Réforme de la Constitution, succession, absence d'opposition… France, RD Congo, Burundi… Sur tous ces sujets qui en fâchent plus d'un, le chef de l'État riposte sans détour.
En ce début de saison des pluies, à quelques jours des commémorations du génocide d’avril 1994, l’air est lourd à Kigali. Sous un ciel chaotique où les averses alternent avec les éclaircies, la ruche rwandaise continue, elle, de bourdonner à plein régime. Porté par un taux de croissance de 7 % en moyenne depuis plus de dix ans, le Rwanda tout entier est un chantier économique, social, politique et psychologique continuel. Sur le parvis des hôtels de la capitale, qui poussent comme champignons au soleil, les investisseurs côtoient les touristes amateurs de gorilles et les jeunes membres enthousiastes d’ONG américaines et européennes.
Dans ce pays où le développement est palpable, où l’aide étrangère profite avant tout aux plus pauvres, où la corruption est invisible et la sécurité assurée, où l’environnement est scrupuleusement respecté, tous ont l’impression d’être utiles, moraux, écolos et, pour les hommes d’affaires, de faire du business responsable. Le simple fait d’avoir suscité cette légion étrangère d’ambassadeurs du miracle rwandais est sans doute l’un des plus grands succès de celui qui, depuis seize ans, préside aux destinées de cette nation sous le signe de l’urgence permanente : Paul Kagame.
C’est aussi ce qui le rend, dans le fond, plutôt serein face aux critiques formulées à Londres, à Bruxelles, mais surtout à Washington, quant au déficit démocratique global, en matière de libertés d’expression et d’association, de son régime. À juste titre, sans doute, le président rwandais estime que les bailleurs de fonds n’oseront pas couper l’aide (dont dépend encore largement le Rwanda) dans l’un des rares pays du Sud où elle n’est ni détournée ni gaspillée.
Sa décision de réformer la Constitution puis de se représenter en 2017 annonce-t-elle une sorte de présidence à vie ?
Même les pires ennemis de Paul Kagame ne l’ont jamais accusé d’enrichissement illicite, de népotisme ou de concussion, et même les rapports les plus sévères d’organisations des droits de l’homme reconnaissent qu’il jouit d’un soutien considérable à travers le pays. Les quelque 2,5 millions de Rwandais que sa politique économique a fait émerger du seuil de pauvreté au cours de cette dernière décennie sont pour la plupart, on l’oublie trop souvent, des paysans hutus. Il suffit, pour le savoir, de sillonner les mille collines.
Si, pour Kagame, la bonne gouvernance, le bon fonctionnement des institutions et les dialogues interactifs qu’il mène inlassablement à travers le pays sont plus que des préalables à l’instauration d’une démocratie à l’occidentale, mais de plus en plus clairement un substitut endogène à cette dernière, l’alternance au pouvoir relève du même débat. Sa décision de réformer la Constitution puis de se représenter en 2017 annonce-t-elle une sorte de présidence à vie ? À la différence d’autres chefs d’État saisis par le syndrome du chef indispensable, Kagame jouit d’un bilan incontesté et la grande majorité des Rwandais n’est manifestement pas prête à affronter le vide de son absence. Mais qui saura dire le moment où sa présence deviendra contre-productive ?
Entretien – en anglais, est-il besoin de le préciser – avec un chef d’État qui, de Faure Gnassingbé à Alpha Condé, d’Ali Bongo Ondimba à Ismaïl Omar Guelleh, compte en Afrique francophone de plus en plus de fans et de « followers », en langage Twitter – dont il est un pratiquant assidu…
Jeune Afrique : Lorsque vous et moi avons, il y a quelques années, abordé le délicat sujet de la limitation des mandats et des présidents tentés de s’éterniser au pouvoir, vous m’aviez répondu que, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, vous seriez un président différent. Or la Constitution rwandaise a été réformée, et vous voici candidat à votre propre succession en 2017. Pourquoi avez-vous changé d’avis ?
Paul Kagamé : Lorsque je vous ai dit cela, j’avais ajouté que la politique n’était pas seulement une affaire de choix ou de souhait personnels, mais qu’il fallait tenir compte de l’opinion du peuple et qu’en définitive c’était le peuple qui décidait. La limitation des mandats est une chose : nous l’avons d’ailleurs portée à deux mandats de cinq ans au lieu de sept ans auparavant. Mais avant d’appliquer cette disposition, le peuple rwandais, dans son écrasante majorité, a voulu que j’effectue un septennat de plus.
Ce n’est pas moi qui l’ai voulu, ce sont les Rwandais, compte tenu de la situation historique exceptionnelle du Rwanda, d’où nous venons et des risques inhérents à tout changement de cette nature. En d’autres termes, les Rwandais ont fait savoir, en se prononçant à 98 % en faveur de la réforme de la Constitution, qu’ils ne se sentaient pas prêts à changer de leadership. Ce qui était à l’opposé de ce que j’aurais, à titre personnel, souhaité.
Tout de même, il fallait s’y attendre, non ?
Détrompez-vous ! Nous avons discuté de cela pendant près de trois ans et jusqu’à la dernière heure, j’ai demandé à mon parti, le Front patriotique rwandais [FPR], d’étudier des solutions alternatives en tenant compte de trois impératifs : la poursuite du progrès économique et social, le maintien de la stabilité et l’inéluctabilité de l’alternance au pouvoir. Sa réponse a été claire : oui, le changement est inévitable à terme, mais non, le moment n’est pas encore venu ; Kagame doit, pendant une période de transition de sept ans, continuer de diriger le pays pour l’ancrer définitivement dans la modernité économique et démocratique.
La nouvelle Constitution vous donnera droit à deux mandats de cinq ans de plus. Avez-vous l’intention de rester au pouvoir jusqu’en 2034 ?
L’esprit et le but de cette réforme sont de permettre et de préparer une alternance dans les meilleures conditions possibles. Cela n’est donc pas mon intention. Et puis, comprenez bien ceci : je sais que le fait de me porter candidat à ma succession en 2017 peut être perçu par une partie de l’opinion extérieure au Rwanda comme une mauvaise chose. Cela, je l’assume. Car je le fais pour de bonnes raisons. Et peu m’importe si mon nom est associé à ces critiques, tant que je suis convaincu de correspondre aux volontés du peuple.
Quand on vous reproche d’avoir rejoint le club des présidents africains qui s’accrochent au pouvoir, cela vous blesse ?
Cela ne m’affecte en rien. Mais il serait peut-être utile, pour la clarté intellectuelle du débat, de faire la différence entre ceux qui restent au pouvoir parce que leur peuple le veut et ceux qui restent parce qu’ils l’ont eux-mêmes décidé.
Vous n’êtes apparemment pas parvenu à faire émerger un successeur. N’est-ce pas un échec ?
Non. Car ce n’est pas mon affaire. Le Rwanda est une démocratie, pas une monarchie. Mon successeur, ce seront les Rwandais qui le choisiront, pas moi. Ceux qui me reprochent cela au nom de la démocratie sont en totale contradiction avec eux-mêmes. S’en rendent-ils seulement compte ? Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de faire émerger un individu mais de faire émerger un peuple et un pays. C’est de ce peuple que viendra la femme ou l’homme qui me succédera parce qu’elle ou il en aura les capacités reconnues aux yeux de tous. Ne me demandez pas qui : je l’ignore.
On dit parfois que plus un président demeure longtemps au pouvoir, moins il est efficace. Je suppose que vous n’êtes pas d’accord…
Je me méfie de ce type de généralités. D’abord, ce n’est pas vrai dans le secteur privé : beaucoup de PDG le restent pendant des décennies sans que cela nuise aux performances de leur société. C’est quand ils partent que, parfois, elles commencent à péricliter. Ensuite, tout dépend du contenu du mot « efficace ». L’efficacité d’un président en début de mandat se mesure à sa capacité de décider de tout et de tout contrôler. Cela a été mon cas. Puis, une fois les institutions mises en place et les responsabilités déléguées, le leader devient une référence, un arbitre, un symbole et un agrégateur de la nation. C’est là que réside désormais son efficacité. Le problème est de savoir reconnaître le moment où la longévité devient contre-productive. Si le chef ne s’en rend pas compte de lui-même, le peuple saura le lui dire. C’est lui qui fixe le moment, en aucun cas les puissances étrangères.
Un leader fort n’est pas nécessairement un mauvais leader
« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts », a dit Barack Obama l’an dernier à Addis-Abeba. Partagez-vous son point de vue ?
Je suppose qu’en parlant d’hommes forts, Barack Obama visait les dictateurs et non les leaders forts. Un leader fort n’est pas nécessairement un mauvais leader. Et mieux vaut un leader fort qu’un leader faible, aux États-Unis comme au Rwanda. En ce qui nous concerne, je ne sais pas où nous en serions aujourd’hui si une direction faible avait, il y a vingt-deux ans, pris le pouvoir dans ce pays. Au chaos aurait succédé le néant.
Selon les chiffres officiels, 98,4 % des électeurs rwandais ont voté oui au référendum de décembre 2015. Comment expliquez-vous un taux aussi politiquement incorrect ?
Et personne, contrairement à ce qui a pu être dit par des médias et ONG étrangers, n’a été contraint de voter oui… C’est un pourcentage unique, effectivement, parce que notre situation est unique. Le génocide, quand le voisin tue son voisin, quand l’oncle tue son neveu, quand le marie tue sa femme, était inexplicable, exceptionnel. Cette force négative exceptionnelle qui a poussé le Rwanda jusqu’aux rives du néant, nous l’avons transformée en une force positive, une force d’unité tout aussi exceptionnelle. Il faut avoir connu ce que nous avons vécu pour le comprendre. Quand vous sortez vivant du chaos, vous n’avez qu’une seule chose en tête : ne plus y retourner. Et pour cela, s’unir, au-delà de ce que le monde extérieur peut imaginer.
Il n’y a pratiquement aucune opposition en mesure d’émerger aujourd’hui au Rwanda. Est-ce sain pour la démocratie ?
Ce n’est pas à moi de créer une opposition, pas plus que de fabriquer un successeur. Mon job est de permettre à une opposition d’exister dans le cadre de la loi – et c’est ce que nous avons fait. La place existe, au Rwanda, pour des partis politiques – il en existe d’ailleurs une douzaine -, à condition que leur objectif ne soit pas de nous ramener vingt-deux ans en arrière. Sur ce point, nous sommes et serons toujours extrêmement vigilants.
Prenons le cas du Green Party : son dirigeant, Frank Habineza, estime qu’aux yeux de votre gouvernement, les opposants sont soit des étrangers, soit des ennemis de l’État. Cela ne mérite-t-il pas qu’on en parle ?
À vous d’enquêter et de conclure si cela est vrai ou faux. Vous me reposerez ensuite cette question, à moins que vous ne découvriez qu’elle est sans objet. Je n’ai ni le temps ni l’envie de répondre à tout ce qui se dit dans la rue ou dans les médias.
Depuis un an, votre voisin, le Burundi, est plongé dans une crise de grande ampleur. Tout a commencé avec la décision du président Nkurunziza de briguer un troisième mandat. Pourquoi ce qui est bon pour vous serait-il mauvais pour lui ?
C’est très simple. Nkurunziza a pris cette décision contre l’avis de ses compagnons de lutte, contre l’avis de la majorité au sein de son propre parti, contre l’avis du Parlement, contre l’avis d’une partie des juges de la Cour constitutionnelle et malgré les avertissements de toutes les personnalités, généraux, ambassadeurs, membres de la société civile, qui lui ont écrit en ce sens. Il a forcé les élections et tout a dérapé pour aboutir au désastre que nous voyons aujourd’hui. La différence entre lui et moi, elle est là. Sans parler de nos bilans économiques et sociaux respectifs.
Entre le Burundi et vous, la guerre des mots fait rage. À en croire l’entourage de Pierre Nkurunziza, vous voulez exporter le génocide et éliminer les dirigeants burundais – rien de moins. Que répondez-vous ?
Rien. Nous ne participons pas à cette guerre des mots. Leur objectif est de nous provoquer.
Les problèmes du Burundi viennent du Burundi : ne pas vouloir le reconnaître fait partie du problème
Pourquoi le régime burundais répète-t-il que le Rwanda est à l’origine de ses problèmes ?
C’est ce qu’il pense, ou ce que certains l’incitent à penser. Cela l’arrange sans doute d’éviter de regarder la réalité en face. Les problèmes du Burundi viennent du Burundi : ne pas vouloir le reconnaître fait partie du problème. C’est peut-être même le problème principal.
Nkurunziza n’est pas le seul à vous accuser d’aider en sous-main la rébellion. Un rapport d’experts de l’ONU et des responsables américains vont dans le même sens…
Il y aurait beaucoup à dire sur ces prétendus rapports d’experts de l’ONU dans la région. Nous en avons connu tellement, souvent aussi infondés et irresponsables les uns que les autres. Le Rwanda a ses propres problèmes, il n’a jamais cherché à en rejeter la responsabilité sur les autres ni à en susciter chez les autres. Je conseille au Burundi d’en faire de même.
Vous aviez pourtant de bonnes relations personnelles avec Nkurunziza ?
Tout à fait.
Depuis quand ne vous êtes-vous pas parlé ?
Notre dernier entretien a eu lieu quelques semaines avant la tentative de coup d’État à Bujumbura, en mai 2015. Nous nous sommes vus non loin de la frontière.
Si la situation empire encore au Burundi, pourrez-vous rester les bras croisés ?
Il y a encore une place pour la négociation et la médiation au Burundi. À condition que ses dirigeants reconnaissent qu’ils ont besoin d’aide. Si cela empire, comme vous dites, ce sera à l’ONU de faire le job.
En est-elle capable ?
À elle de le démontrer.
Maintenez-vous votre menace, d’ailleurs difficile à mettre en œuvre, de transférer les réfugiés burundais au Rwanda vers d’autres pays ?
Absolument. Si ceux dont vous parlez, qui écrivent des rapports ou font des déclarations, continuent de prétendre à tort que le Rwanda arme ou entraîne les réfugiés burundais, alors qu’ils prennent leurs responsabilités ! Ces réfugiés, nous les accueillons par devoir, mais nous ne les avons pas invités à venir chez nous. Ils fuient une situation de crise, et c’est à cette situation qu’il faut s’attaquer, pas au Rwanda.
Le gouvernement de Kinshasa vient de procéder à l’extradition vers le Rwanda d’un génocidaire présumé, Ladislas Ntaganzwa. Cela signifie-t-il à vos yeux que la RD Congo ne soutient plus les rebelles hutus des FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] ?
Je l’ignore. Cette extradition ne signifie pas que les FDLR ont cessé d’exister en RD Congo ni que ces rebelles ont renoncé à tenter de franchir la frontière rwandaise – ce qu’ils ont d’ailleurs essayé de faire il y a peu, trois jours après que le ministre congolais des Affaires étrangères a déclaré à l’ONU qu’ils avaient quasiment disparu. D’un côté une extradition, de l’autre une tentative d’incursion. Difficile, dans ces conditions, d’en tirer la conclusion que vous avancez.
Maintenez-vous l’accusation selon laquelle des éléments FDLR combattraient aux côtés des forces armées burundaises ?
Ce n’est pas une accusation, c’est une évidence. Il existe des liens étroits, antérieurs à l’éclatement de la crise au Burundi et qui se sont renforcés depuis.
Je pense que la France doit d’abord clarifier sa position sur le Rwanda
Depuis six mois, la France n’a plus d’ambassadeur à Kigali. Paris vous a pourtant proposé un nom, celui du diplomate Fred Constant. Mais manifestement, vous n’êtes pas intéressé. Pourquoi ?
Je pense que la France doit d’abord clarifier sa position sur le Rwanda. Il y a ces génocidaires qui ont trouvé asile là-bas, que l’on arrête puis que l’on libère, pour qui on délivre des non-lieux, que l’on juge au compte-gouttes et que l’on refuse systématiquement d’extrader. Il y a ce rapport du juge Trévidic dont on ne connaît toujours pas les suites. Ses conclusions devaient en principe dire la vérité sur l’attentat contre l’avion de Habyarimana. Or, pour d’inexplicables raisons, rien ne vient, comme si cette vérité ne convenait pas à la France, comme s’il fallait toujours laisser une porte ouverte pour perpétuer la discorde.
Même chose pour la déclassification des archives annoncée il y a un an par le président Hollande : qu’en est-il sorti ? pour quelles conclusions ? Jouer au jeu de la normalisation apparente, avec d’un côté un ambassadeur qui fonctionne comme si de rien n’était et de l’autre des manipulations politiques qui ne vont pas dans le sens de la réconciliation, cela ne nous intéresse pas. Réexaminons l’ensemble de nos relations, mettons tout sur la table, discutons. Ensuite, l’agrément pourra être donné à un ambassadeur.
La France est-elle prête à ce type de déballage et d’introspection, selon vous ?
Je n’en suis pas sûr.
Donc, la réconciliation n’est pas pour demain ?
Il est probable que non, effectivement. Pourtant, nous avons beaucoup fait, pendant des années, pour qu’il en soit autrement. Nous avons même autorisé des juges français à venir enquêter chez nous alors que le Rwanda a infiniment plus de choses à reprocher à la France que l’inverse.
Reconnaissez tout de même que l’on n’a pas entendu Paris critiquer votre décision de vous représenter en 2017, contrairement à Washington et à Londres…
Oui. Mais je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Vous croyez que c’est un cadeau que la France nous a fait ? Si c’est le cas, nous ne l’avons pas sollicité.
Plus du tiers des revenus et un dixième du PNB du Rwanda proviennent toujours de l’aide extérieure. N’est-ce pas là un facteur de fragilité pour votre régime, surtout quand quelques-uns de vos plus gros donateurs figurent parmi ceux qui critiquent votre politique ?
Évidemment. C’est une faiblesse et un problème. D’où notre combat acharné pour l’autosuffisance et notre refus de voir les donateurs nous dicter notre conduite.
Votre position vis-à-vis de la CPI est connue : vous êtes farouchement contre. En voulez-vous aussi à la procureure générale, Fatou Bensouda ?
Non. Elle et moi nous nous connaissons bien. Ce n’est pas elle le problème, c’est le système pervers pour lequel elle travaille.
Une poignée de jeunes musulmans rwandais recrutés en Belgique ou au Soudan combattent dans les rangs de l’État islamique
Le Rwanda est-il à l’abri de Daesh et du terrorisme jihadiste ?
Plus que beaucoup d’autres pays sans doute, mais pas complètement. Une poignée de jeunes musulmans rwandais recrutés en Belgique ou au Soudan combattent dans les rangs de l’État islamique, et vous vous souvenez sûrement de l’incident de Bangui, en août 2015, quand l’un de nos soldats au sein de la Minusca a tué quatre de ses camarades. Les investigations menées ont permis de découvrir que ce soldat avait des liens indirects avec Daesh. J’ai dit aux représentants de notre petite communauté musulmane de gérer en interne les cas de radicalisation. Étant entendu que la police est prête, à tout moment, à intervenir.
À l’exception de Kigali, toutes les villes du Rwanda ont vu leur nom changer. Cette décision est la vôtre. Pourquoi l’avez-vous prise ?
Pour deux raisons. La première est d’ordre psychologique : beaucoup de ces noms ont été associés à des fiefs ethniques, politiques et personnels, dans le plus mauvais sens du terme. Avant et pendant le génocide. Il fallait rompre avec cet héritage trop connoté. La seconde est d’ordre historique : nous avons en réalité redonné à ces cités les appellations précises qui étaient les leurs avant la colonisation. Ruhengeri est redevenue Musanze ; Gisenyi, Rubavu ; Butare, Huye, etc. Il ne s’agit donc pas de faire table rase du passé, mais d’effacer un passé de haine pour renouer avec un passé de grandeur.
François Soudan