LE COUP DE GUEULE DE ME TUNDA !

Jeudi 21 janvier 2016 - 04:51
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Concernant ce Forum national, « Celui qui cherchera à jouer au laquais, poussé par les étrangers, répondra de sa traitrise », martèle l’analyste congolais.

Vice-ministre honoraire des Affaires étrangères, analyste et spécialiste de l’Afrique centrale, Me Célestin Tunda Ya Kasende suit d’un œil attentif l’évolution du processus électoral dans la région. Il examine avec minutie la situation politique en République démocratique du Congo, au Congo-Brazzaville, au Rwanda et au Burundi, tâchant de livrer sa lecture des faits et de proposer des pistes de solution. Entretien.

La République démocratique du Congo vient de célébrer les journées à l’honneur de deux héros nationaux, Patrice-Emery Lumumba et Laurent-Désiré Kabila. Que retenez-vous de ces deux personnalités qui ont combattu pour la souveraineté nationale ?

Ces deux personnalités, ou pour bien dire, ces deux héros nationaux ont mené le même combat, chacun à son temps. Et ils ont tous les deux perdu la vie de la même manière, en martyrs, fauchés par les armes des puissances étrangères, à travers les mains souillées des traitres congolais. Le combat qu’ils ont mené est celui de la libération du Congo de l’oppression et contre l’exploitation de ses richesses. Celui de la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté du Congo face au monde. Ce combat concernait aussi la défense de la dignité et de la fierté de l’homme congolais. Si Patrice Lumumba insistait sur le fait que l’histoire de ce pays ne pourra être écrite nulle part ailleurs qu’au Congo, Mzee Laurent-Désiré Kabila n’était pas du tout favorable au financement extérieur pour le développement du Congo. Malheureusement, la plupart des leaders congolais de l’heure ont complètement perdu cette fibre patriotique nous léguée par ces deux prestigieuses personnalités. Ce qui risque de handicaper, pendant longtemps, tous les efforts de Joseph Kabila pour faire avancer la République démocratique du Congo.

L’actualité est à ce jour dominée par le Dialogue national inclusif, dont l’opportunité est décriée par une frange de l’Opposition. Quelle lecture faites-vous de ces assises nationales et de différentes réactions à ce propos ?

Je suis surtout ahuri par les différentes positions des extrémistes qui rejettent l’idée du Dialogue national, malheureusement sans avancer aucun argument convaincant, alors que ce forum devrait permettre aux Congolais de parler, sans tabou aucun pour planifier l’avenir de notre pays, éviter toute éventualité de crise et ainsi consolider la démocratie en RDC. Sinon, comment comprendre que l’opposition, qui réclamait à cor et à cri un facilitateur international pour accompagner le Dialogue, puisse à présent se rebiffer et réserver une fin de non recevoir à Edem Kodjo, alors que celui-ci est désigné par l’Union africaine ? En outre, c’est un ancien Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ancien Premier ministre au Togo et surtout opposant de l’époque dans son propre pays. Et pourtant, au plan historique, l’initiative du Dialogue date de l’Antiquité grecque, à travers l’Agora, lieu où les citoyens grecs se retrouvaient pour dialoguer et prendre des décisions. La pratique du dialogue est donc ancienne et généralisée. L’histoire de la RDC est elle-même jalonnée de dialogues, depuis la Table ronde de Bruxelles en 1960. Mais, le refus actuel de certains compatriotes par rapport au Dialogue est fondé sur l’instrumentalisation de ces fils égarés par certaines forces maffieuses de l’extérieur. Les méthodes du néo-colonialisme n’ont pas changé dans le monde pour la confiscation du pouvoir en Afrique. La démocratie ne se fait jamais avec tous, mais c’est la règle du pus grand nombre. Etant donné que Joseph Kabila s’était inscrit, depuis son accession au pouvoir, dans la recherche pacifique des solutions aux problèmes du pays, il devrait s’assumer et poursuivre son action politique comme il faut, la présence de l’Union africaine étant une garantie de taille.

Le Président de l’UDPS vient de se déclarer de nouveau favorable au Dialogue national après moult réticences. Ne redoutez-vous pas d’autres tergiversations, une fois la tenue du Dialogue amorcée ?

A ce sujet, je pense que le message de M. Etienne Tshisekedi était destiné à satisfaire aussi bien les partisans du dialogue que les militants radicaux de l’UDPS. Nous ne pouvons pas oublier que le chef de l’UDPS demeure un opposant dont la critique reste virulente. Au demeurant, ce qui importe est que le lider maximo est, en tant qu’homme politique congolais, favorable au dialogue politique. Il a opté pour le dialogue, parce que très expérimenté par rapport à l’histoire politique de notre pays et ayant compris que le dialogue politique constitue l’unique voie pour résoudre nos différends et permettre à l’UDPS de se ranger du côté de la population.

L’année 2016 semble l’année de tous les enjeux et de tous les dangers. Etes-vous de cet avis en ce moment où tous les esprits s’échauffent à l’approche des élections ?

Non, je ne suis pas du tout de cet avis. J’estime plutôt que 2016 est pareil à toutes les années et que rien de mal ne pourra arriver à notre pays. Les enjeux dépendront du peuple congolais, car, à lui tout seul reviendra le dernier mot. Or, dans sa large majorité, le peuple congolais veut aller au Dialogue pour décider de son avenir. Il me semble que notre peuple ne voudrait pas aller aux élections dans la précipitation, car toutes les questions essentielles liées au financement, à la sécurisation, au fichier électoral, surtout avec les nouveaux majeurs, tout cela doit trouver des solutions au préalable. En ce qui concerne les dangers, il n’y aura rien. Celui qui cherchera à jouer au laquais, poussé par les étrangers, répondra de ses bêtises. Après le Dialogue, le Congo devrait prendre un nouveau virage, celui conduisant vers le renforcement de son économie, l’anéantissement des antivaleurs et le balisage d’une gouvernance plus forte, au profit des couches défavorisées.

Deux pays voisins de la RDC, le Rwanda et le Congo-Brazzaville, viennent de modifier la Constitution pour permettre à leurs présidents de briguer un nouveau mandat. Ces démarches sont-elles démocratiques et peuvent-elles influer sur notre pays ?

Les expériences du Rwanda et du Congo-Brazzaville en ce qui concerne les réformes électorales dans ces deux pays n’appellent pas de commentaire de notre part, car il s’agit de l’affirmation de la souveraineté de ces deux Etats. Mais étant donné qu’il s’agit de deux peuples souverains qui se sont prononcés, nous pouvons dire que la démarche est démocratique. Aussi, dans ces deux pays voisins, il faudrait bien admirer la reconstruction qui s’y réalise, faisant en sorte que les présidents Paul Kagamé et Denis Sassou Ngouesso soient adulés par leurs peuples respectifs. Je pense très sincèrement que tel est le cas aussi ici chez nous en RDC, où la quasi-totalité de la population souhaite la reconduction du président Joseph Kabila pour lui permettre de parachever sa vision et amener le Congo vers son émergence.

La réélection du président Nkurunziza au Burundi suscite aujourd’hui des contestations dans les rangs de certaines franges de la population et chez les Occidentaux. Que préconisez-vous pour que la situation se stabilise dans ce pays et ne puisse être une bombe à retardement pour toute la région ?

En vérité, le président Pierre Nkurunziza ne fait pas l’objet de contestation de la part des Burundais. Ce sont quelques petits groupes des jeunes dans certains quartiers périphériques, tels Kinama, Nyakabiga… Ces jeunes sont téléguidés par des forces extérieures qui cherchent à déstabiliser le Burundi et confier le pouvoir aux hommes de main. Agothon Rwasa est le seul opposant qui pouvait contester le pouvoir de Nkurunziza, mais il a été réaliste en rejoignant la majorité au pouvoir. En réalité, il n’y a pas de guerre ethnique au Burundi pour le moment. Il s’agit d’un conflit opposant la majorité au pouvoir qui s’affronte aux intérêts occidentaux, à travers de petits groupes des marionnettes. Mais, le danger que l’Occident ne connaît pas, c’est qu’à force de menacer Nkurunziza ou à vouloir chasser de force son pouvoir par n’importe quelle intervention extérieure, à ce moment-là, cette crise pourra devenir ethnique et les conséquences deviendraient incalculables. Comme suggestion de ma part, je dirais d’abord à la Communauté internationale d’abandonner toute idée d’intervention au Burundi. Suivant leur accord politique issu d’Arusha, l’armée est composée des Hutu à 50 % et des Tutsi à 50%. Il n’y a donc pas de risque de génocide. En second lieu, tous les Burundais doivent comprendre qu’il faut aller à un vrai dialogue. Dans tous les cas, les élections ont déjà eu lieu. Le dialogue ne pourrait donc que conduire à un partage des responsabilités et à la pacification du pays. Propos recueillis par Yves KALIKAT