* Pour Azarias Ruberwa : " Les Congolais doivent dialoguer pour éviter la situation du Burundi "
* De son côté, Clément Kanku plaide pour la libération des prisonniers politiques, gage de la participation de l’Opposition au dialogue.
Les consultations politiques du Palais de la Nation continuent leur bonhomme de chemin. Au quatrième jour de cette rencontre avec le Chef de l’Etat, hier jeudi le 4 juin, trois personnalités politiques ont été attendues. Toutes, de l’obédience anti pouvoir. Il s’agit de MM. Azarias Ruberwa Manyiwa, président national du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), Clément Kanku, président du Mouvement pour le renouveau (MR) et Steeve Mbikayi du Parti travailliste (PT).
Cependant, si Azarias Ruberwa et Clément Kanku ont eu à échanger avec le Président de la République, Steve Mbikayi a été pour sa part " ajourné ". Pendant que la presse accréditée attendait le voir prendre les escaliers qui mènent vers la salle de la rencontre, Steve Mbikayi et sa délégation ont plutôt pris la porte de sortie. La même qui les a fait entrer dans le hall du Palais présidentiel. Non pas parce que l’homme du Parti travailliste a été déclaré persona none grata. Plutôt, à cause des aléas de l’agenda du Raïs. Ce n’est donc qu’une partie remise. Car, certaines indiscrétions des couloirs, Steve Mbikayi serait reprogrammé pour aujourd’hui vendredi, le 5 juin. Exit donc toutes supputations malveillantes.
VIVEMENT UN CYCLE ELECTORAL REALISTE
Y a-t-il opportunité d’un dialogue politique en RD Congo ? La question revient sur toutes les lèvres. Et, même les Congolais qui ne s’intéressent que très peu à la politique, ont finalement trouvé de la matière pour donner de la voix. Selon Azarias Ruberwa, un dialogue politique est inévitable et même irréversible dans l’environnement actuel du pays. " La classe politique doit dialoguer pour faciliter l’organisation d’un cycle électoral réaliste ", a-t-il dit pour justifier la finalité de cette rencontre qui continue à alimenter la controverse au sein de la classe politique congolaise.
Le président national du RCD se veut plutôt réaliste. " Il y a des élections qui devront probablement être reportées à 2017 et 2018. Notamment, celles dont la non-tenue n’offense pas la Constitution. Bien plus, si le Burundi a basculé dans un cycle de violence occasionnant des morts d "hommes du jour au jour et depuis des semaines, c’est justement parce qu’il n’y a pas eu de dialogue. Pourtant, on pouvait éviter cette situation déplorable, si la classe politique burundaise avait accepté de se retrouver autour d’une table pour résoudre ensemble les problèmes essentiels à la bonne marche du pays ", a poursuivi le vice- président de la République en charge de la Commission Défense, politique et sécurité, pendant la Transition politique en RD Congo, sous le schéma 1+4.
Par ailleurs, pour exhorter les acteurs politiques de l’Opposition qui continuent encore à réfléchir sur l’organisation ou non, d’une rencontre politique, Azarias Ruberwa rappelle que le dialogue est une culture politique en RD Congo. " Notre pays a connu plusieurs dialogues, à toutes les fois que surgissait une crise politique interne ". Dans la foulée, il cite les différentes tables rondes de Tananarive, de Coquilathville, la Conférence nationale souveraine (CNS), le Dialogue intercongolais de Sun City… "
" Il n’est pas moins démocratique d’organiser un dialogue politique. Bien au contraire. C’est de la grandeur. Lorsqu’il y a des divergences de vue, au lieu de provoquer des tensions, des guerres, le dialogue s’avère une arme efficace en vue de trouver un compromis. Parce qu’il s’agit de la nation congolaise, il faut " dessentimentaliser " la question du dialogue et y aller sur base de principes et de valeurs, tout en sachant que c’est le pays qui gagne ", précise Azarias Ruberwa. " Certains acteurs politiques de l’Opposition s’arc-boutent sur le respect de la Constitution pour justifier leur refus de dialoguer avec le Chef de l’Etat…. " Azarias Ruberwa réagit avec empressement : " Justement…Mais si c’est cela, où doit -on en parler si ce n’est autour d’une table ? Si le calendrier électoral de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) prévoit l’élection présidentielle en 2016, nous sommes jusque-là dans la constitution. A l’éventualité d’un dépassement, il n’y a pas meilleur endroit de le dire haut et fort que dans un dialogue ", déclare Azarias Ruberwa.
SEPT ELECTIONS EN UNE ANNEE : IRREALISTE !
Le RCD a-t-il des préoccupations particulières ? " Non ", rétorque tout de suite Azarias Ruberwa. Et d’ajouter : " Nous avons seulement exprimé notre conviction sur la nécessité d’organiser un dialogue politique, étant donné qu’il se pose des questions qui ne peuvent aucunement trouver des réponses adéquates sans un véritable dialogue politique. A titre d’exemple, nous avons à organiser, selon le calendrier de la Ceni, sept élections qui composent tout le cycle électoral à l’espace d’une année. Soit d’octobre 2015 à novembre 2016. Raisonnablement, il n’est pas possible de tenir un tel cycle électoral ", dit-il.
Dans sa lecture de la situation actuelle du pays, le président national du RCD évoque deux faits qu’il considère en même temps comme essentiels et obstacles à la tenue d’un cycle électoral crédible. Premièrement, il parle du facteur temps. " On n’a plus le temps nécessaire pour matérialiser les différents scrutins prévus. " En second lieu, il évoque l’aspect lié au budget. " Avec quel argent organiser ces élections ? Ces milliards de dollars dont on parle tant mais qui n’existent nulle part jusqu’à ce jour "…dit-il sur un ton d’indignation.
Par ailleurs, Azarias Ruberwa a évoqué les tensions résultant de toutes ces élections qui, selon lui, sont de nature à provoquer d’énormes crises politiques. Pas seulement les élections. Le découpage territorial aussi. " Nous sommes pour le découpage territorial. Seulement voilà. Depuis 2006, le nouvelles provinces n’ont jamais été concrétisées. Conséquence : on se retrouve avec un programme au cours de ce mois de juin 2015, de disposer de 26 provinces. Ce qui n’est pas possible ", a-t-il renchéri.
Partisan du dialogue, Azarias Ruberwa vide finalement son sac, en évoquant également des considérations liées aux débats actuels en rapport avec le respect de la Constitution. Particulièrement, l’organisation ou pas, de l’élection présidentielle. " Des milliers de nouveaux majeurs ne sont pas pris en compte =dans les opérations pré électorales du processus en cours. Il se pose donc-là, un vrai problème de fichier électoral qu’il faille absolument actualiser. Voilà, autant de sujets qui obligent la classe politique à dialoguer ". Pour le RCD, la table ronde tant chahutée ne doit pas être confondue avec les Concertations nationales du mois d’octobre 2013. Selon ce parti politique de l’Opposition, " les Concertations nationales se sont justifiées en leur temps. Cependant, elles n’avaient pas abordé le climat politique apaisé attendu pour éviter des conflits et des guerres, comme c’est le cas au Burundi ".
LIBERER LES PRISONNIERS POLITIQUES
" Le Mouvement pour le renouveau est un parti politique très attaché aux vertus du dialogue ". C’est de cette manière que Clément Kanku, commence son speech. Et de poursuivre : " Nous avons toujours prôné la décrispation de la situation sur le plan politique interne. Le MR a toujours demandé que les partis se parlent. Et, nous avons échangé avec le Chef de l’Eta, non pas pour comploter contre le pays, plutôt pour le construire, parler des choses qui touchent à la vie de la nation. Aussi, avons-nous tenu à rencontrer le Chef de l’Etat pour lui dire ce que pensent nos bases respectives ".
En ce qui concerne le respect de la Constitution, Clément Kanku s’est réjoui de constater que le Président de la république s’est lui-même engagé en cela. " Nous avons pensé que le dialogue tel que proposé hier par certains collègues et boudé aujourd’hui par d’autres, est une vertu en démocratie. Mais il faudrait que les termes de référence de cette rencontre soient clairement définis et qu’à l’avance, l’on sache où ce dialogue va amener. Nous avons proposé au chef de l’Etat, si Dialogue il y aura, que celui-ci soit inclusif. Sinon, ce serait un dialogue contreproductif. C’est-à-dire dialoguer avec un groupe, sous peine de revenir à la case de départ. En ce qui concerne le calendrier électoral, Clément Kanku précise que son parti est favorable à un calendrier consensuel.
En ce qui concerne la décrispation de l’espace politique, le cahier des charges du MR plaide entre autres, la libération des leaders de l’Opposition encore en prison ainsi que la réouverture de certains médias proches de l’opposition. " La question du consensus politique n’a pas commencé aujourd’hui. Nous avons déjà commencé le travail avec certains partis politiques de l’Opposition, notamment l’UDPS d’Etienne Tshisekedi. Présentement, nous attendons d’autres partis pour parler avec eux. Certains préfèrent aller dialoguer avec l’abbé Malumalu sur vidéo conférence. Quant à nous, nous préférons dialoguer sur place ici avec le pouvoir, la Ceni et la société civile ", a conclu Clément Kanku.
A tous égards, la leçon a tirer des quatre premiers jours des consultations du Palais de la Nation à Kinshasa, laisse croire qu’une dynamique en faveur d’un dialogue politique se dessine et même se consolide. Laurel KANKOLE