(KINSHASA)- Une semaine après sa sortie de la prison, l’opposant Jean
Bertrand Ewanga a appelé le président Kabila à renoncer à son idée de
briguer un troisième mandat et à se préparer à passer le pouvoir de
manière civilisée le 20 décembre 2016. ‘‘M. Kabila, par la volonté du
constituant, n’a pas le droit d’être candidat en 2016. L’élection
présidentielle doit absolument se tenir le 27 novembre 2016 et la
passation pacifique du pouvoir le 20 décembre de la même année’’,
a-t-il indiqué. D’un ton ferme, le secrétaire général de l’Union pour
la nation congolaise qui s’exprimait lundi à Kinshasa devant la presse
et les principaux leaders de l’opposition, a exprimé sa détermination,
celle de son parti et de son regroupement politique- la Dynamique pour
l’unité d’actions de l’opposition, à poursuivre la lutte, tout en
accentuant une pression constante sur le régime en place pour que le
pays accède à l’alternance démocratique à travers la tenue des
élections libres, démocratiques et transparentes. Ainsi, Ewanga a
invité la classe politique à s’investir dans une démarche qui peut
faire aboutir le combat et amener le peuple au changement. ‘‘Il faut
éviter des compromissions et des arrangements politiques nocturnes
dictés par des intérêts égoïstes, de nature à donner des béquilles au
pouvoir sortant’’, rappelle l’opposant. Pour lui, le deuxième et
dernier mandat du président Kabila arrive à terme le 19 décembre 2016,
sans aucune possibilité de prolongation ou de glissement quelconque.
Il conseille à ceux qui murissent l’idée d’accorder un troisième
mandat au président Kabila ou lui donner une transition, à y renoncer.
Ils veulent tout simplement, selon lui, plonger le pays dans le chaos.
L’ex-prisonnier de Makala demande aux congolais d’être vigilants et de
s’approprier l’esprit et la lettre de l’article 64 de la constitution,
pour barrer la route à toute tentative de prolongation du règne de la
majorité actuelle au pouvoir.
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
DYNAMIQUE POUR L’UNITE D’ACTIONS DE L’OPPOSITION POLITIQUE CONGOLAISE
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POINT DE PRESSE DE L’HONORABLE JEAN-BERTRAND EWANGA
Mesdames, Messieurs de la presse,
Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs,
Il y a un an, jour pour jour, j’ai été arrêté, emprisonné, injustement
jugé et condamné à un an de prison ferme. Je viens de purger la peine
qui m’a été infligée au Centre dit de Rééducation de Makala.
Au moment où je me tiens devant vous, aujourd’hui, en homme de nouveau
libre, il est de mon devoir de commencer par vous saluer tous et
chacun, et à vous dire combien je suis heureux et ému de me retrouver
parmi vous, une année après mon emprisonnement injuste.
J’éprouve une énorme charge d’émotions de retrouver la grande famille
de la Dynamique pour l’Unité d’Actions de l’Opposition congolaise dont
l’UNC, mon parti, est membre. J’adresse, au nom de ma famille et au
mien propre, à tous et à chacun, mes profonds remerciements pour le
soutien qu’ils n’ont cessé d’apporter à ma modeste personne ainsi qu’à
ma famille depuis mon enlèvement dans la nuit qui a suivi le meeting
populaire réussi du 04 août 2014 à la Place Ste Thérèse de N’Djili et
le soutien appuyé reçu tout au long de ce procès de la honte ainsi
que durant toute la période de mon incarcération à la prison de
Makala.
Je suis d’autant plus ému que je retrouve la grande famille de
l’opposition politique, plus que jamais unie, engagée et déterminée à
faire respecter la Constitution de la République et attachée au
principe d’alternance démocratique dans notre pays.
Je tiens, avant d’entrer dans le vif du sujet, à remercier du fond du
cœur, au nom de ma famille et au mien propre, tous les partis
politiques d’opposition, mes collègues députés nationaux, les
personnalités de tous les horizons, les hommes de Dieu, les medias
nationaux qui ont bravé la terreur exercée sur eux par le pouvoir en
place. En relayant courageusement, par leurs diffusions et
publications, toutes les péripéties de mon dossier, ils ont continué à
démontrer qu’ils défendent la liberté d’expression et les causes
justes. Je pense ici aux organes de presse tels que Le Phare, Le
Potentiel, Congo News, Radio Okapi, CCTV, RTCE. La liste n’est pas
exhaustive.
A vous tous, vaillants journalistes, hommes et femmes, épris de
vérité, je dis sincèrement merci pour le soutien que vous avez apporté
au front commun de lutte pour la démocratie et à ma modeste personne
dans cette affaire que mes geôliers ont considérée comme ultime
épreuve à m’infliger pour nuire à mon combat politique et à ma vie,
sinon comme occasion pour eux de faire reculer la démocratie, de
museler l’opposition, les leaders d’opinion et les activistes des
droits de l’Homme, d’intimider notre peuple et de réussir à instaurer
ainsi par la terreur, un régime tyrannique comme en Birmanie ou en
Corée du Nord.
Je m’en voudrais si, en pareille circonstance, je ne tirais pas mon
chapeau bas pour remercier mes compatriotes membres de la diaspora
congolaise qui, chaque jour et de diverses manières, n’ont cessé
d’interpeller les gouvernements et parlements de leurs pays d’accueil
pour qu’ils condamnent le régime de Kinshasa à cause de son forfait
commis contre ma personne. A tous les congolais, combattants et
résistants vivant par la force des choses à l’étranger, je tiens à
dire sincèrement merci pour leur combat en faveur de ma modeste
personne, en faveur de la liberté d’expression et en faveur de la
démocratie.
Je salue respectueusement le collectif de mes avocats conseils qui,
par leur argumentaire, ont détruit toutes les accusations mensongères
dirigées contre ma personne et prouvé à la face du monde que dans ce
pays, le triomphe de l’arbitraire dans l’administration judiciaire de
la RDC est un cancer qui appelle de notre part un engagement collectif
et déterminé pour sa guérison.
Je remercie enfin, le Parlement Européen, le Parlement britannique
ainsi que Leurs Excellences mesdames et messieurs les ambassadeurs et
chefs des missions diplomatiques des Etats Membres de l’Union
Européenne, des Etats-Unis d’Amérique, de la Suisse, le gouvernement
belge, la Monusco et toutes les personnalités étrangères qui se sont
mobilisés, au nom de leur attachement à la démocratie et au respect
des droits humains, en faveur de ma modeste personne.
Qu’ils trouvent ici, l’expression de ma profonde gratitude et de ma
détermination à continuer le juste combat en faveur du peuple
congolais.
J’exprime vivement ma gratitude aux organisations congolaises de
défense des droits de l’homme notamment La Voix des Sans Voix de
l’illustre feu Floribert CHEBEYA, l’Action pour l’accès à la justice
(ACAJ), l’Asadho et bien d’autres encore.
Je suis particulièrement reconnaissant à l’endroit des regroupements
parlementaires et des organisations internationales des droits de
l’homme, plus particulièrement Human Rights Watch, Amnesty
International, la Fondation Bill Clinton, la Fédération Internationale
des Droits de l’Homme, l’Association des parlementaires de langue
française. Je ne saurai oublier la pression, que jour après jour, la
presse internationale, respectueuse des droits humains, n’a cessé
d’exercer en rappelant au souvenir mon emprisonnement ainsi que les
menaces contre les autres défenseurs des libertés et des droits
humains à travers le monde. Je cite ici Radio France Internationale,
BBC Londres, La Voix de l’Amérique, la Voix de l’Allemagne, France 24,
TV5 Monde, La Libre Belgique, Le Soir et bien d’autres.
Je ne saurai clore le chapitre de ma gratitude sans remercier de
manière particulière le peuple congolais tout entier qui, à Kinshasa,
au Nord Kivu, au Sud Kivu, au Katanga, dans le Kasaï, au Kongo
Central, au Bandundu, au Maniema et partout dans le pays, a fait
preuve d’un sursaut patriotique exceptionnel en m’apportant son
soutien. Ce sursaut n’est ni gratuit ni fortuit. C’est un message
clair, qui traduit la détermination de notre peuple à combattre la
dictature sous toutes ses formes et à faire respecter l’esprit et la
lettre de la Constitution par l’organisation de l’élection
présidentielle dans les délais constitutionnels, c’est-à-dire, pour
notre pays, en novembre 2016 et la passation civilisée des pouvoirs au
sommet du pays le 20 décembre 2016. Ce combat de notre peuple n’a
cessé d’interpeller ma conscience tout au long de mon incarcération.
Chers compatriotes, j’ai reçu votre soutien comme un appel pressant à
l’engagement de ma personne au service du peuple, c’est-à-dire au
service de la démocratie.
Je ne saurais citer tous les noms des personnes et des organisations
qui m’ont soutenu et qui sont sans nombre. Je voudrais que tous
notent, à travers ces simples mots, toute l’émotion que j’ai ressentie
toutes les fois que je me suis senti soutenu et porté par eux tous
ainsi que toute ma gratitude doublée de ma détermination plus que
jamais d’œuvrer ensemble, main dans la main, pour sauver notre pays de
la dérive totalitaire.
A travers ces simples mots, je voudrais que vous puissiez également
noter ma détermination plus que jamais renouvelée d’œuvrer ensemble
avec vous, main dans la main, pour sauver notre pays de la dérive
totalitaire.
Mesdames, Messieurs de la presse,
Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs,
Durant les douze mois de mon emprisonnement, j’ai côtoyé toutes les
misères des prisons congolaises, j’en porte les stigmates et je sais
de quoi je parle.
En ce jour, je pense plus particulièrement aux nombreux compatriotes,
victimes d’injustices sans nombre, condamnés par le régime à croupir
sans raison et sans jugement en prison et qui espèrent un jour
recouvrer la liberté par le combat que nous menons tous.
Je pense ici à mes camarades de cellules Eugene Diomi Ndongala, Vano
Kiboko, Jean Claude Muyambo, Christopher Ngoyi, Cyrille Doee Mupapa,
Yves Makwambala, Fred Bauma, Godefroid Muanabuato.
Il en est de même des condamnés et amnistiés dans l’affaire de
l’assassinat de feu président Laurent Désiré Kabila parmi lesquels
NONO LUTULA, EDDY KAPEND, Madame NELLY TUITE, Colonel MAYEMBE, Colonel
KUNDA, Colonel Alphonse MUTINDO et de certains autres issus des
groupes soi-disant «insurrectionnels», dont la plupart ont été arrêtés
mais jamais jugés ni condamnés et bien qu’amnistiés, restent maintenus
en prison par la seule volonté du régime de Kinshasa. Il s’agit
notamment de maître Firmin Yangambi, Eric Kikunda, Gerald Mapela,
Colonel Samba et le lieutenant-colonel Kazamba. Sur ce chapitre, j’y
ai consacré un ouvrage à paraître incessamment.
Je voudrais enfin, saluer avec respect, la mémoire illustre de tous
les compatriotes tombés sur le champ de bataille de notre lutte lors
des évènements du 19 au 25 janvier 2015 et dont la plupart sont
possiblement enterrés dans l’anonymat dans la fosse commune de Maluku,
abusivement et honteusement appelée «TOMBE COMMUNE». Ma pensée se
tourne également vers les victimes des massacres à répétition à Beni,
au Nord Kivu, causées par l’incapacité du pouvoir en place à assurer
la sécurité des personnes et celle de leurs biens. En leur mémoire, je
vous prie de vous lever pour observer une minute de silence…… (Merci)
Mesdames, Messieurs de la presse,
Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs,
Au sortir de la prison, d’aucuns se posent la question de savoir quel
est mon état d’esprit après douze mois d’une injuste privation de
liberté. Rassurez-vous, je suis calme et serein.
Mon état d’esprit est celui d’un homme politique, conscient de ses
responsabilités devant l’histoire et la nation, qui a été confronté à
l’arbitraire d’un système répressif et dictatorial qui, par ce
forfait, m’a donné encore l’occasion de jauger, du dedans de la
prison, l’immensité de son incapacité à gérer le pays et à maîtriser
le destin national.
La présente conférence de presse intervient près de dix jours après
que j’aie totalement purgé la peine injuste qui m’avait été infligée
sans motif valable dans le but d’intimider l’opposition et tout notre
peuple dans son combat pour l’alternance pacifique et démocratique
qu’imposent la Constitution et les lois de la République, alternance
qui ne peut être ni retardée ni reculée encore moins négociée par qui
que ce soit. Elle s’impose à tous comme un impératif à intégrer dans
nos mentalités et une contrainte sociale émanant de notre peuple
souverain qui est déterminé à user de ses prérogatives
constitutionnelles pour remplacer à tout prix, le régime en place, qui
n’a plus ni assises, ni projet ni recettes nouvelles à faire valoir.
C’est le lieu pour moi de renouveler ma détermination, celle de mon
parti, l’Union pour la nation congolaise, et sans aucun doute celle de
la Dynamique pour l’Unité d’Actions de l’Opposition politique à
poursuivre la lutte en accentuant la pression constante sur le régime
en place pour que notre pays accède à la culture d’alternance
démocratique à travers la tenue, dans les délais, de l’élection
présidentielle libre, démocratique et transparente à laquelle Monsieur
Kabila, par la volonté du constituant, n’a pas le droit d’être
candidat. Cette élection présidentielle doit absolument se tenir le 27
novembre 2016 et la passation pacifique du pouvoir le 20 décembre de
la même année.
Par conséquent, j’invite la classe politique à s’investir sans
atermoiements funestes dans une démarche globale qui intègre les
aspirations légitimes de notre peuple au changement en évitant les
compromissions et autres arrangements politiciens nocturnes dictés par
des intérêts égoïstes qui, fondamentalement, sont de nature à donner
des béquilles au pouvoir en place. En d’autres termes, nous
réaffirmons que le deuxième et dernier mandat constitutionnel de
Monsieur Kabila arrive à terme le 19 décembre 2016, sans aucune
possibilité de prolongation ou de glissement quelconque.
A ce sujet, il est important de préciser que la Constitution de la
République ne connait point de concept ‘’troisième mandat’’ auquel
Monsieur Kabila aurait encore droit. Il me semble que cette question
doit être élucidée au regard des textes constitutionnels qui régissent
la pratique politique dans notre pays. Ainsi, l’article 70 stipule, je
cite : «le Président de la République est élu au suffrage universel
pour un mandat de 5 ans, renouvelable une SEULE fois», fin de
citation. Cette disposition est on ne peut plus claire en ce qu’elle
fixe les limites du renouvellement de mandat présidentiel. Il va sans
dire que ceux qui évoquent un quelconque ‘’troisième mandat’’ ou une
éventuelle transition sont dans l’erreur. Ils veulent tout simplement,
au nom des intérêts égoïstes, plonger notre pays dans le chaos.
Il n’y a pas et il n’y aura pas de troisième mandat pour Monsieur
Kabila qui aura, le 19 décembre 2016, épuisé totalement le nombre de
mandats que lui offre la Constitution. Tout exercice de pouvoir
au-delà de ce délai ne sera ni plus ni moins qu’un coup d’Etat
constitutionnel que notre peuple n’est pas prêt et ne sera jamais prêt
à accepter.
Dans tous les cas, face aux gesticulations mal intentionnées de
Monsieur Kabila et ses affidés, j’invite le peuple congolais à
s’approprier dès aujourd’hui, l’esprit et la lettre de l’article 64 de
la Constitution en son alinéa premier qui stipule, je cite : «Tout
congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe
d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en
violation des dispositions de la présente Constitution», fin de
citation. Il va s’en dire que dès à présent, nous devons tous nous
armer de vigilance tous azimuts pour surveiller le comportement du
pouvoir en place, et le cas échéant, prendre notre destin en main
comme des sentinelles de la République et de la démocratie et barrer
la route à toutes les manœuvres dilatoires d’un pouvoir agonisant,
devenu une menace sérieuse pour notre peuple et pour la survie de la
République.
Mesdames, Messieurs de la presse,
Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs,
Mes douze mois d’emprisonnement à Makala m’ont permis de pénétrer les
arcanes de la justice de notre pays, qui souffre de plusieurs maux
notamment l’arbitraire, la corruption, et qui pratique la torture et
les traitements dégradants.
Bref, Makala est un mouroir d’où on n’est jamais sûr de sortir vivant
ou indemne. J’ai été confronté aux réalités dures et même révoltantes
de cette prison. Je me suis parfois demandé si le gouvernement était
conscient du rôle d’une prison. J’ai été, à maintes reprises, choqué
de vivre des spectacles ahurissants et inacceptables:
des séances de tortures, de sodomie, d’humiliations diverses et dans
plusieurs cas, de traitements inhumains et dégradants, sans compter
des cas de violation manifeste des principes élémentaires du code de
procédure pénale.
A titre illustratif, je vais m’appesantir sur un seul cas, celui de
mon voisin de cellule, l’honorable Jean Claude Muyambo, prétendument
arrêté pour stellionat et abus de confiance, devenu curieusement par
la force des choses un souci pour le gouvernement. Le temps que le
Parquet General mène ses investigations, Muyambo croupit en prison
avec moi. En attendant que le Parquet General de Lubumbashi transmette
le rapport de la Commission rogatoire, son dossier est envoyé au
Tribunal pour fixation. Une semaine après, le Parquet de Lubumbashi
envoie son rapport qui blanchit Muyambo et ne retient aucune
infraction à sa charge. Curieusement, l’honorable Muyambo continue à
être arbitrairement maintenu en détention par la seule volonté des
individus.
A Makala, l’être humain n’a aucune valeur. L’Etat qui, pourtant, a
bâti cette prison n’y prête aucune attention. J’y ai rencontré des
nombreux innocents, des oubliés de la justice, maintenus en détention
juste soit par oubli soit par la volonté délibérée d’un individu ou un
groupe d’individus.
J’ai vu des personnes condamnées à la place des autres et dont la
détention dépasse plus de 5 ans. J’ai rencontré des personnes
amnistiées par ordonnance présidentielle mais exclues du bénéfice de
cette amnistie par décision des individus se réclamant du pouvoir.
J’ai noté par exemple que l’hébergement, pourtant responsabilité de
l’administration pénitentiaire, est plutôt confiée à des bandits (des
kuluna) et à des prisonniers militaires qui perçoivent indument des
redevances hebdomadaires auprès des occupants. Pour quitter
l’hébergement et avoir une place au pavillon, il y a des frais à payer
auprès du gouverneur, gestionnaire dudit pavillon, de l’ordre de 20 à
100 dollars américains selon le cas. Ceux qui n’ont pas cette somme
sont obligés d’aller vidanger et déboucher les installations
hygiéniques dans un état crasseux et cela, s’il vous plaît, à mains
nues, et exposés ainsi à diverses maladies avec tous les risques que
cela comporte.
Makala est un milieu insalubre où sont exposés à l’air libre, les
excréments humains, distillant les odeurs nauséabondes, polluant
l’atmosphère et répandant plusieurs maladies.
J’ai relevé enfin, que même le fonctionnement de la prison incombe
entièrement aux pauvres prisonniers, parfois obligés de prendre en
charge l’entretien des bâtiments, l’électricité, l’eau et de fois, les
fournitures de bureau et le carburant pour l’administration
pénitentiaires.
Conçue pour 1500 personnes, Makala est aujourd’hui une structure qui
abrite plus de 7.000 personnes souvent sans défense, exposées à toutes
sortes de maladies dont la tuberculose, la typhoïde, l’amibiase, les
Infections Sexuellement Transmissibles ainsi que les maladies de la
peau sale. Ce Centre est un vrai générateur de maladies.
Quand un prisonnier tombe malade à Makala, il est presque déjà
condamné à mourir. Cette prison ne dispose que d’un minable centre de
santé sans équipements, sans médicaments ni ambulance pour une
population de plus de 7,000 personnes.
Le processus d’évacuation des personnes gravement malades vers les
institutions des soins médicaux appropriés est un véritable chemin de
la croix, surtout lorsqu’il s’agit des prisonniers politiques qui sont
soumis à un régime particulier des autorisations spéciales émanant des
autorités politiques, judiciaires et celles des services de sécurité
en dehors de l’administration pénitentiaire.
Le moindre sourire pour les prisonniers est celui qui vient du Comité
International de la Croix Rouge dont les dirigeants s’occupent parfois
même du débouchage des installations hygiéniques et en construisent
d’autres. A mon humble avis, Makala est tout sauf un centre de
rééducation. Sur 7000 détenus, 5000 sont jeunes, dont l’âge varie
entre 15 et 30 ans, jetés en prison pour des motifs divers et souvent
sans fondement. Avec ce nombre, c’est toute la nation qui est en péril
et sa jeunesse sacrifiée faute de politique appropriée de la part du
gouvernement. Il y a lieu de craindre que toutes ces victimes ne
s’inspirent des exemples d’ailleurs et deviennent un danger pour la
République. En fait, la prison de Makala est un Far West qui consacre
la désacralisation de l’Etat !
Mesdames, Messieurs de la presse,
Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs,
Je ne peux terminer mon propos sans revenir sur la situation
préoccupante du pays qui appelle de notre part une prise de conscience
sur les dangers qui nous guettent et par conséquent, un sursaut
patriotique.
Quels sont ces dangers?
D’abord, la peur d’affronter un pouvoir prédateur, honni et vomi par
tout notre peuple à cause de son incompétence, de ses insuffisances,
sa mégestion, les pillages des ressources naturelles, de l’insécurité
généralisée, de la corruption, des scandales à répétition ainsi que de
la cupidité qui le caractérisent. Ce pouvoir agonisant n’a plus
d’autres recettes à part la violence et l’arbitraire utilisés comme
armes d’intimidation pour susciter la peur et la psychose dans la
population.
Le deuxième danger qui guette ensuite la nation congolaise, c’est le
dysfonctionnement des institutions de la République à tous les
niveaux. Aujourd’hui, toutes les institutions congolaises sont
instrumentalisées et manipulées à souhait pour imposer à tout un
peuple la volonté nocive d’un groupe d’individus. J’en veux pour
preuve, la convocation du Sénat en seconde session extraordinaire en
violation et de la Constitution et du Règlement intérieur de cette
chambre juste pour imposer la volonté d’un petit groupe d’individus en
quête désespérée de glissement. Je salue ici, la bravoure des
honorables sénateurs et je les invite à faire davantage preuve de
courage politique et ainsi faire échec à ce funeste projet. Il en est
de même de la Commission électorale nationale censée être
indépendante mais qui, dans les faits, démontre à suffisance son
inféodation au pouvoir en place dont elle est devenue la branche
spécialisée en charge du glissement.
Le troisième danger enfin qui menace notre pays, c’est
l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par les services de
sécurité aux fins d’étouffer la démocratie et porter atteinte aux
libertés individuelles.
Dans ce chapitre, il y a lieu de citer divers procès politiques contre
les personnalités de l’opposition dont moi-même, celles de la société
civile ainsi que les journalistes, lesquels procès sont boutiqués par
les services de sécurité qui arrêtent les paisibles citoyens en
violation des lois, présentent leurs butins à l’appareil judiciaire et
lui imposent la suite à y réserver, entendez la sentence du pouvoir
judiciaire. C’était mon cas et c’est aussi le cas de plusieurs autres.
Mesdames, messieurs de la presse, distingues invites,
Chers compatriotes,
Mon message au peuple congolais est celui-ci :
Bravons la peur qui nous enchaîne et défions les canons des bourreaux
du peuple, c’est le prix à payer pour espérer bâtir ensemble, le Congo
tant rêvé par nos pères fondateurs :
- un Congo fort et stable, un Congo sans corruption, un Congo sans
affairisme, terre d’espoir, oasis de paix pour ses propres citoyens et
refuge des opprimés ;
- un Congo dans lequel les fonctions de l’Etat ne sont pas une
profession mais plutôt un mandat dont le délai doit être
scrupuleusement respecté ;
- un Congo ou les journalistes exercent librement leurs métiers dans
le respect de la loi et ne subissent aucune contrainte ni violence ;
- un Congo où les activistes des droits de l’homme font leur travail
sans être inquiétés ni poursuivis par le pouvoir ;
- un Congo où les dirigeants respectent les biens publics et se
préoccupent du vécu quotidien des populations ;
- un Congo où les fonctionnaires, militaires, juges, magistrats et
policiers assument leurs fonctions sans contraintes et perçoivent une
rémunération décente et suffisante, digne de leurs charges ;
- un Congo où l’enseignant, le médecin, l’infirmier s’appliquent
chacun à sa tâche avec conscience parce que convaincu de sa prise en
charge totale par l’Etat ;
- un Congo où la jeunesse reste la préoccupation de tout dirigeant, où
la femme jouit des mêmes droits que l’homme et où l’avenir de la
jeunesse est au centre de toute l’action politique ;
- C’est ce Congo que nous devons tous nous engager à bâtir.
Dans ce combat pour un Congo fort et prospère, nous devons imposer une
culture démocratique qui passe par la tolérance et le respect mutuel,
la liberté d’expression parce que toutes ces valeurs sont garanties
par la Constitution et les lois de la République.
Notre lutte ne vise nullement les individus. Elle est dirigée contre
un régime, mieux un système qui a prouvé son incapacité et ses limites
et qui est appelé à disparaître et à être remplacé par des dirigeants
nouveaux choisis librement par notre peuple. Il s’agit du combat pour
le respect de la parole donnée, pour le respect des engagements pris
et le respect du serment devant le peuple et devant Dieu.
Je vous invite donc, frères et sœurs congolais, à braver la peur et à
vous lever tous, comme un seul homme, dans un élan de patriotisme,
pour nous unir et rejoindre le camp du peuple congolais dont la
souffrance nous interpelle et qui a déjà, depuis la semaine du 19 au
25 janvier 2015, conjugué ce pouvoir au passé.
Quant à moi, je m’engage à mener et à continuer avec tout notre peuple
ce combat pour la démocratie dans notre pays, combat pour lequel, au
péril de leurs vies, des compatriotes ont su courageusement résister
et mourir.
- Simon Kimbangu a mené le combat pour la dignité de l’homme noir ;
- Patrice Emery Lumumba et ses compagnons d’infortune, Okito et Mpolo,
ont payé de leurs vies pour l’indépendance de notre pays ;
- Pierre Mulele, André Guillaume Lubaya ont lutté et payé chèrement de
leurs vies leur lutte contre la dictature de Mobutu et pour la
démocratie ;
- Les étudiants de Lovanium massacrés le 4 juin 1969 à Léopoldville ;
- Les manifestants du 16 février 1992, Floribert Chebeya, Fidèle
Bazana, Franck Ngicke et son épouse, Didas Namujimbo, les martyrs de
la semaine du 19 au 25 janvier 2015 et bien d’autres, qui ont payé de
leurs vies pour la défense des droits humains, des libertés publiques
et de la démocratie, ont poursuivi ce combat.
Ils sont donc nombreux nos martyrs qui ont mené le juste combat. Leur
sang parle et nous interpelle !
C’est dans la continuité de ce combat et interpellé par la souffrance
imposée injustement à notre peuple que je continue à lutter et vous
demande de nous unir tous pour éviter à notre pays, une nouvelle
dictature et donner au peuple congolais, des raisons d’espérer d’une
société meilleure.
Pour terminer, je tiens à dire ici qu’en dépit de tout ce que j’ai
vécu et subi, j’accorde mon pardon à tous ceux qui, d’une manière ou
d’une autre, m’ont gratuitement imposé le séjour à Makala.
La vengeance ne m’appartient pas !
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo
Je vous remercie
Fait à Kinshasa, le 10 août 2015
Honorable Jean-Bertrand Ewanga