55 ans d’indépendance, aucune ethnie congolaise n’a réussi à transformer ses immenses ressources naturelles, enfouies sous son sol, en réelle richesse profitable à toute la collectivité. De Bandaka à kasumbalesa, de Goma à Boma, le Congolais n’a dompté aucun lopin de terre et est loin de capitaliser les potentialités à sa portée.
En partant de n’importe quelle ville congolaise vers l’arrière pays, on est frappé par la pauvreté, la misère, le dénuement des populations. Comme si cela ne suffisait pas, l’insécurité plombe la paix et le climat des affaires voilà bientôt deux décennies.
N’est-il pas temps que cela change ? Le monde bouge. L’Afrique avance. Mais, qui peut aider la RDC à changer son fusil d’épaule et à jouer pleinement son rôle ? Le développement est intrinsèquement une affaire d’intelligence et non de concentration de ressources naturelles.
La preuve est que la patrie de Lumumba beigne dans la pauvreté en dépit de ses millions de tonnes de minerais. Dès lors, il faut admettre qu’en RDC on n’a pas su mettre l’intelligence au service du développement.
Voilà qui interpelle les intellectuels congolais. « Une société sans intellectuels est un corps sans âme ». Les intellectuels congolais sont sensés comprendre la situation actuelle de la RDC et inculquer aux décideurs les voies salutaires pour le pays. Mais hélas, ils sont restés en déphasage déjà plus d’un demi-siècle durant, observant le pays sombrer.
Au moment où d’importantes mutations s’opèrent au niveau mondial et qu’en interne le pays se trouve devant un des moments clés de son histoire, réussir l’alternance politique démocratique au sommet de l’Etat en 2016, pour la première, l’intellectuel congolais est interpellé pour éclairer la nation par ses critiques positives.
Il doit peser de toute son influence pour que le pays ne rate pas cette énième occasion d’assurer son développement dans la paix et la concorde nationale.
Comprendre les mutations internationales
En parlant des mutations internationales, il faut noter que le bloc dominant, l’Occident, est en train de basculer et de laisser sa place à une autre puissance, la Chine. Le monde n’est plus unipolaire. Le centre du monde se trouve désormais partout. Il n’y a plus de modèle de développement universel. La gouvernance mondiale de ces 50 dernières années a montré ses limites.
L’ONU, la banque mondiale, le FMI, l’impérialisme ne dictent plus seuls la marchent à suivre. Leurs recettes ont largement échoué. Pendant ce temps, des émergents, des pôles régionaux puissants naissent et revendiquent leur part de pouvoir.
L’Occident n’est plus le maitre. Dans l’Union européenne, à l’exception de l’Allemagne, aucun pays n’est à l’abri d’une crise imminente. Les économies européennes stagnent. Elles ont rompu avec le cycle vertueux. A tel point que la crise pousse des milliers d’ouvriers et retraités européens à s’exiler en Afrique et en Asie, en quête d’un travail rémunérateur ou d’une retraite respectable.
Il en est de même des hauts cadres européens qui se refugient en masse en Asie mais aussi en Afrique.
En 2013, des sénateurs français ont parcouru toute l’Afrique, du Maghreb à Cap Town, questionnant décideurs, diplomates et entrepreneurs africains. Au bout de leur périple, ils ont produit un rapport destiné à l’Elysée au titre éloquent « l’Afrique est notre avenir » !
Des Français qui voient en l’Afrique leur avenir ! Ce n’est pas un détail. Bref, un nouvel ordre politique et économique est en train de se former, ce qui donne lieu à des nouvelles réalités économiques.
Il est admis que l’Afrique est le nouvel eldorado de l’émergence, la terre de la croissance. Le continent noir, fort d’une classe moyenne évaluée à 500 millions de personnes, intéresse aujourd’hui le reste du monde. Pour la première fois depuis plus d'un siècle, les USA ne sont plus première puissance économique mondiale, devancée en 2014 par la Chine, en parité de pouvoir d'achat (PPA), selon le FMI.
Comment la RDC peut-elle capitalisée toutes ces opportunités qui s’offrent aux Etats africains ? La RDC n’est pas condamnée à gérer la pauvreté ni à abriter des guerres incessantes. « Ne pas s’emparer du cours de sa vie, c’est réduire l’existence à un simple accident », disait Nietzsche.
Il n’y a donc pas de fatalité possible. Tout est construction. Pour autant, il faut avoir des leaders, des éveilleurs de conscience qui sachent transcender leurs propres personnes au profit des intérêts collectifs.
La RDC émergera quand ses intellectuels deviendront des « créateurs d’idées », des « spectateurs engagés ». Dès lors, la seule révolution qui vaille la peine en RDC est celle des intelligences créatrices.