LES DÈS SONT JETÉS - LA MAJORITÉ VEUT UNE TRANSITION DE 2 À 4 ANS

Vendredi 13 novembre 2015 - 06:20

Plus de doute possible, la Majorité présidentielle (MP) a plusieurs tours de manches pour réaliser son vœu de glissement du cycle électoral. A dose bien séquencée, la famille politique du président Kabila lève des pans de voile sur sa démarche. La déstabilisation de la Ceni rentre dans ce schéma. Alors que 2016 arrive à grands pas, la MP opère désormais à découvert. Elle estime qu’il faut deux à trois ans pour réussir de bonnes élections au pays. Qui d’autre que le tout frais porte-parole de la MP pouvait l’annoncer à la presse. Pour se dédouaner de sa supercherie, la MP s’approprie les conclusions d’une étude réalisée par un expert congolais. Glissement ou transition, la MP ne cache plus ses intentions.

Le Potentiel

 

La Majorité présidentielle a finalement décidé d’ôter les masques. Lorsqu’elle multiplie les actes de déstabilisation de la Ceni ou qu’elle empêche de débloquer des fonds nécessaires en faveur de la Ceni, la MP n’a qu’une seule idée en tête : le glissement. A défaut de l’obtenir par des voies légales – s’il en existe une – la Majorité compte sur les vertus du dialogue. L’objectif d’un cycle électoral apaisé pour justifier un éventuel dialogue politique n’est qu’un épouvantail. En réalité, la MP a décidé de mettre les bouchées doubles pour réaliser son vœu de glissement.

Dans ses rangs, on ne s’en cache. La nouvelle direction politique de la MP ne porte plus de gants pour dévoiler des vraies intentions.

La Majorité se dévoile

« Faudrait-il organiser les élections en l’état ? C’est-à-dire, avec un fichier décrié par tous, ayant perdu des données essentielles, ou au contraire consolider la crédibilité du processus électoral par l’enrôlement des nouveaux majeurs et de la diaspora, et par le nettoyage du fichier électoral pour minimiser le risque de contestation et de violence postélectorale », sont là, les propos de l’ambassadeur Atundu Liongo, le tout nouveau porte-parole de la Majorité présidentielle à l’issue de la dernière mise en place au bureau de cette plate-forme politique.

Hier jeudi, face aux médias, tant nationaux qu’internationaux, Atundu Liongo a plaidé en faveur de la tenue du dialogue politique voulu par le chef de l’Etat. Dans son argumentaire, Atundu Liongo estime que la classe politique doit prendre rendez-vous avec l’histoire d’autant plus que le pays est confronté à des réelles difficultés sur le parcours qui conduit vers les échéances électorales de 2016, censé consacrer l’alternance au sommet de l’Etat. Il s’est dit convaincu que le dialogue serait donc une occasion pour la classe politique de prendre « le courage de décider d’un recensement général du pays ».

L’on se rappelle qu’en janvier dernier, la proposition du projet de loi sur la révision de la loi électorale, dans son alinéa 3 de l’article 8, avait provoqué des frictions entre la Majorité et l’opposition. Appuyés par la rue, les opposants s’étaient interposés énergiquement pour démontrer à l’opinion que cette incise conduisait directement au glissement du cycle électoral. Des manifestants à travers le pays ont opposé un refus catégorique à cette tentative, obligeant la Majorité à changer de trajectoire.

Un expert à la rescousse

Dans son speech, le porte-parole de la MP suggère une justification technique d’un éventuel glissement du cycle électoral. Subtilement, il fait passer le message : « Pour prendre une décision à bon escient, il est de bon aloi de recourir à l’expertise éclairer avantageusement les acteurs de la vie politique et nos populations sur la légitimité d’une telle décision ».

Et en matière d’expertise, la RDC est plutôt bien dotée et le porte-parole de la MP ne s’est pas fait prier pour faire recours à ce qui est déjà fait : « Si, comme le prétendent certaines études d’experts, cette opération nécessite un cout chronologique supplémentaire de 6 mois, de 8 mois ou même davantage, la classe politique devra en tirer toutes les conséquences pour extirper une fois pour toute la raison récurrente des contestations de toutes nos élections depuis 2006 ». Et, il conclut en des termes qui démontrent que « le dialogue semble la seule voie crédible pour sauver le processus électoral, la cohésion nationale, la paix sociale et la démocratie », notamment sur la durée que prendrait le recensement proposé. Une opération, prédit le porte-parole de la MP, qui devra aboutir à un fichier électoral assaini et l’intégration de nouveaux majeurs ainsi que la suppression des morts de la liste électorale.

Lors des échanges sous forme de questions et réponses, l’ambassadeur Atundu est revenu sur l’étude de Jérôme Bonso de la Linélit, une ONG spécialisée dans les élections. Le porte-parole Atundu a dit que « s’il faut tenir compte de l’expertise avérée de Jérôme Bonso, il faut deux à quatre ans pour organiser de bonnes élections en RDC ».

« Bonnes élections ». C’est la nouvelle trouvaille de la Majorité. Faudrait-il encore savoir les critères sur lesquels s’appuie la MP pour juger de la qualité des élections ? C’est peu probable que la MP les révèlent. Car, ces critères n’ont rien avoir avec la fiabilité du cycle électoral. En effet, pour la MP, les « bonnes élections » sont celles qui garantissent sa victoire en tirant du verrou constitutionnel son autorité morale, le chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange.

 

A pas feutrés, la Majorité a décidé de se dévoiler. Ses prestidigitateurs sont à pied d’œuvre pour lui ouvrir une transition de deux à quatre ans.