Pour vaincre l’entêtement politique de la Majorité présidentielle (MP), soupçonné avec raison, de vouloir prolonger le bail de Joseph Kabila au sommet de l’Etat, il a fallu trois jours d’émeutes sanglantes à Kinshasa (lundi 19, mardi 20 et mercredi 21 janvier) dont le bilan s’est soldé par une quarantaine de morts selon la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme). Goma, la volcanique, et Bukavu, la frondeuse, n’étaient pas en reste dans ce vaste mouvement populaire de ras- le-bol politique provoqué par l’examen d’une nouvelle loi électorale dont le pilier est l’érection du recensement de la population comme préalable (article 8 alinéa3) à la présidentielle et aux législatives prévues pour septembre 2016. Par dizaine de milliers les habitants de ces deux villes de l’est de la RDCongo ont aussi battu le pavé pour dire non à la manipulation de la loi électorale.
Le soulèvement de la population rappelle la métaphore du gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, qui avait prévenu, que si l’arbitre siffle un troisième penalty litigieux les supporteurs envahiront l’aire de jeu. Alors que l’arbitre complotait pour siffler le fameux pénalty, la population est descendue dans la rue pour se faire entendre. La gravité des faits a poussé la communauté internationale à intervenir. Le samedi 24 janvier dans la matinée, une rencontre décisive a eu lieu, entre Joseph Kabila et les ambassadeurs. Droit au but les diplomates ont mis garde Kabila et lui ont demandé de retirer sa nouvelle loi électorale pour faire baisser la tension politique. Kabila leur a répondu dans un premier temps que dans leurs pays respectifs cela né se passaient pas ainsi car la Majorité fait passer ses lois. Les ambassadeurs lui ont fait observer que dans leur démocratie, tout le monde était soumis à la loi. Finalement Joseph Kabila a décidé d’accéder à la demande de ses hôtes. Aussitôt l’entretien avec Kabila prenait fin que les membres de la communauté internationale sont allés à la rencontre des leaders de l’Opposition. Au nombre desquels Vital Kamerhe (patron de l’UNC) et Martin Fayulu (patron de Ecidé) notamment. C’est donc au prix du sang des rd-congolais et d’importants dégâts matériels, couplé aux fortes pressions de -la communauté internationale (USA, UE, France, Grande-Bretagne et Belgique), que le pouvoir a finalement capitulé devant le peuple en supprimant l’alinéa 3 de l’article 8 de sa nouvelle- loi électorale. Le patron de la Majorité présidentielle et président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, très affaibli par cette crise sans précédent qui a secoué le pays et pour laquelle il porte une lourde responsabilité, a annoncé à la télévision, résigné, la suppression pure et simple de l’alinéa 3 de l’article 8. C’est la décision qu’a prise, sur son instruction, la Commission mixte paritaire assemblée nationale-sénat qui a siégé le samedi 24 janvier 2015 pour adopter la loi en termes identiques. Minaku lui-même a été instruit par Joseph Kabila qui était soumis à des pressions internationales inédites pour qu’il lâche du lest dans ce bras de fer avec l’Opposition. En supprimant l’alinéa 3, Aubin Minaku a dit avoir suivi la volonté populaire, celle de certains leaders politiques et de l société civile. Pour Minaku il n’y avait pas moyen de procéder au retrait de la loi comme l’exigeaient la population et ses leaders étant donné que le projet de loi électoral avait déjà été déclaré recevable par la chambre basse. Pour apaiser la rue qui avait grondé, Minaku, a donc opté -pour une solution radicale, celle de la suppression de l’alinéa 3, là où une certaine opinion s’attendait plutôt à ce que la commission paritaire adopta la position très courageuse et pro peuple choisie par le sénat dans sa séance plénière d’anthologie du vendredi 16 janvier 2015. Et dans la foulée, le speaker de l’Assemblée nationale a annoncé aussi que les délais constitutionnels des élections présidentielles et législatives seront respectés. Un changement des éléments de langage qui surprend plus d’un car la Majorité présidentielle avait habitué l’opinion par une communication ambigüe et contradictoire sur les échéances électorales à venir et sur le respect de la Constitution. L’explication en est toute simple, la colère de la rue est passée par là et soudainement les cadres de la Majorité présidentielle ont trouvé le chemin de l’humilité et de la clarté. Exit l’arrogance après que le régime ait senti que le scénario du Burkina-Faso n’était pas si éloigné comme il s’amusait à le faire croire dans les médias.
L’Opposition pour sa part, après avoir était longtemps méprisée par le Pouvoir savoure sa victoire. L’un des fers de lance de cette contestation historique, Vital Kamerhe, patron de I’UNC, a déclaré sur les ondes de RFI qu’avec la déconnection du recensement du processus électoral le risque de « glissement » est désormais écarté c’est ce que redoutait le peuple. L’ancien président de l’Assemblée nationale n’a cependant pas relâché sa pression sur Joseph Kabila dont le mandat prend fin le 31 décembre 2016 à minuit, martèle-t-il. Il aura la chance d’être le premier ex-président de la République en vie en RD-Congo conclut-il.
Population kinoise héroïque
Les leçons à tirer de cette grave crise sont nombreuses. La première c’est l’héroïsme des Kinois que certaines langues disaient qu’ils étaient amorphes et peureux. D’autres disaient que les Kinois sont incapables de s’affamer pour revendiquer un quelconque droit politique. Pendant près d’une semaine, soit du vendredi 16 au jeudi 22 janvier, ils ont paralysé la ville de Kinshasa qui ressemblait à une ville fantôme. Moralité personne ne petit prendre la température de la population pour savoir quand celui-ci se mettra-t-il en colère. Les tunisiens, les burkinabé et les égyptiens notamment étaient aussi considérés comme peuple amorphes jusqu’à ce qu’un jour ils se révoltent et terrassent leurs dictateurs.
Un grand Kengo dans un grand sénat
Kinshasa a vécu une semaine apocalyptique qui a failli emporter les institutions de la République, contrairement à l’Assemblée nationale, on a vu un grand Kengo Wa Dondo face au pâle Aubin Minaku dépassé visiblement par l’ampleur de la révolte populaire. Léon Kengo, président du sénat, a fait montre d’un sens élevé de l’Etat pendant cette crise. Il a présidé les séances plénières du sénat en ne tenant compte que de l’intérêt supérieur de la nation. Kengo a été dans ce moment tumultueux de la démocratie rd-congolaise, une sorte de boussole républicaine. Il a expurgé de la nouvelle loi électorale la conditionnalité du recensement et de l’identification comme préalable aux élections de 2016 qui à ses yeux comporteraient un risque de glissement du calendrier électoral. Ces termes contenus dans l’article 8 ont été remplacés par les « données démographiques ». La loi électorale version sénat a été adoptée à l’unanimité des membres présents indistinctement de leur appartenance politique dans sa séance du vendredi 23 janvier. ‘Vote historique car les plénières du sénat qui très souvent n’intéressent pas grand monde avait cette fois-ci été suivies par des millions des rd-congolais, scotchés devant leurs télévisions. Une clameur de joie a éclaté après l’adoption de la loi électorale amendée par le sénat. « Yo nani oboya Kengo » ont chanté un groupe d’étudiants près de rond-point Ngaba dans la Commune de Lemba pour exprimer leur reconnaissance à Kengo. La popularité du vieux briscard de la politique a été boostée pendant que celle de Minaku déclinait inexorablement. A Kengo les fleurs à Minaku les quolibets. Pour s’en rendre compte, il suffit de prendre le transport en commun ou d’assister aux discussions politiques qui se tiennent dans presque toutes les rues de la capitale depuis le soulèvement populaire. Evariste Boshab, ministre de l’Intérieur et Adolphe Lumanu, directeur général de l’Onip (office national de l’identification de la population), caressé dans le sens du poil à l’assemblée nationale, avaient été malmenés par les sénateurs. La palme d’or revient notamment à Moïse Nyarugabo, Jacques. Ndjoli, Mokonda Bonza, Koyi Mafuta et Kalamba. Une leçon de liberté donnée au président de la Chambre basse, Aubin Minaku. Chez Minaku, la loi électorale a été votée exclusivement par la Majorité présidentielle (MP) lors d’une plénière boycottée par l’Opposition. Et même dans la Majorité plusieurs députés s’étaient abstenus lors du vote intervenu le samedi 17 janvier. Ce vote prévu pour lundi avait été avancé de deux jours pour faire obstacle à la mobilisation projetée pour le lundi 19 janvier devant le parlement par l’Opposition et la société civile. Honorables les députés MSR de Pierre Lumbi qui n’ont pas voté cette loi. D’autres députés de la Majorité ont carrément préféré sécher les séances marathon de l’Assemblée nationale pour ne pas se mettre en porte à faux avec leur base (surtout les députés de Kinshasa). C-NEWS tient à tirer une fière chandelle au président du sénat, Léon Kengo Wa Dondo pour son courage politique. La nation se souviendra de son acte dans sa conquête de liberté. Dans le passé C-NEWS s’est distingué par ses prises de position anti-Kengo. La rédaction de C-NEWS profite de cette occasion pour dire que cela procédait des divergences sur des questions de principe et jamais sur des considérations personnelles.
Le Cardinal Mosengwo aux côtés du peuple
Le cardinal Mosengwo mérite aussi des fleurs car sa prise de position en faveur du peuple est aussi à saluer. Le cardinal a été le premier a condamné la répression de la police. Il a appelé le pouvoir « a cessé de tuer le peuple ». Mosengwo comme Kengo quand il défense la démocratie ou la liberté du peuple rencontreront la sympathie de C-NEWS. Car la RD-Congo a besoin des hommes libres qui veulent que le peuple soit maître de son destin.
Tshisekedi le rattrapage in extremis
Si Kengo et Mosengwo ont su tirer leur épingle du jeu, il n’en est pas ainsi de l’opposant historique Etienne Tshisekedi et son parti l’UDPS. Alors que le peuple révolté s’apprêtait à descendre dans la rue, son porte-parole, Kapika, s’est bruyamment exprimé en disant que I’UDPS n’était concernée ni de près ni de loin avec la marche projetée par l’Opposition. Une partie de l’opinion a été désorientée. On n’ose pas imaginer ce qu’aurait été ce soulèvement avec l’implication totale de l’UDPS. Voyant que la population n’avait pas suivi le mot d’ordre du Porte-parole de l’UDPS, Félix Tshisekedi s’est vite ravisé en appelant à son tour les manifestants à chasser le pouvoir. Moralité : le peuple n’appartient à personne. Désormais sans I’UDPS la ville de Kinshasa, son bastion historique, peut être paralysée par d’autres leaders de l’opposition à condition qu’ils soient en phase avec la population.
Mende moins arrogant
Un autre perdant, c’est le ministre de la communication et médias Lambert Mende. Il a renoué les vertus de l’humilité. Lui qui se moquait des opposants en disant qu’ils sont incapables de mobiliser ne serait-ce que 300 personnes. On a redécouvert un autre Mende dans, les débats publics, moins arrogant. Delly Sesanga l’a laminé dans une émission diffusée sur Télé 50. Il a reçu un cours sur les libertés publiques. La rue a déjà choisi son camp. Comme disent les kinois le compte à rebours a commencé : tic tac. Pas revanchard, les opposants souhaitent que les rd-congolais aillent aux élections dans un climat apaisé. Il faudra pour cela un dialogue avec la Majorité pour dégager l’horizon politique. Cela passe la relaxation de nombreux prisonniers d’opinion (Adolphe Muyambo, Mike Mukebay, J-B Ewanga, Vano Kiboko, Christopher Mutamba, Diomi, et cadres de l’UDPS notamment). La confection d’un calendrier électoral consensuel et global. L’accès aux médias publics, notamment la RTNC. La réouverture des médias privés proches de l’Opposition (Canal Futur, RLTV, Canal Km, RTCE, CONGONEWS, JUA, etc). Voilà quelques revendications immédiates de l’Opposition et de la société civile.
MTN