Plusieurs réactions fusent dans les états-majors politiques congolais, après l’annonce de la convocation du Dialogue, samedi 28 novembre 2015, par le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila.
Le président de la République a finalement annoncé la tenue du dialogue national, dont il n’a pas précisé la date ni le lieu. Lundi 30 novembre 2015, Joseph Kabila a signé une ordonnance relative à la convocation de ce dialogue.
En réaction, l’opposition, qui estime qu’il est allé à côté de la plaque, note que dans son discours à la Nation, Joseph Kabila n’a pas répondu aux attentes du peuple. C’est la colère. Alors que dans la Majorité présidentielle (MP), on salue l’initiative et la position du chef de l’Etat.
Dans cette ordonnance, Joseph Kabila a précisé que le dialogue sera précédé par la mise en place du comité préparatoire dont la durée de travail ne passera pas dix jours. Pourtant, le défi de ce forum qui se tiendra à Kinshasa, est l’organisation d’un processus électoral apaisé sur la Co-modération internationale.
« Rien de nouveau »
Le secrétaire nationale en charge des affaires extérieures de l’UDPS, Félix Tshisekedi, ne reconnaît pas à Joseph Kabila l’initiative de convoquer le dialogue. D’après lui, « il n’y a rien de nouveau dans ses déclarations. En revanche, il n’a pas beaucoup parlé là où on l’attendait. C'est-à-dire, sur son sort », a dit Félix Tshisekedi.
« En 2016, il y a une alternance qui doit se faire. Sur cela, on ne l’a pas entendu. Et ce qui est plus grave encore dans ses déclarations, ce qu’il prend une dérive dangereuse en parlant d’un mode de scrutin qu’il faut refaire ou en évoquant de manière subtile le recensement. Nous disons non à cela », a-t-il ajouté.
De l’autre côté, le groupe de sept partis frondeurs de la MP (G7), le Mouvement pour la libération du Congo (MLC), l’Union pour la nation congolaise (UNC) et leurs alliés de la Dynamique de l’Opposition ont, dans une déclaration, réitéré leur non-participation ces assises. Ils ont appelé le peuple à se « lever et à marcher », considérant que la convocation de ce dialogue est une « trahison ».
« Obstacle principal »
« En décidant de la convocation de ce fameux dialogue et en précisant les contours, Monsieur Kabila s’érige en obstacle principal », a déclaré le modérateur Ingele Ifoto, qui a lu la déclaration commune.
« En invitant les délégués à ce dialogue à réfléchir sur un nouveau système électoral avec des modalités de votes moins couteuses, Joseph Kabila ne fait plus mystère de son intention manifeste, planifiée et délibérée de renverser le régime constitutionnel pour s’accrocher au pouvoir. C’est un véritable coup d’Etat constitutionnel », a-t-il affirmé.
De l’avis de l’opposition, « il s’agit là, d’une forfaiture et d’une imposture qu’aucun congolais ne peut accepter ».
Car, selon elle, « en décidant de faire la sourde oreille aux sonnettes d’alarme de déclarations, communiquées, messages, prises de position et conseils avisés de la dynamique, du G7, de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), de la Société civile ainsi que des partenaires internationaux sur l’importance du respect absolu de la Constitution, Kabila a toujours nourri le projet funeste de vider la constitution de toute sa substance, en vue de s’offrir une présidence à vie ».
Pour l’opposition congolaise, « tous les éléments de la haute trahison sont donc réunis ». Elle croit savoir que « le seul événement historique que le peuple attend impatiemment, demeure la prestation de serment, le 20 décembre 2015, du nouveau président de la république élu au suffrage universel direct, à l’issue des élections du 27 novembre 2016 ».
Par ailleurs, l’ex-gouverneur du Katanga démembré, Moïse katumbi, soutient cette démarche en ajoutant sa voix à celle des autres leaders de l’opposition. Par le biais de son directeur de cabinet, Louis Mwilu, le président du T.P Mazembe estime que « le dialogue est une mascarade, une distraction ». Et qu’« il faut laisser les institutions de la république produire leurs effets constitutionnels ».
Signature de l’ordonnance portant convocation du dialogue politique national inclusif
Ordonnance portant convocation du «Dialogue politique national inclusif
L’ordonnance présidentielle portant convocation à Kinshasa d’un Forum national dénommé «Dialogue politique national inclusif» précise que cette rencontre est précédée de la mise en place, dans un délai ne dépassant pas 10 jours, à dater de la signature de la présente, d’un comité préparatoire.
Ce comité, comme le Dialogue proprement dit, est composé des délégués de toutes les parties prenantes : la société civile, la Majorité présidentielle et l’opposition politique placées sous la co-modération d’un représentant de la majorité et d’un représentant de l’opposition politique. « L’organisation du Dialogue et du fonctionnement du comité préparatoire sont fixée par un règlement intérieur », dit l’ordonnance.
Le comité préparatoire a notamment pour tâches : apprêter les documents de travail ; élaborer le projet de l’ordre du jour et du règlement intérieur à soumettre à l’approbation de la plénière du Dialogue ; déterminer toutes les modalités d’organisation et de fonctionnement du Dialogue ; fixer le nombre des participants qui doivent provenir de la société civile, de la Majorité présidentielle et de l’opposition politique ainsi que de la durée et du site devant abriter le forum.
Sans préjudices d’autres dispositions à déterminer, par le règlement intérieur, le Dialogue comprend un Bureau et une plénière pouvant éclater en commissions. Le Bureau est assisté d’un facilitateur international. Le Dialogue porte principalement sur l’organisation d’un processus électoral apaisé, complet, inclusif, crédible et conforme aux standards internationaux et sur toutes les questions connexes au processus électoral.
Le comité préparatoire, la plénière et les commissions du Dialogue statuent par consensus. Le Bureau fait parvenir les résolutions et les recommandations du Dialogue au Président de la République qui les transmet pour exécution aux institutions compétentes. Ainsi, il est institué à l’issue du Dialogue d’un Comité chargé de suivi de la mise en œuvre des résolutions et recommandations du Dialogue comprenant les représentants de toutes les parties prenantes.
MESSAGE DU PRESIDENT JOSEPH KABILA
Mes chers compatriotes,
Il y a près de six mois, j’avais résolu de consulter la classe politique- opposition comme majorité-, la société civile, l’autorité coutumière ainsi que le Congo profond par l’entremise des gouverneurs des provinces.
J’ai pris aussi le temps de consulter les institutions de la république au nombre desquelles, la représentation nationale et provinciale à travers les députés et sénateurs, le gouvernement ainsi que toutes les institutions de la république.
Et pour cause ; chaque jour un son de divergences profondes d’opinions apparaît sur la scène politique nationale au point de menacer l’édifice de notre jeune démocratie qu’est l’unité et la stabilité du pays.
Elles portent sur des questions politiques diverses comme la nouvelle organisation territoriale du pays et particulièrement sur quelques points relatifs au processus électoral déjà évoqués dans mon message du 29 juin de cette année notamment :
1. Le Fichier électoral. Ce dernier soulève, en effet, une série d’interrogations sur sa fiabilité et son inclusivité. Pourtant rien ne garanti, à ce jour, que tous les congolais en âge de voter sont inscrits sur les listes électorales comme en témoigne notamment le problématique de nouveaux majeurs, de congolais de l’étranger, de déplacés ou de réfugiés retournés dans leurs milieux de résidence.
Autant que rien n’atteste que tous ceux qui sont inscrits le sont légitimement ou même détiennent la nationalité congolaise.
La levée consensuelle de certaines options à ce sujet s’impose. Aller aux élections en se basant sur un fichier imparfait, avec pour conséquence, les contestations prévisibles qui en résulteront pour régler ces imperfections en amont de tout processus, de réduire le maximum en conséquence les risques redoutés.
2. Quant au calendrier électoral, il en existe un. Certes voulu global incluant l’organisation des élections à tous les niveaux. Seulement il est rendu non opérationnel à ce jour suite aux multiples voix discordantes au sein de la classe politique. Les divergences, à ce propos, n’ont jamais été réglées également au point que les premiers scrutins prévus en octobre dernier n’ont pu avoir lieu.
3. S’agissant de la sécurisation du processus électoral, il est de notoriété publique que les élections de 2006 tout comme celles de 2011 ont été émaillées de beaucoup de violences dans quelques circonscriptions électorales.
Pour preuve, en 2006, la plus haute juridiction du pays, la cour suprême du pays, avait été incendiée.
A la suite toujours du même scrutin, en 2007, une guerre a éclaté en pleine ville de Kinshasa faisant plusieurs morts du fait de la non acceptation des résultats électoraux.
La même situation ou presque s’est reproduite en 2011 où des violences ont encore éclaté à Kinshasa et dans quelques villes et localités du pays avant, pendant et après les scrutins. Il y a eu des altercations entre militants de partis politiques.
Au-delà donc de la sécurisation physique et matérielle des candidats et des électeurs, le problème qui se pose, à ce niveau, est celui du rôle que devait jouer la classe politique et chacun de nous dans la promotion d’un environnement favorable à un processus électoral apaisé.
Dans quel état d’esprit va-t-on, en effet, aller aux élections ? Doit-on brûler le pays parce qu’on a perdu une élection ou l’exposer à des revendications violentes, du reste, condamnables de la part de ceux de nos compatriotes qui se retrouveraient privés de l’exercice de leurs droits civiques et politiques ?
La question reste posée.
4. Le financement du processus électoral nous impose une réflexion profonde. En effet, à ce jour, la CENI a communiqué à toutes les parties prenantes au processus électoral, un budget équivalent en Francs congolais à un milliard et deux cents millions USD pour financer l’ensemble du processus électoral.
Pour l’année 2016, le gouvernement a prévu, dans le projet de loi des finances, une enveloppe équivalant à 500 millions USD.
Chaque mois, il y a moitié du budget précité et avec pour contrainte de débloquer plusieurs dizaines de millions de dollars par mois. Ce que la capacité de mobilisation actuelle de recettes ne permet pas.
Comment résoudre un tel dilemme ? Ne peut-on pas engager, dès à présent, une réflexion sur un système électoral avec des modalités de vote peu coûteuses comme c’est le cas dans d’autres pays ? Comment allier des impératifs majeurs à savoir la démocratie et le développement et éviter que le processus électoral ne soit en conflit ouvert avec nos efforts de développement ?
Ensemble, il nous faut lever les options à la fois courageuses et pragmatiques sur les réformes qui s’imposent sur tous ces sujets relatifs à la gouvernance électorale de notre pays.
5. Enfin, le rôle de partenaires extérieurs dans le processus électoral mérite d’être examiné et clarifié.
Comment rendre, en effet, la contribution de partenaires compatible avec le respect de nos lois et de notre souveraineté partant de l’idée que les élections sont d’abord une question de politique interne et donc une affaire de souveraineté à l’instar de ce qui se passe dans tous les pays du monde.
Comment éviter que l’apport extérieur attendu n’ouvre grandement la porte à un droit d’ingérence ou d’interférence dans nos affaires intérieurs ?
Nous devons ici aussi lever des options ensemble de ce qui est compatible aussi bien avec l’intérêt national qu’avec le principe d’interdépendance dans un monde globalisé.
Mes chers compatriotes,
S’il y a cinq mois, nous pouvions encore avoir des doutes ou des hésitations de ce qui convenait de faire en vue de venir à bout de tous ces sujets de préoccupation, aujourd’hui, après toutes les consultations menées et après avoir donné du temps aux pessimistes et à tous ceux qui se sont prononcés contre le dialogue, de proposer des voies alternatives crédibles au-delà des affirmations péremptoires de rejet par principe de ce que le bon sens commande, nous en sommes arrivé à la conclusion que seul le dialogue peut, une fois de plus, permettre à notre Nation de prévenir une crise pouvant surgir du fait de la non résolution, en toute responsabilité, de problèmes posés.
Ce dialogue s’impose à nous. C’est en effet, à travers un consensus responsable que nous pourrons donner une chance à la relance de notre processus électoral en lui conférant toutes ses lettres de noblesse à savoir la conformité aux standards internationaux notamment sa crédibilité, son inclusivité et surtout son apaisement.
C’est aussi à travers cette voie que nous garantirons la stabilité et la paix chèrement acquises avant, pendent et après ce processus, par de là, nos divergences d’opinions. C’est seulement de cette façon que nous assurerons, enfin, notre héritage commun ; la République Démocratique du Congo toujours exposée, hier comme aujourd’hui, à une menace constante de déstabilisation.
Ainsi, après avoir recueilli vos avis directement et à travers ceux qui ont porté vos préoccupations aux consultations, mes chers compatriotes, j’ai décidé, ce jour, de la convocation d’un dialogue politique national inclusif et de la mise en place subséquente d’un comité préparatoire pouvant régler tous les aspects liés à son organisation.
Aussi, ai-je décidé de prendre des mesures individuelles de grâce et d’ordonner au gouvernement d’agir dans le même sens conformément à ses compétences en vue de pacifier les esprits à cet effet.
Enfin, la tâche de la co-modération de ces assises pourra bénéficier de l’accompagnement d’une facilitation internationale qui aura à offrir ses bons offices en cas de difficultés majeures.
Chers compatriotes,
Je ne doute pas un seul instant que vos délégués à ce forum pourront s’assumer en échangeant librement, en toute fraternité et franchise, sur toutes les questions vitales qui vous préoccupent conscients de leurs charges liées au destin de notre Nation.
Vivement, je souhaite que la Nation toute entière accompagne les différents délégués à ce dialogue national par des conseils avisés et surtout par des prières ferventes en ce moment particulier de l’histoire de notre pays afin qu’il en sorte des résolutions qui assurent et engagent le pays dans un avenir radieux à la hauteur de nos espérances communes.
Vivement, je lance un appel ultime à ceux qui hésitent encore de répondre à l’appel pathétique de la Patrie.
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo.
Mes chers compatriotes, je vous remercie.