Hier mercredi, 1er Juin 2016 dans la matinée, au « Cimetière de Benseke Futi/Nouvelle Cité », à Kinshasa, des sanglots et cris de douleurs ont de nouveau éclaté devant la blancheur sépulcrale de la tombe où repose pour l’éternité Floribert Chebeya Bahizire ; ancien directeur exécutif de la VSV (Voix des Sans Voix pour les Droits de
l’Homme). Il a été assassiné le 1er Juin 2010, dans les locaux de l’actuel Commissariat Général de la Police Nationale Congolaise ‘PNC’ (appelé à l’époque Inspection Générale de la Police Nationale Congolaise) en compagnie de Fidèle Bazana Edadi, chauffeur –chargé de dispatching de la VSV. Six ans après la commission de ce double meurtre, cette date revêt pour tous les activistes des Droits de l’Homme en Rd Congo un souvenir douloureux, au goût du sang qui les interpelle sur les risques pris dans le travail qu’ils sont appelés à assumer ; dénoncer les violations des droits humains et défendre les Sans-Voix. Le risque, selon la VSV, est d’autant périlleux que les criminels impliqués dans ces assassinats sont des policiers, c’est-à-dire des agents de l’ordre revêtus du pouvoir de l’Etat consistant, entre autre, à protéger les défenseurs des droits humains.
La commémoration de ce triste événement a conduit une longue colonne d’activistes des droits humains, de membres de la famille biologique et de la VSV, des représentants de plusieurs chancelleries occidentales et une foule d’observateurs à se rendre à Benseke/Futi pour raviver la flamme du combat mené par les deux assassinés. Prenant la parole à cette occasion, Adélaïde Tshebeya Tshibalonza, sœur aînée de feu Chebeya, a martelé que pour sa famille biologique de Floribert Chebeya, il n’y a jamais eu procès (crédible). Elle a dénoncé
l’incapacité de la justice militaire à punir les vrais coupables dont, pour elle, le suspect n° 1, l’Inspecteur Général de la Police National Congolaise, Général John Numbi Banza Tambo. A cause de cela, elle continue à maintenir toutes ses revendications pour qu’un jugement juste soit rendu et que les coupables, quels que soient leurs rangs, soient punis. Pour terminer, elle a sollicité le soutien financier des
partenaires de la VSV pour soutenir la continuité des œuvres de
Chebeya. Pour cela, elle a particulièrement mentionné le voyage que le
défunt devait effectuer à l’Equateur où il devait s’enquérir de la
véracité des pseudo-Inyelé qui triment sans jugement à Makala
jusqu’aujourd’hui.
Auparavant, Adélaïde Tshebeya s’est longuement appesantie sur le
montage macabre fait par la PNC pour diffamer la mémoire de son jeune
frère avec des condoms et cheveux de femmes, alors que la Police
scientifique a prouvé la mort liée aux tortures, aux traitements
cruel, atroce, inhumain et dégradant : étranglement provoquant une
hémorragie grave au niveau de la bouche, du nez et des oreilles, et la
tête du corps sans vie se balançant dans tous les sens.
Pas de tombe pour
Fidèle Bazana
Chaque année, les commémorations de divers anniversaires se déroulent
sur la tombe de feu Floribert Chebeya, car, le corps de son compagnon
de lutte et d’infortune, Fidèle Bazana, n’a jamais été retrouvé ou
livré à sa famille, malgré le procès qui a attesté sa mort. Prenant à
son tour la parole, le représentant de la famille de Fidèle Bazana
Edadi a souligné le fait que la Constitution de la Rd Congo déclare la
vie humaine sacrée et charge l’Etat de tout mettre en œuvre pour la
protéger. Malgré cette obligation constitutionnelle, il a constaté que
le verdict rendu par les juridictions militaires saisies après ce
double assassinat, n’a pas permis de condamner les vrais
commanditaires de ce crime – dont certains continuent à circuler
librement – et partant apaiser les familles éplorées. Il a stigmatisé
le fait que le corps de Fidèle Bazana, tué au même moment que Chebeya,
n’a jamais été rendu à sa famille pour des obsèques dignes,
conformément à la tradition. Il a lancé un appel aux autorités pour
permettre à la famille de Bazana de faire son deuil.
Six ans après le crime, tous unis pour défendre votre cause
Dolly Ibefo, actuel directeur exécutif de la VSV a, de prime abord,
remercié tous ceux qui étaient venus commémorer ce triste événement
dont le thème général était : « Six ans après votre assassinat, tous
unis pour défendre votre cause ». Il a également rappelé le sort
injuste subi par les deux victimes dont le combat consistait à lutter
en faveur de la démocratie, du respect des droits humains et des
libertés fondamentales en vue de l’avènement d’un Etat de droit en Rd
Congo. Il a soutenu que cette date reste désormais une occasion pour
raviver la mémoire de l’opinion publique et rappeler la nécessité de
la poursuite de la lutte pour que justice soit effectivement rendue à
F. Chebeya et F. Bazana. Il a énergiquement dénoncé le verdict, qu’il
a qualifié de complaisant, rendu par la Haute Cour Militaire, qui a
allégé la peine du Colonel Mukalayi reconnu coupable de l’exécution
sommaire des défenseurs des droits humains dans les installations du
siège de la Police Nationale (PNC) et acquitté ceux qui voulaient
brouiller les pistes pouvant conduire à la manifestation de la vérité.
En outre, il a déploré que la lumière ne soit faite sur les
circonstances réelles de cet assassinat. Par ailleurs, le représentant
du Ministère de la Justice et Garde de Sceaux s’est exprimé en disant
que la justice avait travaillé sur base des documents et preuves lui
fournis par les deux parties au procès et que, par ailleurs, il a
admis que la responsabilité civile de l’Etat ne faisait aucun doute.
Dans l’après-midi, un résumé de l’état des lieux de ce procès a été
donné par Me Kabengela. Un représentant de la Commission nationale des
Droits de l’Homme (CNDH) a présenté son action pour lutter contre
l’impunité des violations des droits humains et le directeur du Bureau
des Nations Unies pour les Droits de l’Homme a exposé sur la lutte
contre la torture. Enfin Maître André Marie Muila Kayembe a fait un
témoignage poignant sur la vie de Chebeya avant la messe qui a eu lieu
pour clôturer la commémoration.
SAKAZ