La nouvelle année s’annonce électoralement tumultueuse sur le continent. Placés sous le signe de l’alternance en Afrique de l’Ouest et de la constance en Afrique centrale, seize scrutins présidentiels y sont programmés.
En RD du Congo, la stratégie de Kabila est trouble
La Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat à la tête du pays. Mais Joseph Kabila, qui devrait quitter le pouvoir fin décembre 2016, semble chercher à perpétuer son règne au-delà du scrutin initialement prévu en novembre prochain. En septembre, la Cour constitutionnelle a invalidé les échéances du calendrier électoral. Depuis, l’incertitude règne sur la tenue des élections.
Pour tenter de sortir de l’impasse, le président Kabila, réélu en 2011 à l’issue d’un scrutin entaché de fraudes massives, a convoqué le 28 novembre un "dialogue national". L’objectif, trouver "un consensus responsable" pour garantir "la stabilité et la paix" pendant et après les élections. Dans le même temps, ses partisans cherchent pourtant à rendre obligatoire un nouveau recensement - qui prendrait a minima deux ans - avant le prochain vote. Aux yeux de l’opposition, c’est la preuve que Joseph Kabila est dans la stratégie du "glissement"pour se maintenir au pouvoir. Depuis la proclamation de son indépendance en 1960, la République Démocratique du Congo n’a connu que des alternances brutales ou meurtrières. Et l’année 2016 ne semble pas en passe de faire exception.
Au Tchad, Idriss Déby Itno ne veut rien lâcher
Ses opposants espèrent l’avoir à l’usure, en avril prochain. Mais Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2001, fera tout pour briguer un quatrième mandat à la tête du Tchad. Parmi les candidats en lice pour la présidence, deux hommes se distinguent : Saleh Kebzabo, leader de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), et Ngarlejy Yorongar, à la tête du parti Fédération, action pour la république (FAR). Ils appellent tous deux à l’ouverture d’un dialogue politique avec le pouvoir sur la tenue des élections, pointant du doigt les nombreuses irrégularités du recensement électoral biométrique, récemment instauré. Un dispositif censé permettre le bon déroulement du scrutin, dans un système politique gangréné par la fraude.
Au Congo, l’opposition est trop morcelée face à Nguesso
L’élection présidentielle y a été avancée à février 2016. Et le président du pays, Denis Sassou Nguesso, au pouvoir entre 1979 à 1992 et depuis 1997, a encore la ferme intention de gagner. Ce malgré les manifestations importantes de septembre 2015, qui avaient rassemblé plus de 30.000 personnes dans les rues de Brazzaville pour protester contre un projet de refonte de la Constitution, permettant notamment à Denis Sassou Nguesso de faire sauter les derniers obstacles à sa potentielle réélection. En vain. Le projet a été entériné par référendum, approuvé à 96%, en octobre. De quoi conforter un peu plus "Sassou" dans sa course, face à une opposition encore trop morcelée.
Au Rwanda, Kagamé s’ouvre la possibilité d’une présidence à vie
Paul Kagamé l’a annoncé jeudi soir, lors de son discours à la nation : il se représentera à la prochaine élection présidentielle. La révision de la Constitution, votée à la mi-décembre, lui en donne le droit. "L’homme fort" du Rwanda, qui était parvenu à relever une nation exsangue après le génocide de 1994, pourrait même potentiellement diriger le pays jusqu’en 2034: grâce à sa nouvelle loi fondamentale, Paul Kagamé se laisse la possibilité de briguer un nouveau mandat de sept ans, puis deux de cinq. Sa décision, à l’encontre du pluralisme politique, a déjà été vivement critiquée par l’ensemble de ses partenaires internationaux.
Au Gabon, Ali Bongo resserre les rangs de sa majorité
En août 2016, le président Ali Bongo pourra se présenter pour une seconde fois. Il comptera notamment sur un solide appareil d’Etat, légué par son père Omar Bongo après 41 années à la tête du pays, pour être réélu. Face à une opposition consolidée par l’arrivée de Jean Ping, ancien président de la commission de l’Union africaine, mais qui reste fragile, Ali Bongo resserre les rangs de sa majorité. Il est, pour l’instant, le grand favori du scrutin.
Mais l’opposition essaye de cristalliser les tensions liées à la crise pétrolière pour s’attirer de nouvelles voix. Si elle y parvient, Ali Bongo aura plus de difficultés pour l’emporter.
En Guinée, c’est joué d’avance pour Obiang
Sa réélection en novembre prochain ne devrait être qu’une simple formalité. Teodoro Obiang, déjà au pouvoir depuis 36 ans, est le doyen des chefs d’Etat du continent africain. Et il compte bien le rester : en Guinée équatoriale, il n’y a qu’un seul député d’opposition à l’Assemblée nationale.
Au Bénin, Boni Yayi cède la place
Le scrutin est fixé au 28 février prochain et marque une belle avancée démocratique : le président sortant, Thomas Boni Yayi, ne se représentera pas. Parmi les candidats en lice pour sa succession, deux hommes de son entourage se distinguent : Lionel Zinsou, l’actuel premier ministre du pays, et l’homme d’affaire Patrice Talon.
Le premier et grand favori, nommé à la surprise générale à la tête du pays en juin dernier, est un banquier franco-béninois optimiste sur l’avenir de l’Afrique. Ne revendiquant aucune affiliation politique, il avait toujours affirmé ne pas être intéressé par le pouvoir, et son irruption dans la course à la présidence a provoqué un électrochoc à Cotonou. Le second est un homme d’affaires, soupçonné d’avoir commandité un assassinat contre Thomas Boni Yayi en 2012 et d’avoir participé à une tentative de coup d’Etat déjouée en février 2013.
Marie-Lorraine Tresca - leJDD.fr
vendredi 01 janvier 2016