Après le coup de tonnerre de Ougadougou et la semonce de Dakar
Naguère à l’ordre du jour de façon permanente et fastidieuse et que les oreilles en ont été rebattues nuit et jour à travers les médias publics confisqués et instrumentalisés à outrance, la révision des constitutions a brusquement disparu des discours officiels et officieux dans tous les pays africains dont les dirigeants ne se cachaient pas de leur détermination à faire flèche de tout bois pour se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Depuis leur retour du sommet de la francophonie à Dakar, tous et leurs courtisans adoptent désormais un profil bas. Le coup de tonnerre qui a eu lieu à Ouagadougou et la semonce lancée en écho par le président français François Hollande à Dakar, en communion et en symbiose discrètement avec le président américain Barack Obama, semblent avoir tétanisé et pétrifié ces autocrates nègres apparemment têtus.
L’ouragan qui s’annonce et plane sur l’Afrique, phénomène précurseur d’une ère nouvelle, est implacable. Un tourbillon qui va emporter fatalement tous ceux qui sont incapables de scruter l’horizon et de lire les signes des temps. Mais il y en a qui ont senti le vent du boulet et se sont à peine assagis.
C’est le cas notamment du chef de l’Etat béninois qui a déclaré ouvertement qu’il ne se représenterait plus à l’expiration de son mandat en cours et du Rwandais Paul Kagame qui, étrangement en déphasage avec sa ministre des Affaires Etrangères Louis Mushikiwabo ayant répliqué à chaud avec acrimonie à la semonce lancée par le président français à Dakar, vient de se prononcer personnellement à Kigali contre toute ambition de se retrouver encore à la tête de son pays à l’échéance de son mandat actuel.
En fait d’entêtement et d’organisation ordonnée de son pays, qui peut égaler Paul Kagame parmi les autocrates de la région des Grands Lacs ? Et pourtant le président rwandais vient de se rendre finalement à l’évidence d’une ère nouvelle qui se dessine inexorablement à l’horizon.
Ceux dont les oreilles sont sourdes et dont les yeux sont aveugles, se délectent à distraire encore l’opinion en essayant vainement de l’abreuver de discours futiles et de replâtrages ministériels en trompe-l’œil. Leur sort est déjà historiquement scellé sans appel par les mystérieuses forces d’impulsion d’une ère nouvelle venant de commencer à poindre au Burkina Faso.
Des bouées de sauvetage…
Ils ne peuvent nullement échapper à ce sort fatal ni en contrarier l’accomplissement du décret. Ne peuvent bénéficier des circonstances atténuantes plus ou moins à l’instar des dirigeants béninois et rwandais que ceux qui renoncent solennellement à leur ambition de s’accrocher au pouvoir à l’issue du dernier mandat en instance d’expiration.
Des propos qu’on tient rien que pour se réconforter, et des replâtrages ministériels auxquels on procède en désespoir de cause comme des bouées de sauvetage s’avèrent plutôt porte-malheur et, à la limite, des mesures aggravantes de leur destin déjà irrémédiable.
A peine publiés et gonflés de béni-oui-oui et de vils flatteurs et caricatures, ces remaniements ministériels superficiels ont été vivement décriés par l’opinion tant nationale qu’internationale. A bout d’imagination et de stratégie, on prend presque les mêmes et on recommence.
Pour la RDC, les observateurs croient y déceler la ruse de brouiller les cartes dans l’impossibilité où les dirigeants se trouvent de faire face à l’échéance imminente et incontournable de 2016.
Surtout quand on voit les figures chargées des départements tels que l’Intérieur, le Plan, les Finances, le Budget, qui sont censés répondre aux besoins de la Ceni et la structure nouvellement créée pour s’occuper du recensement de la population. Partout, les pions ne sont pas placés par hasard.
La publication du cabinet dit de cohésion et intitulé Matata II a encore grossi le nombre des mécontents et des frustrés, au sein de la plate-forme au pouvoir et des renégats de l’opposition qui avaient accouru aux concertations nationales la gueule enfarinée.
On les voyait nombreux prendre jour et nuit d’assaut diverses chaînes de TV locales, se mettre en vedette et vanter les résolutions des concertations, en guise de propagande camouflée pour leur entrée éventuelle au fameux gouvernement de cohésion nationale imaginaire. Dans quel état d’âme se retrouvent-ils aujourd’hui que les carottes sont cuites pour eux ? Les transfuges de l’opposition vont-ils redevenir des opposants, eux qui s’étaient déjà rapprochés du pouvoir au vu et au su de tout le monde ?
La révision de la constitution mise au placard par suite de la panique provoquée par le retentissant coup de tonnerre à Ouagadougou et de la semonce lancée impérativement à Dakar par François Hollande, à Kinshasa on en vient à jongler avec l’opération du recensement dont on joue la carte avec l’énergie du désespoir, sans conviction, en se demandant avec angoisse si cela peut permettre au Raïs de rester solide au poste jusqu’au-delà de l’échéance fatidique de 2016.
L’échéance de 2016 est une gageure
Toutefois, de l’avis de tous les spécialistes des questions électorales, ainsi que des observateurs politiques et diplomatiques basés à Kinshasa, l’organisation des élections en RDC à l’échéance de 2016 est déjà pratiquement une gageure, donc une entreprise impossible à tous égards.
En conséquence, l’élément capital qui demeure absolument inconnu et dont les paramètres d’appréciation sont difficiles à imaginer, est sans nul doute, le destin de l’establishment actuel avec sa plate-forme politique avec des courtisans et de vils flatteurs hommes et femmes qui gravitent dans l’orbite de celui qu’ils surnomment leur autorité morale. Naturellement, le navire sombre corps et biens. Le présent ordre de choses disparaît pour être remplacé par un ordre nouveau.
Il ne faut pas s’attendre à une reconduction automatique sous prétexte du principe de la continuité de l’Etat tant que le nouveau président de la République n’aurait pas été élu ! A l’instar des sénateurs, des députés provinciaux et des gouverneurs de province toujours illégalement en fonction alors que leurs mandats ont expiré il y a des années. Le pouvoir a inexplicablement failli à organiser les élections pour remplacer tous ces élus devenus sans mandats depuis 2011. De même qu’il est en train de faillir à organiser les législatives et la présidentielle de 2016.
La carence du pouvoir est pleinement établie. Ce qu’il n’a pas pu faire durant des années fastes et tranquilles de règne, il ne saurait l’accomplir dans les circonstances présentes très critiques où le moral est sapé et le ressort cassé, par un concours de phénomènes fâcheux imbriqués les uns dans les autres au niveau mondial, au niveau de l’Afrique et de la région des Grands Lacs, ainsi qu’au niveau national et local dans la ville de Kinshasa.
Tout semble conspirer inévitablement à la ruine de l’establishment. Néanmoins, en cas de naufrage qui ne serait pas d’ailleurs lointain, les rats quittent le navire. Ceux qui se font passer pour les Kabilistes jusqu’au boutistes, n’hésiteraient pas à lâcher Kabila et à dénoncer ce même système.
Des Mobutistes l’avaient fait, et se sont reconvertis comme par enchantement et se comptent aujourd’hui au nombre de ces Kabilistes faucons ! La semaine passée à Ouagadougou, des apparatchiks de premier plan du parti alors au pouvoir, qui encourageaient Blaise Compaoré à s’éterniser au pouvoir et à réprimer impitoyablement le peuple, n’ont pas été gênés de se donner en spectacle pour faire amende honorable, battre publiquement leur coulpe, faire leur mea-culpa, demander pardon aux jeunes Burkinabés, avouer qu’ils s’étaient trompés de soutenir la dictature, de batailler avec acharnement pour la révision de la constitution en faveur du maintien de Blaise Compaoré indéfinitivement au pouvoir.
Le jour n’est pas loin où à Kinshasa on revivra ce même théâtre de reniements, d’amendes honorables, de désaveux, de dénonciations, de brûler ce qu’on avait adoré dans ce système actuel.