Ils sont très forts. Depuis quelques années, on les retrouve dans toute la Ville, en train de tout acheter. Ils rasent, construisent et occupent le moindre espace vert. C’est la loi des nouveaux nantis, cette poignée d’individus qui regardent le peuple d’en haut, rendus inattaquables par les millions de dollars qu’ils pèsent. Des millions dont personne en connaît l’origine mais qui sont à la base de nombreux abus.
A l’Hôtel de Ville de Kinshasa, le gouverneur André Kimbuta commence à réaliser l’étendue du désastre. Sa « ville-province », comme il aime l’appeler, ne ressemble plus à celle qu’il a connue dans sa tendre jeunesse. Kinshasa est devenue une immense cité dortoir malgré ses boulevards modernisés. Le gouverneur l’a lui-même souligné lorsque, au sorti d’une audience au Palais du peuple, il avait déclaré que ce qui lui importe, c’est la réhabilitation de la voirie dans les différentes communes devenues aujourd’hui presqu’inaccessibles.
Mais même dans ces communes à l’accès difficile, les nouveaux riches imposent leur loi dans le domaine foncier. Ils construisent dans l’absence totale de respect des normes urbanistiques. Il n’y a plus, à Kinshasa, de quartiers destinés aux maisons basses et ceux destinés aux immeubles de plusieurs niveaux.
On construit partout et n’importe comment. Pis, on privatise les rues qui deviennent de plus en plus étroites par la seule volonté des puissants.
- C’est sans doute pour faire face à ce désordre et montrer aux nouveaux chefs que l’argent ne peut tout domestiquer d’André Kimbuta est sorti du bois il y a quelques jours pour lancer une mise en garde en direction de tous ceux qui pensent avoir tous les droits. Pour montrer sa détermination à ne pas reculer, il a frappé en interne en renvoyant à la maison son ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Antoine Bidingi Muzingu, coupable d’avoir délivré une autorisation de bâtir à l’époque où il assumait la charge de ministre provincial des Affaires Foncières. L’épée de Damoclès ne concerne pas M. Bidingi seul. Les sanctions vont bientôt tomber sur d’autres têtes car la Ministre en charge de l’Urbanisme a été priée de présenter, dans les meilleurs délais, un tableau de toutes les autorisations délivrées dans le but d’un audit de conformité, de régularité et de légalité.
Mme Thérèse Olenga, porte-parole du gouvernement provincial qui a annoncé ces décisions, a rappelé à tous ceux qui occupent les emprises de l’Etat en élargissant notamment leurs parcelles au-delà de leurs limites avec empiétement de la voie publique qu’ils sont instamment priés de remettre ces espaces à l’état initial par la démolition des constructions anarchiques y érigées.
Ces mesures du gouvernement provincial seront auscultées à la loupe au niveau de leur exécution. Car les personnes mises en cause sont, sur le plan général, celles qui ont des moyens et qui construisent un peu partout à travers la capitale.
Il s’agit d’un véritable test dont la réussite devrait ouvrir la voie à l’aménagement équilibré du territoire kinois. Une ville où la tendance à diviser les parcelles par trois ou quatre avant de les vendre à généré de nouveaux comportements. On construit désormais en hauteur à cause de l’étroitesse de l’espace et on construit sa fosse septique et son puits perdu dan la rue quand on n’utilise pas les canalisations publiques pour y déverser tout bonnement les urines, les matières fécales et les eaux sales de sa maison.
Le chantier que Kimbuta vient d’ouvrir ne manquera pas de lui attirer des ennuis. Mais il est important qu’il ne se laisse pas démonter et, surtout, qu’il tienne bon. Parce qu’il s’agit de défendre l’intérêt collectif en libérant des espaces illégalement occupés, en réhabilitant nos rues et avenues, et en restaurant les conditions hygiéniques dans nos différents quartiers.
Bon courage.
LP