Sortis de nulle part, les uns initiés par leurs grands-parents ou des maîtres pratiquant la transmission du savoir par la tradition orale, les autres issus d’une improvisation qui a tout d’une aventure de mauvais goût, les tradipraticiens, ces nouveaux médecins de l’écorce et des amulettes, qui pullulent dans nos cités, suscitent moult interrogations sur l’art de guérir qu’ils pratiquent en toute légalité et toute impunité, sans avoir à se référer à une autorité médicale légalement établie.
Absence d’un critérium sur leurs méthodes de travail, rien ne certifie la validité ou le succès de leurs thérapies aussi folkloriques que scientifiques puisées dans la pharmacopée traditionnelle.
Et depuis qu’ils se sont lancés dans cette profession, ouvrant des cabinets médicaux par-ci et des centres de guérison traditionnelle par-là, les malades attirés par le coût relativement abordable et les promesses de guérison rapide, affluent pour soigner toutes sortes des maladies allant de faiblesses sexuelles à la stérilité, en passant par la prostate, l’hernie, les hémorroïdes, la folie, le diabète, les pieds d’athlète et le sida. A longueur de journées, leurs messages lénifiants défilent sur les antennes de chaînes de radiodiffusion et rassurent sur l’efficacité de leurs thérapies.
Des surnoms tels que «Canon de Yaoundé », «1.600 volts», «Kimisa ye Ndaku», qu’il faut traduire par le canon de la capitale camerounaise, un fort voltage qui renvoie à l’électrocution et le dernier produit qui garantit l’infidélité aux conjoints de deux sexes, ont même été mémorisés par les tout petits sans en saisir la quintessence. Mais là où la justice semble se réveiller, c’est quand à la faveur de cas de décès, la police a décidé d’ouvrir des enquêtes en interpellant les fameux guérisseurs. Tel est le cas d’un tradi-praticien qui aujourd’hui, se retrouve entre les quatre murs du cachot de la police.
On reproche au guérisseur KimbomaMampasi Paul domicilié sur avenue Binza n° 52, quartier Mfinda, commune de Ngaliema, d’avoir administré à l’un de ses clients malades, M. KamwanaKwangi, âgé de 56 ans, résidant sur rue Kitenda n° 1, quartier Manenga, toujours dans la même mairie de Ngaliema, de substances nuisibles à la santé, avec cette circonstance aggravante que la consommation de ces produits ont entrainé la mort de l’infortuné. Le fameux guérisseur qui était en cavale après avoir appris le décès de son client, et la traque lancée contre lui, avait déserté son domicile.
Les policiers à ses trousses ont fini par l’arrêter. Dernièrement, une autre guérisseuse avait administré à sa cliente une grande quantité d’oignons et autres breuvages sous prétexte de stimuler sa fécondité. Pour ce traitement, la dame a dû débourser près d’un demi-millier de dollars. Des mois plus tard, non seulement le ventre a pris un volume démesuré, mais elle n’a jamais été guérie de sa stérilité. De retour dans la case de la guérisseuse pour s’enquérir de l’échec du traitement, on lui fera remarquer qu’elle avait enfreint une série d’interdits.
A Kingasani, il y a des années, un guérisseur prétendait détenir des pouvoirs exceptionnels pour soigner les maladies mentales.
Dans son centre, laisse-t-il entendre, les fous étaient guéris. Si beaucoup des gens sont satisfaits, il ne cesse d’accueillir de nombreux cas au point qu’il est aujourd’hui, débordé. Pour tout traitement qu’il gardait secret, il enchainait ses malades aux poteaux, croyant que la faim allait réduire leurs forces et les inciter à retrouver leurs facultés mentales. Il y a eu des cas de tortures qui avaient été dénoncés. Et c’est à la suite de plaintes des familles de ses « victimes » que ce centre de « tortures à but thérapeutique » a été fermé.
Les Kinois à la recherche de la médecine douce, la médecine des plantes, ont trop été roulés dans la farine, au point que la question que tout le monde se pose est celle de savoir : pour combien de temps, laissera-t-on ces tradi-praticiens opérer en toute impunité ou en toute illégalité ? Car, si rien n’est fait, alors aventuriers de tous bords engouffrez-vous dans cette filière qui nourrit son homme, et vous rapproche de la prison.