L’insécurité est revenue en force au Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo, et plus précisément dans le territoire de Beni. Les tueries des populations civiles s’enchaînent à un rythme inquiétant. On rappelle que le mardi 03 mai 2016, 24 autochtones ont été massacrés dans cette partie de la République. Alors qu’on en était encore à s’interroger sur les circonstances de cette hécatombe, neuf autres personnes ont été tuées le dernier week-end. Chaque jour qui passe, le territoire de Beni vit le cauchemar des tueries à la machette et aux armes à feu attribuées aux rebelles ougandais ADF.
Pourtant, après la défaite militaire des rebelles du M23 du colonel Sultani Makenga en septembre-octobre 2013 au Nord-Kivu, suite à des opérations conjointes FARDC-Monusco, tout portait à croire que les jours des rebelles ougandais ADF étaient comptés. Cela paraissait d’autant évident que politiquement, militairement et financièrement, ceux-ci ne bénéficiaient pas d’autant d’appui que leurs homologues du M23, portés alors à bouts de bras par le Rwanda et même l’Ouganda. Le premier trimestre 2014 était perçu, au niveau des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, comme celui de nettoyage des dernières poches de résistance de cette force négative. Mais contrairement aux attentes, les résidus de cette force négative ont continué à semer mort et désolation au sein des populations civiles. Bref, depuis 2014, année présumée de l’éradication des ADF, ceux-ci paraissent invincibles, en dépit de la forte concentration des troupes congolaises et onusiennes dans cette partie du pays.
Complicités internes ?
D’où, de nombreux compatriotes ne cessent de s’interroger sur la facilité avec laquelle quelques miliciens munis d’armes légères et parfois rudimentaires (machettes), parviennent à déjouer la vigilance des éléments FARDC et Monusco pour frapper des innocents dans plusieurs villages et cités du territoire de Beni. Le fait que des membres de cette force négative ne redoutent pas la supériorité numérique et logistique des armées congolaise et onusienne intrigue plus d’un observateur.
Entre septembre et décembre 2014, lorsque l’insécurité avait atteint un pic insoupçonné avec plus de 200 personnes massacrées à la machette, des accusations avaient fusé dans toutes les directions. Au niveau des officiels de Kinshasa, plusieurs acteurs politiques étaient fichés comme parrains des ADF et même du M23, dont on dit qu’il est en pleine reconstitution de l’autre côté de la frontière. Antipas Mbusa Nyamuisi, ancien chef de l’ex-mouvement rebelle RCD/K/ML (Rassemblement Congolais pour la Démocratie/ Kisangani/ Mouvement de Libération) et ancien ministre des Affaires Etrangères sous le régime 1+4 (2003-2006), était nommément cité dans ce registre. Quant à l’intéressé, en exil en Afrique du Sud, il n’avait pas hésité à accuser des décideurs politiques de Kinshasa, des officiers ainsi que des hommes des troupes des FARDC de complicité avec les ADF.
D’où, jusqu’à ce jour, des interrogations sans réponses persistent au sujet des sources d’approvisionnement des rebelles ougandais en armes, de financement, d’information, etc. A propos des renseignements, on a l’impression que les ADF sont mis au courant, par des informateurs qui restent à identifier, des mouvements des FARDC et de la Monusco sur le terrain. Car, il est étonnant qu’ils ne frappent que lorsqu’ils sont sûrs que l’armée régulière ou les forces onusiennes sont absentes d’une localité donnée. Et, à la moindre alerte à une action de traque, ils disparaissent dans la nature. L’autre fait bizarre est que ces rebelles tuent en toute impunité, sans jamais se faire surprendre par les armées congolaise et onusienne, qui campent pourtant en permanence dans les grandes agglomérations du Nord-Kivu.
Elections hypothéquées
En plus du flou politique qui entoure la tenue des élections à la fin de l’année en cours, il y a l’hypothèque de l’insécurité. Comment les citoyens congolais du Nord-Kivu pourraient-ils accomplir leur devoir civique et choisir en âme et conscience leurs élus de demain s’ils ne bénéficient, comme c’est le cas présentement, d’aucune garantie de sécurité? On se demande si la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) pourrait déployer ses kits électoraux dans des villages et cités coupe-gorge. Quant aux candidats, il est exclu qu’ils puissent battre campagne dans des contrées où quiconque peut se faire couper la tête au coin d’une rue ou à l’entrée d’une brousse.
L’insécurité au Nord-Kivu repose aussi le problème de la cohabitation entre les autochtones et les forces militaires qui y sont basées. Les populations civiles ont-elles suffisamment confiance aux hommes en uniforme pour les renseigner sur les activités des forces négatives ? La question reste ouverte.
Kimp