L’histoire est un perpétuel recommencement. Mal habitués à se vautrer dans des turpitudes, des flatteries, des reniements, la bassesse et la perfidie, beaucoup de politiciens congolais sont d’éternels enfants qui ne grandissent pas et ne s’élèvent pas moralement.
Le règne de chaque dictature est une période où ils apprennent à se donner en spectacle et à bien jouer la comédie. C’est une période où la classe politique se divise nettement en deux blocs diamétralement opposés et hostiles l’un à l’autre.
D’une part l’establishment réactionnaire et les adorateurs du veau d’or qui s’identifient à lui et gravitent dans son orbite ; d’autre part les forces politiques et sociales patriotes, nationalistes et progressistes acquises au changement, qui militent contre l’ordre établi conservateur pour instaurer à sa place la démocratie et l’Etat de droit.
Sous le règne du MPR de Mobutu, on avait vécu ce phénomène avec la révolte de célèbres et courageux 13 parlementaires et la création de leur parti politique dénommé » Union pour la démocratie et le progrès social » (UDPS) qui devint alors l’antithèse du MPR (Mouvement populaire de la révolution), parti unique et parti Etat du Système.
C’est à la conférence nationale souveraine que le phénomène bipolarisation de la classe politique s’était opéré clairement. A droite, une minorité de flatteurs et de prébendiers, une coterie d’apparatchiks qui s’engraissent de la sueur du peuple aux côtés du dictateur Mobutu, et à gauche tous les laissés pour compte de toutes les couches sociales en parfaite communion d’affinités et de sentiments avec l’opposition.
L’élection du premier ministre en la personne du leader Etienne Tshisekedi de l’UDPS a été l’apothéose de cette solidarité des laissés pour compte déterminés comme un seul homme à liquider la dictature de Mobutu et tous ses symboles de mythification et d’envoûtement de la société.
L’AFDL de Laurent Désiré Kabila s’est tout simplement engouffrée dans la brèche pour débusquer un léopard édenté sans coup férir. La bipolarisation a été absente du dialogue intercongolais à Sun City en Afrique du Sud, qui était alors le rendez-vous de belligérants.
La classe politique et la société civile y ont été comme des parents pauvres, des spectateurs sans réellement voix au chapitre. L’illustration, c’est la formule algébrique de gouvernement de 1+4 des rejetons de l’AFDL à la solde du Rwanda et de l’Ouganda.
Camp Tshisekedi et camp Kabila
C’est sous le présent règne du PPRD et de sa plateforme » Mouvance présidentielle » (MP) que le phénomène de bipolarisation de la classe politique est réapparu et s’est visiblement accentué.
Il y a d’un côté un système bizarre de cohabitation étrange entre kabilistes et mobutistes, sous l’égide de l’autorité morale (Joseph Kabila) ; de l’autre l’opposition et la société civile constantes et véritables, qui sont l’incarnation des aspirations légitimes de toutes les couches sociales des laissés pour compte pour le triomphe de la démocratie et de l’Etat de droit en RDC.
Les tares du système du MPR réintroduites dans celui d’aujourd’hui produisent les mêmes effets : corruption, débauchage, vénalité et versatilité de politiciens, enrichissement facile et rapide sans cause, détournement des fonds du Trésor, culte de la personnalité, obscurantisme ; confiscation des médias publics, soif de pouvoir pour le pouvoir, violations de textes légaux, tendance à imposer la pensée unique, absence d’Etat, etc… Tous ces travers devenus des armes du système ont séduit et poussé des acteurs politiques et sociaux tièdes, inconstants et félons, à ramper devant le pouvoir sans dignité, sans honneur.
Combien de prétendus opposants et activistes de la société civile ne se sont ils pas mis ouvertement au service du système du PPRD-MP ?
Etienne Tshisekedi et la communauté internationale ont bien perçu, compris et analysé correctement cette bipolarisation actuelle de la classe politique en RDC.
Dans sa feuille de route, le leader de l’UDPS souligne cette bipolarisation comprenant le camp du pouvoir de Joseph Kabila avec tous ceux qui ont choisi de coqueter avec lui d’une manière ou d’une autre dans son système ; et l’autre camp des forces politiques et sociales sincèrement acquises au changement de l’ordre établi défectueux et irresponsable, dont Tshisekedi est l’incarnation.
Ceux qui désapprouvaient la feuille de route de Tshisekdi dès qu’elle a été publiée, sont curieusement parmi ceux qui se bousculent au portillon pour figurer parmi les participants au dialogue ! La moralité et l’honnêteté n’autorisent pas à considérer encore comme marqués à gauche (Opposition) les comploteurs de Sultani qui avaient quitté Fatima en 2011, ceux qui ont participé aux concertations politiques du pouvoir, ceux qui siègent au parlement issus des législatives de 2011 sous l’étiquette de l’opposition.
Ils se sont rapprochés du pouvoir et doivent avoir le courage de se réclamer de leur nouvelle appartenance politique qui n’est plus celle de l’opposition.
Des moutons noirs tenus à l’écart
Ils se bousculent inutilement au portillon. Le dialogue en perspective est strictement bipolaire. Ce n’est plus ni la conférence nationale souveraine ni le dialogue intercongolais à Sun City en Afrique du Sud. Cette clarification est faite à dessein. On ne peut pas être tantôt progressiste, tantôt conservateur. Il faut choisir et rester constant dans son option et dans ses convictions.
C’est ça être homme d’Etat, homme de principes. L’aventurisme, l’opportunisme, la versatilité, le manque de sérieux, l’absence de scrupules, la légèreté, le retournement de casaque, etc… des politiciens rdcongolais sont tellement connus et jugés agaçants qu’on ne saurait faire de ce dialogue en perspective une foire d’empoigne où ils iraient encore bomber le torse et faire du désordre comme ils en ont l’habitude, croyant que c’est une occasion pour avoir sa part du gâteau.
Il y a deux bords politiques distincts aujourd’hui : on est de l’un ou on est de l’autre. La bipolarisation est actuellement évidente, indiscutable. Organiser et tenir un dialogue bipolaire aura cet avantage d’apprendre aux politiciens congolais à vivre. Des moutons noirs tenus à l’écart sont des forts en thèmes qui ne représentent rien et ne s’appuient que sur leurs partis alimentaires.
La main invisible de l’Occident
C’est la communauté internationale qui tire les ficelles de la politique de la RDC depuis 1960 jusqu’aujourd’hui. Les politiciens congolais dans leur grande majorité ne jouissent d’aucune considération. Ils se font discréditer et mépriser à cause de leurs turpitudes. Ils se montrent toujours inconscients et irresponsables, peu soucieux d’assumer les destinées de leur pays qui recèlent scandaleusement d’immenses potentialités dans son sol et son sous sol.
C’est cette démission de leur part qui conforte la communauté internationale dans son rôle de tutelle implicite qu’elle joue sur la RDC.
Le dialogue intercongolais de Sun City était son œuvre. La formule 1+4 était son invention. La constitution qui régit la RDC porte en filigrane son empreinte.
Les budgets qu’on confectionne et qu’on vote n’échappent pas au droit de regard des institutions financières internationales. Les tripatouillages électoraux de 2006 et 2011 auraient été inimaginables sans la main invisible de l’Occident impérialiste.
Si le pouvoir au bout du rouleau semble résister encore, c’est parce que les princes de la terre laissent faire. Si Etienne Tshisekedi peine à récupérer son » impérium « , c’est parce que l’Occident impérialiste tarde toujours à tenir sa parole d’honneur.
Tous ces cas concrets montrent clairement l’importance du rôle que la communauté internationale joue en RDC. Rien ne lui échappe. Rien ne peut se faire à son insu.
Sa main est invisible, mais omniprésente et omnipotente. Si le dialogue bipolaire est soutenu, encouragé et favorisé par elle, il se tiendra bel et bien, n’en déplaise aux politiciens » moutons noirs » qui se bousculent vainement au portillon. Ceux qui s’agitent ne peuvent en rien contrarier ce dialogue bipolaire ni s’y faire admettre forcément s’ils sont mis à l’écart par les deux blocs en présence. C’est la rançon de l’inconstance politique.
Par Jean N’saka wa N’saka/Journaliste indépendant