RDC : Dialogue à deux vitesses !

Jeudi 10 décembre 2015 - 10:33

Plongé dans un grand flou depuis la publication de l’ordonnance présidentielle du 30 novembre 2015 portant convocation de ce forum et mise en place imminente de son Comité préparatoire, le Dialogue national est loin de gagner en clarté dans les esprits. En effet, des millions de Congolais ont l’impression de se trouver devant un « Dialogue » à deux vitesses. Il y a d’une part celui du schéma Kabila, avec un Comité préparatoire à mettre en place par ses soins et un bureau chargé de la co-modération piloté par un représentant de la Majorité présidentielle et un autre de l’Opposition et, d’autre part, celui à convoquer par le Secrétaire général des Nations Unies, pour lequel Saïd Djinnit est censé avoir séjourné la semaine dernière à Kinshasa et avoir fait escale à Bruxelles pour prendre langue avec des délégués d’Etienne Tshisekedi, un des acteurs incontournables de la crise congolaise.

Dialogue « version Kabila » maintenu ?

Le train du Dialogue, tel que vu par le Chef de l’Etat, semble sur le point de quitter la gare, notamment avec la nomination imminente des membres du Comité préparatoire, selon le communiqué remis mardi à la presse par le Directeur de son cabinet. Comme pour ne pas du tout dissiper les malentendus, le communiqué susvisé souligne que « les consultations menées actuellement par l’Ambassadeur Saïd Djinnit, Envoyé Spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les Grands Lacs, avec la classe politique et sociale en vue de la désignation du Facilitateur, participent également à cette démarche constitutive dudit Comité ».

A entendre pareil son de cloche, l’on peut se demander si du côté de la Majorité Présidentielle, on tient compte du tollé suscité par le message de Joseph Kabila à la Nation, le samedi 28 novembre 2015, en ce sens qu’il s’affichait comme l’initiateur du Dialogue et qu’il se permettait même de glisser, parmi les matières à inscrire à l’ordre du jour, celle relative à une réflexion sur un mode de scrutin moins coûteux que celui actuellement en vigueur, pour le budget de la République.

L’on n’est certainement pas prêt d’oublier la réaction musclée de l’UDPS contre le message du Chef de l’Etat, alors que ce parti est l’un des rares de l’Opposition à avoir souscrit au projet de Dialogue, bien que sous réserve d’une médiation de la Communauté internationale, de l’examen du contentieux électoral de 2011 (cfr Feuille de route du 16 février 2015) et du respect des délais constitutionnels d’organisation des élections présidentielle et législatives nationales (novembre 2016).

Sans mâcher les mots, l’UDPS avait fait savoir, d’abord par la voix de son Secrétaire national aux Relations Extérieures, Félix Tshisekedi, puis celle du chef du parti lui-même, Etienne Tshisekedi, que Kabila n’avait pas qualité ni pour convoquer le Dialogue, ni pour désigner un médiateur, encore moins pour en fixer l’ordre du jour. Le staff de ce parti avait fait savoir qu’il n’était pas concerné par un forum ayant pour initiateur le Chef de l’Etat et pour médiateur une personne sous sa coupe. A Limete (siège du parti) comme à Bruxelles (résidence provisoire de Tshisekedi), on contunue d’attendre le Dialogue à tenir sous la médiation de la Communauté internationale, à placer sous la responsabilité d’un médiateur mandaté par le Secrétaire général des Nations Unies, avec les pleins pouvoirs.

La mission de Djinnit aura-t-elle une suite ?

La grande inconnue du moment reste la suite à attendre de la mission d’information de Saïd Djinnit à Kinshasa. Les Nations Unies vont-elles prendre en compte les revendications des partis de l’Opposition qui exigent leur pleine implication dans la résolution de la crise congolaise par le biais du Dialogue national ? Vont-elles faire pression sur Joseph Kabila pour l’amener, élégamment, à leur laisser le pilotage de ce forum, ce qui lui donnerait de larges d’accrocher même des membres de l’Opposition anti-Dialogue ou s’incliner devant son refus de toute ingérence étrangère et provoquer l’élargissement du « camp du refus » ? Dans cette hypothèse, quels dividendes pourrait tirer le peuple congolais d’un forum où l’UDPS, l’UNC,  le MLC, le G7 (MSR, Unafec, Unadef, ARC, PDC, MSDD, ACO) joueraient les abonnés absents ?

C’est le lieu d’émettre le vœu de voir le Secrétaire général des Nations Unies, qui se présente désormais comme la bouée de sauvetage du Dialogue, convaincre toutes les parties prenantes à renoncer à des initiatives de nature à torpiller les chances de réconciliation entre Congolais et de tenue d’un processus électoral apaisé.

Kimp