Ainsi qu’on l’imaginait, le Sénat a rejeté la très controversée Loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections locales et municipales, présentée par le Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, avec l’appui technique de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante). Léon Kengo a renvoyé ses troupes en vacances tard dans la soirée du vendredi 31 juillet 2015, sans avoir proposé à l’Assemblée Nationale la piste de sortie pourtant clairement tracée par le législateur, à savoir la mise en place d’une « Commission paritaire » dans l’hypothèse de l’adoption d’une loi par les deux chambres du Parlement en termes différents.
La nervosité était lisible hier dimanche 02 août 2015 sur les visages et dans la tonalité des interventions de plusieurs députés de la Majorité, mécontents du fait que les Sénateurs ont botté en touche une balle qu’ils auraient dû renvoyer illico presto dans leur camp. Soupçonnés de vouloir opérer un passage en force, comme lors de l’examen et de l’adoption de la Loi électorale lors de la session extraordinaire de janvier 2015, ils n’ont d’autre alternative que de prendre leur mal impatience. Aubin Minaku, président du Bureau de l’Assemblée Nationale, que certains députés voulaient entraîner dans la voie de l’application pure et simple de l’article 113 de la Constitution, n’a pu qu’avouer son impuissance, compte tenu du fait que le Bureau du Sénat n’avait pas encore saisi celui de la chambre basse de l’option levée au sujet de la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections locales et municipales.
On rappelle que ledit article est ainsi libellé : « Outre les Commission permanentes et spéciales, les deux Chambres peuvent constituer une ou plusieurs Commissions mixtes paritaires pour concilier les points de vue lorsqu’elles sont en désaccord au sujet d’une question sur laquelle elles doivent adopter la même décision en termes identiques. Si le désaccord persiste, l’Assemblée nationale statue définitivement ».
Bref, si le Sénat avait saisi l’Assemblée nationale samedi ou dimanche du sort que ses membres venaient de réserver au texte présenté et défendu par Evariste Boshab, sénateurs et députés de la Majorité auraient pu solliciter la mise en place d’urgence d’une Commission paritaire mixte en vue de contourner le blocage hier avant minuit. Le temps ayant joué en leur défaveur, c’est partie remise à la session ordinaire de septembre.
Léon Kengo pourrait, à l’occasion, se laver les mains et faire le Ponce Pilote si le vote de la Loi Boshab intervenait tout de même, dans deux ou trois mois, avec ses incohérences relatives à la cartographie des circonscriptions électorales, et jetait de nouveau les masses dans la rue. Minaku va-t-il accepter d’endosser la lourde responsabilité d’un texte privé de la caution morale du Sénat ainsi que de celle de l’Opposition parlementaire et appelé à être appliqué dans un imbroglio juridique créé par la mise entre parenthèses des Décrets de 2013 portant créant de nouvelles communes et villes ? La question reste sans réponse.
Qui roule pour le glissement ?
Des Congolais ont suivi, hier en direct sur les écrans de la Radio Télévision Nationale Congolaise, des députés de la Majorité accuser Léon Kengo et ses collègues sénateurs de rouler pour le glissement de leurs mandats, qui en sont à la neuvième année, alors qu’ils auraient dû constitutionnellement s’arrêter en 11. S’il est vrai que le Sénat a effectivement dépassé la durée légale de son mandat, il reste à savoir s’il s’est inscrit dans la logiquement de la prolongation.
La colère des députés contre les Sénateurs et leur chef pousse d’aucuns à s’interroger sur les stratégies de blocage qui se développent autour du processus électoral, dont les principaux architectes se recrutent au sein de la famille politique du Chef de l’Etat. L’opinion tant nationale qu’internationale se souvient au moins que c’est au niveau du Sénat qu’on avait enregistré, en janvier 2015, des tirs de barrage contre la disposition de la Loi électorale préconisant l’identification et le recensement de la population avant l’organisation des élections, ce qui devait avoir pour conséquence le glissement de tous les mandats pour une période d’au moins cinq ans. La même opinion n’a pas oublié que c’est en 2013 qu’était lâchée, toujours à partir des rangs de la Majorité Présidentielle, l’idée d’un référendum, destiné à obtenir une révision de la Constitution, même dans ses articles « verrouillés ». Certains juristes et politologues proches de ce clan politique soutenaient que rien n’interdisait la modification de la Loi fondamentale, de fond en comble.
Mais, à l’analyse de la tentative manquée de tripatouillage de la Loi électorale en janvier dernier, du découpage précipité du pays en 26 provinces, de l’organisation improvisée des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs de nouvelles provinces dans la période initialement réservée à la tenue des élections locales, municipales et législatives provinciales, du renvoi de la Loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale à la session de septembre, il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est le pouvoir en place qui cherche à « glisser ». D’ailleurs, tous les cadres de la Majorité qui plaident pour la bataille de l’alternance avec un candidat autre que leur « Autorité morale », qui a épuisé constitutionnellement son quota de mandats, sont pris en grippe et accusés d’avoir trahi la « cause commune ».
Compte tenu de l’accumulation des pesanteurs du « glissement », la grande énigme reste de savoir si la vague pourrait toucher, sans dégâts, les élections présidentielle et législatives nationales, prévues le 27 novembre 2016 et pour lesquelles la Loi fondamentale interdit la moindre la prolongation. Kimp