Maréchal, les Léopards de la RDC affrontent les Eléphants de la Côte d’Ivoire ce soir. Quel est votre pronostic ?
Bien entendu, pour avoir donné le nom à nos fauves - n’oubliez pas c’est moi qui ai donné le nom des Léopards en lieu et place des Lions que j’avais trouvé - je ne peux que souhaiter leur victoire ce mercredi. Kabila tente d’avoir sa première coupe d’Afrique, moi j’en avais eu deux, en 1968 et en 1974. Je sais que ce n’est pas facile, mais Joseph Kabila doit s’impliquer pour atteindre ce résultat. Surtout qu’il envisage de ramener la coupe à Kinshasa comme je l’avais fait et cela est possible. Comme il s’est déjà rendu sur place, il n’a pas droit à l’erreur, car sa présence doit apporter aux Léopards la chance dont ils ont besoin et non le contraire.
En 1968 et en 1974, qu’aviez-vous ressenti après la victoire des Léopards à la Coupe d’Afrique des nations ?
C’est surtout en 1974 que je me suis senti invulnérable avec la victoire des Léopards. C’était le début de la politique du recours à l’authenticité et il fallait fournir des preuves que cela pouvait nous permettre d’avancer. Nous avions mis tous les moyens en jeu, les Léopards étaient suffisamment motivés et là aussi, le Zaïre, aujourd’hui RDC, de l’époque avait battu le Congo-Brazzaville. Ah oui, ce défi n’a pas commencé aujourd’hui. La victoire de nos fauves était un grand évènement au pays au point que j’avais décidé d’offrir aux Léopards, en plus de l’argent perçu, des maisons à la cité Salongo à Lemba, une cité construite pour eux, et des voitures neuves. Malheureusement, toutes les maisons ont été vendues par la suite et personne n’a gardé ne fût-ce que comme souvenir aujourd’hui. Joseph Kabila devrait faire de même en cas de victoire à la 30ème coupe.
Il est justement déjà sur place avec une prime spéciale d’encouragement pour les joueurs ?
C’est une bonne chose et je lui souhaite beaucoup de chances pour que les Léopards remportent la coupe. C’est une question de prestige national. Après la Coupe d’Afrique des nations en 1974, l’équipe nationale s’est rendue à la Coupe du monde. C’est là que se situe ma déception en matière de football. Trois défaites, quatorze buts encaissés, zéro but marqué, c’était le comble de l’humiliation. Et depuis, les Léopards ne sont jamais retournés à la Coupe du monde. Si jamais, ils remportaient la Coupe d’Afrique ce dimanche, il faudrait viser la Coupe du monde pour laver notre affront. Avec l’équipe qu’on a aujourd’hui, cela est bien possible.
A l’époque, c’est un entraineur étranger, qui était à la tête des Léopards, aujourd’hui c’est un originaire du Congo ?
Oui, même si vous avez évité de dire que Florent Ibenge est de nationalité française. Mais, entre nous, un homme qui est né et qui a grandi en RDC, est-il vraiment français au même titre que les Blancs nés et grandis en France ? Non, son cœur bat pour la RDC sa première patrie et la seule qui compte réellement pour lui. De ce côté-là, on peut dire qu’il est et demeure Congolais. Croyez-moi, cet homme fait la fierté de la RDC après tous les expatriés qui se sont succédé à la tête des Léopards sans réaliser son exploit. C’est une bonne chose pour la RDC. Vidinic, le Yougoslave qui était à la tête des Léopards en 1974 était excellent, sauf seulement à la coupe du monde. Je crois qu’il est temps pour la RDC de ne plus compter sur des entraineurs étrangers, il faut au contraire déjà commencer à préparer des Congolais à s’occuper de tous les secteurs de la vie et non seulement en football. Tout un défi pour le pays.
Il y a peu, on a enregistré des incidents à Kinshasa et dans certaines provinces de la RDC suite à la révision de la loi électorale. Quelles leçons tirer de cette affaire ?
La plus grande leçon, c’est que les Congolais doivent apprendre à savoir s’accorder sur de grandes questions d’intérêt national sans s’en remettre à la communauté internationale. Logiquement, les acteurs politiques devraient se mettre autour d’une table pour accorder leurs violons avant de mettre l’affaire sur la place publique. Surtout que Joseph Kabila est constitutionnellement fin mandat, il ne " faudrait pas donner l’impression de chercher à imposer ses vues à l’Opposition. Il faut au contraire se servir d’elle en l’approchant pour l’affaiblir. En 1991 et 1992, j’ai affronté la grande équipe de l’opposition et j’ai fini par la diviser au point que tout le monde se référait à moi. J’avais même quitté Kinshasa pour me retrancher à Gbadolite pour rester au dessus de la mêlée. En fin de compte, les opposants se rentraient dedans et sollicitaient mon arbitrage ».
Les opposants sollicitent le dialogue, mais le Pouvoir ne semble pas de cet avis. Que faut-il faire alors ?
Je conseille à Joseph Kabila, après les incidents enregistrés en janvier, de ne pas faire la sourde oreille. Qu’il décide de ne plus postuler en 2016 ou qu’il décide du contraire, ça ne lui coûte rien d’accepter de dialoguer avec les opposants pour apaiser le climat. Le fait de refuser ce genre d’initiative, c’est contribuer à renvoyer l’opposition entre les mains de l’Occident ou de la communauté internationale. Souvent, dans ce cas de figure, les conséquences sont toujours incalculables en politique parce que quand l’Occident s’en mêle, les choses deviennent compliquées. C’est pour cette raison que j’acceptais les négociations parce qu’elles me permettaient de diviser les opposants et de les débaucher par vague. Il faut accorder à l’opposition le dialogue qu’elle réclame tout en piégeant ces assises afin d’en tirer le plus grand profit politique.
Autre chose à ajouter ?
Bien-sûr, ça ne peut pas manquer. C’est surtout de dire aux Congolais que je soutiens totalement les Léopards et que je souhaite de tout mon vœu que la trentième coupe d’Afrique revienne à la RDC au terme d’un sursaut d’orgueil pour un pays qui a déjà remporté deux coupes d’Afrique. Je crois que Dieu fera en sorte que la victoire soit congolaise et que cela constitue réellement le réveil attendu parce que, comme le dit Joseph Kabila, la RDC est aujourd’hui un pays debout. M. M.