Un membre du staff de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Congo) avait du mal à cacher son indignation hier devant la presse face aux massacres à répétition qui émaillent le quotidien des autochtones du territoire de Beni voici bientôt un mois. En l’absence de données fiables sur l’identité véritable des auteurs et commanditaires de ces crimes, il a préféré prendre rendez-vous avec le temps pour des investigations appropriées sur le terrain.
Les médias ont au moins retenu l’engagement ferme de la mission onusienne de tout faire pour que les parrains finissent, tôt ou tard, par répondre de leurs actes devant la justice. Dans l’entendement de la Monusco, les accusations qui circulent dans tous les sens contre des traitres politiques et militaires restent à vérifier. Même Antipas Mbusa Nyamwisi, publiquement désigné par le gouvernement congolais comme étant le principal sponsor de la rébellion qui opère sous le label de l’ADF/Nalu, est mis sur le même pied d’égalité que tous les suspects qui agiraient dans les coulisses, car présumés innocents.
Bref, si l’on a bien compris le souci de la Monusco, la page des massacres présumés avoir été perpétrés par des rebelles ougandais de l’ADF/Nalu à travers le territoire de Beni ne fait que s’ouvrir. Ainsi, indépendamment des informations que le gouvernement de Kinshasa fait parvenir aux médias, la mission onusienne va déployer aussi ses enquêteurs en vue de connaître les tenants et aboutissants d’une situation sécuritaire qui s’est brutalement dégradée, alors que cette « force négative » étrangère était en voie d’anéantissement à la suite des opérations militaires mixtes menées contre elle par les FARDC et les Casques Bleus.
On croit savoir que la Monusco ne veut pas se tromper de cible dans la recherche de la main noire qui instrumentalise les combattants ADF/Nalu ou M23 ainsi que des éléments incontrôlés des FARDC pour semer le bordel dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Le temps de la désignation des coupables n’a pas encore sonné. Mais la menace de ne pas fermer le dossier des massacres de Beni tant que le flou va persister au sujet des responsables de la montée brutale de l’insécurité fait penser au caractère imprescriptible de leurs actes.
Nouveaux candidats pour la CPI !
La volonté de la Monusco de ne pas laisser impunis les massacres du territoire de Beni est naturellement saluée par des millions de patriotes qui aimeraient savoir comment des innocents sont tués en grand nombre. Mais, pour matérialiser ce vœu, l’on pense qu’elle devrait confier, le moment venu, les dossiers des présumés coupables à la CPI (Cour Pénale Internationale), l’unique juridiction internationale qui, malgré les critiques, fait table rase des « immunités » des dignitaires de plusieurs régimes africains.
Le territoire de Beni va-t-il, à l’instar du district de l’Ituri (Thomas Lubanga, Germain Katanga, Matthieu Ngudjolo, Bosco Ntaganda) être le pourvoyeur de la CPI en citoyens congolais auteurs ou commanditaires des crimes de guerre ou crimes contre l’humanité ? Bien qu’apparemment anodine, la menace brandie hier par la Monusco en direction de tous ceux qui – décideurs politiques, galonnés de l’armée, seigneurs de guerre, miliciens armés – ont trempé dans les massacres des populations de cette partie de la République a de quoi faire trembler tous les compatriotes ayant des mains imbibées du sang des innocents.
En attendant donc que la mission onusienne dévoile les dessous des cartes, le gouvernement congolais n’est plus seul à émettre un son de cloche sur les parrains des tueurs à la machette à Beni.