L’appel du Conseil de sécurité au gouvernement de la RDC

Samedi 6 décembre 2014 - 12:20

Les tenants de la révision constitutionnelle en Afrique doivent avoir chaud sous les chaussons. En une semaine, il y a eu deux sorties du président français François Hollande sur le sujet. De l’artillerie lourde, en fait. D’abord, la conférence de presse à l’Elysée, face aux journalistes de TV5, RFI et France 24. «Ce qui s’est passé au Burkina Faso est le signe que les Africains tiennent à la démocratie, attachés à l’ordre constitutionnel. Quand on fait voter des peuples pour des constitutions par référendum, on ne doit pas les réviser impunément. Quand un chef d’Etat reste plusieurs mandats de suite, alors qu’à un moment, on a fixé une limite d’âge, ou un nombre de mandats de suite qu’on ne peut pas dépasser, on ne peut décider autrement».

Ensuite, il y a eu le discours de Dakar, au XVème sommet de la Francophonie : «Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où les libertés sont bafouées, là l’alternance où est empêchée, les citoyens de ces pays sauront toujours trouver dans l’espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la démocratie, le droit et la justice».  En guise d’avertissement, on ne saurait être plus clair. Quelques jours plus tôt, c’est de l’ONU qu’est venu un appel très fort pour le respect de l’ordre constitutionnel en RDC. A la manœuvre depuis plusieurs mois dans les capitales occidentales, Samy Badibanga peut afficher sa satisfaction. Après plusieurs rencontres avec les dirigeants européens, il avait plaidé pour que ces derniers passent carrément aux sanctions.

A la veille du sommet de Dakar, il s’était retrouvé à Paris aux côtés de nombreux opposants et personnalités de la société civile d’Afrique pour la mise en place d’une Plateforme africaine pour la démocratie et les libertés.

A Dakar, François Hollande n’a pas fait dans la dentelle. D’abord : «La Francophonie est soucieuse des règles en démocratie, de la liberté du vote, du respect des lois constitutionnelles et de l’aspiration des peuples, de tous les peuples à des élections libres». Ensuite, enfonçant le clou : «Ce qu’a fait le peuple burkinabè doit faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel». Mais, maints observateurs n’ont pas remarqué que le discours du président français est la conséquence, ou à tout le moins, s’inscrit dans une politique d’ensemble mise en place par les grandes puissances afin de faire, désormais, respecter les règles démocratiques en Afrique, particulièrement en RDC où les dernières élections ont été chaotiques. En témoigne la Déclaration du président du Conseil de sécurité de l’ONU qui est presque passé inaperçue à Kinshasa, mais qui est d’une importance capitale pour l’avenir proche du Congo-Kinshasa, car même aux Nations-Unies, l’on a également embouché la trompette du respect de l’ordre constitutionnel.

«Elections conformes à la constitution»

Dans une déclaration pour le mois de novembre, le président du Conseil de sécurité, le diplomate australien Gary Quinlan, a dit : «Le Conseil rappelle qu’il incombe au gouvernement de la République Démocratique du Congo et à ses partenaires nationaux d’assurer un processus électoral transparent et crédible. Il demande la publication d’un calendrier électoral et d’un budget détaillé, et souligne qu’il importe de planifier et préparer pleinement et en temps utile les prochaines élections parlementaires et présidentielle. Le Conseil  réaffirme l’importance d’élections libres, régulières, pacifiques et ouvertes à tous, qui respectent la volonté du peuple congolais et soient conformes aux engagements que la République Démocratique du Congo a pris dans l’Accord-cadre en vue de favoriser la réconciliation, la tolérance et la démocratisation». Et il ajoute : «Le Conseil souligne que le bon déroulement d’élections
crédibles et conformes à la Constitution nationale sera déterminant pour la poursuite de l’action visant à promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit en République Démocratique du Congo et à établir une paix et une stabilité dans la région». Les défenseurs de la révision constitutionnelle en ont pris pour leur grade, car «conformes à la Constitution» signifie qui respecte l’ordre constitutionnel. Or celui-ci ne permet que deux mandats à la présidence de la République.

Conditionnement du soutien

Plus grave : pour la première fois, la communauté internationale menace et conditionne son aide. En effet, le président du Conseil de sécurité poursuit : «Le Conseil rappelle par ailleurs que la MONUSCO ne pourra apporter un soutien logistique qu’après l’adoption d’une feuille de route et d’un budget pour les élections. Il rappelle également que cet appui sera évalué et réexaminé en continu au regard des progrès accomplis par les autorités congolaises dans la gestion du processus électoral, selon les critères énoncés au paragraphe 16 de sa résolution 2053 (2012)».
Président du plus grand groupe d’opposition à  l’Assemblée nationale, le groupe UDPS et Alliés, et de ce fait leader de l’opposition parlementaire congolaise, Samy Badibanga affiche sa satisfaction. Il soutient avoir été le premier à avoir exigé, en juillet dernier dans une interview vidéo au site de Jeune Afrique, que les partenaires de la RDC passent à l’étape des sanctions. Cette année 2014 n’a pas été de tout repos pour lui. L’homme a multiplié des rencontres au niveau international pour obtenir davantage de pressions sur le régime afin de le dissuader de réviser – ou de changer – la Constitution. En février dernier, il était l’hôte du Parlement européen. Après avoir été reçu par le coordonnateur de l’Union européenne, M. Verbeeck, il a ensuite eu l’insigne honneur d’animer une conférence sur le thème: «RD Congo, quel avenir?». L’événement avait connu comme cadre la salle 3G3 du  Bâtiment
Spinelli au parlement européen. C’était sur invitation du député socio-démocrate allemand  Norbert Neuser,  sous la modération de l’ancien député européen Ecolo, Frank Schwalba-Hoth, qui a dirigé par le passé le groupe Ecolo au Parlement européen. Invité au Sommet Afrique-USA, il déploie une diplomatie active : tour à tour, il rencontre Mme Linda Thomas Greenfields, secrétaire d’Etat adjointe chargée des Affaires africaines, David Gilmoor, le sous-secrétaire d’état américain chargé des Affaires africaines, avant de se rendre au Capitole rencontrer six sénateurs membres de la commission des affaires étrangères, et d’être reçu au cabinet du SG de l’ONU Ban Ki-Moon. Avec tous ses interlocuteurs, il a plaidé pour des pressions accrues sur le régime Kabila pour le respect de la Constitution.

Un nouveau vent souffle

Le vendredi 14 novembre 2014, Samy Badibanga  représentait l’opposition congolaise à la rencontre des opposants et des personnalités de la société civile d’Afrique qui militent contre les révisions constitutionnelles dans leurs pays respectifs. Venus du Congo-Brazzaville, de République Démocratique du Congo, du Burundi, de Centrafrique, du Bénin, du Gabon, du Sénégal et de Guinée Equatoriale, les opposants réunis à Paris ont exigé le respect des textes fondateurs, l’organisation d’élections libres et le respect du caractère républicain des armées. «J’ai bon espoir, car un vent nouveau souffle sur le continent. Mais notre peuple doit rester vigilant, et la communauté internationale ne doit pas relâcher ses pressions», a conclu Badibanga.
B.M. (C.P.)

 

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