Stève Mbikayi : " Si on n’est pas capable de déverser 1 million de Congolais dans la rue ni prendre les armes pour imposer ses vues, il faut dialoguer "

Lundi 25 mai 2015 - 08:09

Le Dialogue politique en préparation, la cacophonie au sein de l’Opposition, ses distances avec ses collègues de l’opposition, ses relations avec Etienne Tshisekedi, Stève Mbikayi en parle sans langue de bois. Dans un entretien à Forum des As, le président du Parti travailliste et leader de l’Opposition nationaliste, estime que le dialogue est impératif pour résoudre tous les problèmes qui divisent les Congolais. Pour l’élu de la Tshangu, si on ne peut pas discuter on peut imposer ses positions en prenant les armes. Et si on ne prend pas les armes, il faut être capable de déverser au moins 1million de Congolais dans la rue pour qu’on vous écoute. Mais, si vous n’êtes pas capable de faire l’un et l’autre, le dialogue s’impose. Rencontre avec un opposant pro Congo.

Absolument, nous sommes prêts. Tout acteur politique a pour souci de servir son peuple. Et pour cela, il faut passer aux affaires pour pouvoir imprimer son cachet, dans le cadre de proposition de lois, de contrôle de l’action gouvernementale et aussi pour participer à la gestion du pays, il faut absolument avoir le mandat du peuple. On ne peut pas être un parti politique et refuser de concourir, d’aller aux élections pour avoir un mandat populaire.

LE DIALOGUE POLITIQUE SE DESSINE DEJA. QUEL EST VOTRE ENTENDEMENT DE CE DIALOGUE INITIE PAR LE CHEF DE L’ETAT AU NIVEAU DE L’OPPOSITION POLITIQUE ?
Il ne faut pas dénaturer les choses. Le dialogue n’est pas initié par le chef de l’Etat. Le dialogue a été demandé par l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et confirmé par la résolution 2098. Et demandé par l’Opposition congolaise. Nous avons même eu à créer une " Coalition pour le vrai dialogue ", CVD, où j’étais porte-parole et l’honorable Kamerhe autorité morale. Le président de la République parce que c’est lui qui gère les affaires, pour qu’il y ait dialogue c’est lui qui doit au niveau national prendre l’initiative. Ce n’est pas son initiative, il s’inscrit dans le cadre. Il a tenté de faire les Concertations à la place du Dialogue, nous avons dit non. Et il s’est rendu compte que ces concertations n’ont pas résolu le problème et revient maintenant à ce que nous avions demandé, le vrai dialogue. Il fallait lever cet équivoque. Le chef de l’Etat et nous de l’Opposition sommes liés par les instruments juridiques internationaux parce qu’ils se situent au-dessus des instruments nationaux.
Cela étant, ce serait incohérent de notre part, nous de l’Opposition nationaliste, la Nouvelle classe politique et sociale et même le Parti travailliste, de dire encore non à ce Dialogue que nous avons réclamé à cor et à cri. Nous sommes donc pour le dialogue.

D’AUTRES PERSONNES AVEC LESQUELLES VOUS VOUS ETES BATTUS POUR LE DIALOGUE SE REBIFFENT AU MOMENT OU CE DIALOGUE ARRIVE JUSTEMENT. LA COALITION POUR LE VRAI DIALOGUE (CVD) EST DIVISEE…
C’est dire qu’il y a un groupe qui m’a laissé dans la logique du Dialogue qu’on avait demandé, moi en tant que porte-parole. Les autres collègues du CVD sont allés ailleurs, je suis resté dans l’idée de départ du Dialogue. Les autres ont fait montre d’inconstance en abandonnant la voix du Dialogue en disant qu’ils n’en veulent plus. Ce qui est troublant est que les mêmes collègues demandent qu’on puisse renvoyer les élections locales et municipales après la présidentielle, en 2017, ils veulent qu’on puisse enrôler les nouveaux majeurs, auditer le fichier électoral, voir clair sur les financements de ces élections etc… Mais, eux pensent que la CENI (Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) peut répondre à ces demandes d’un seul groupe, ce n’est pas possible. La CENI ne peut pas changer son calendrier parce qu’un groupe de partis politiques l’a demandé. Sinon elle se mettra à changer chaque jour. Parce que demain X va écrire, elle change, après demain un autre, non. La meilleure façon d’amener la CENI à tenir compte de toutes ces demandes c’est de dialoguer pour dégager un consensus et, c’est ce consensus qu’on va présenter à la CENI. Les collègues veulent une chose et son contraire. Qu’est-ce qui se cache derrière cette position ? C’est la première fois depuis que je suis né, que j’apprends que les gens dans un pays sont contre le dialogue. Alors que le dialogue, c’est une vertu, et il doit être permanent. Donc, si on est contre le Dialogue, on est pour la rébellion ! Pour la guerre ! Dans la vie de tous les jours, les intérêts s’entrechoquent. Pour résoudre le problème d’intérêt général, il faut discuter pour dégager les positions communes. Si on ne peut pas discuter, on peut imposer ses positions en prenant les armes. Et si on ne prend pas les armes, il faut être capable de déverser au moins 1million de Congolais dans la rue pour qu’on vous écoute. Mais, si vous n’êtes pas capable de faire l’un et l’autre, le dialogue s’impose. Pour nous de l’Opposition nationaliste, de la Nouvelle classe politique et sociale (NCPS), le dialogue est impératif pour résoudre tous les problèmes qui nous divisent.

LE FRONT DU REFUS ESTIME QUE LE DIALOGUE VA DEBOUCHER SUR LE GLISSEMENT…
Ou nous sommes des politiciens ou nous sommes des devins et des prophètes pour qu’avant même d’arriver au dialogue, on en connait même la conclusion. Nous à la NCPS, le dialogue c’est la dialectique. Chacun amène sa position, sa thèse. On la confronte à l’antithèse des autres et on dégage la synthèse. Moi, ça ne me ferait pas peur qu’au Dialogue le PPRD dise qu’il veut que Joseph Kabila soit Roi du Congo, c’est un point de vue. Et nous on peut dire, nous voulons que Kabila dépose maintenant, c’est un point de vue de départ. Mais, quand on va discuter, on va arriver à un compromis. Et c’est ça la dialectique. Et puis, dans un dialogue on ne vote pas, on cherche le consensus. Si l’opposition dit non au glissement, comment est-ce qu’il y aura glissement ? La meilleure façon, c’est d’aller au dialogue pour dire non. Parce que quand un camp dit non, il n’y aura pas glissement. Alors comment peut-on déjà imaginer qu’à ce Dialogue, on va nous imposer un glissement ? Ca n’a pas de sens.
Je peux cependant vous assurer que les amis qui crient contre le Dialogue y prendront part. Parce que moi, je connais chaque joueur et son style de jeu. Ils ont dit qu’ils ne vont pas déposer des candidatures tant qu’ils n’ont pas eu des réponses à leurs préalables. Moi, j’avais dit un jour après qu’ils vont déposer leurs dossiers parce que je connais comment ils fonctionnent, ils disent une chose et son contraire. Et ils ont commencé à déposer les dossiers en catimini. Et tous presque vont déposer. Même pour le Dialogue, on les y verra.
SI OBAMA AVAIT ENVOYE ICI QUELQU’UN POUR ORGANISER CE DIALOGUE, TOUS CEUX QUI REFUSENT D’Y ALLER ALLAIENT SE PRECIPITER.
Comme nous nous sommes l’Opposition pro Congo, pro Afrique, donc Opposition nationaliste, il y a aussi une Opposition pro Occident, pro Washington. Si Obama avait envoyé ici quelqu’un pour organiser ce Dialogue, tous ceux qui refusent d’y aller allaient se précipiter. Parce que l’Africain est toujours complexé, quand ça vient de l’Occident c’est bon, quand c’est entre Africains c’est bas. Il faut vraiment déplorer ce genre d’attitude.

Vos collegues qui disent oui aux elections, non au dialogue craignant un possible glissement ont-ils tort ?
Les amis qui disent oui aux élections, non au Dialogue parce qu’il y aura glissement confondent élections et alternance. Pour eux aller aux élections signifie qu’ils vont gagner, aller aux élections c’est l’alternance. Or aller aux élections dans les conditions floues comme c’est le cas actuellement, c’est légitimer encore le pouvoir du même camp. Rien ne prouve que l’opposition pourrait gagner les élections demain dans ces conditions. Il y a beaucoup de doute. Et les mêmes personnes qui disent allons aux élections avaient déjà désavoué leurs délégués à la CENI. Tout d’un coup maintenant c’est bon, la CENI va bien faire les choses, allons seulement aux élections. Or nous qui allons au Dialogue voulons recadrer la CENI, pour qu’on ait une CENI réellement indépendante. Ils mènent une démarche et son contraire, ils sont simplement dupes.

vous etes contre le glissement. et en mars vous aviez propose la prise en charge des elections par le peuple en raison d’un dollar par personne et par mois. ou en est l’initiative ?
J’ai essayé de ralentir pour des raisons que voici. Quand le vice-premier ministre était venu au Parlement, il a dit que le Gouvernement était capable de financer les élections. Parce qu’on ne peut faire la collecte que quand le Gouvernement prouve qu’il n’y a pas de moyens. Comme le Dialogue est lancé, c’est l’un des points que moi je vais proposer au Dialogue. Quand nous verrons les finances du Gouvernement, parce que nous en tant que nationaliste nous demandons à ce que l’on renonce à l’aide étrangère pour les élections. Au cas où les finances de l’Etat ne suffiraient pas, je vais proposer mon idée, pour qu’elle devienne l’idée de tout le monde et que l’on crée un fonds populaire pour les financements des élections couvert par une loi. Parce qu’on ne peut comme ça prendre l’argent des citoyens sans un cadre juridique approprié. Alors j’attends d’aller au Dialogue pour faire passer cette idée.

a quel jeu jouez-vous. hier vous avez refuse d’obeir au mot d’ordre d’etienne tshisekedi appelant a ne pas sieger au parlement. aujourd’hui vous vous mettez en avant-plan, brandissant votre casquette de fidelite au lider maximo…
Je crois que vous me comprenez mal. Etienne Tshisekedi c’est mon père, je dirais père spirituel si on était à l’église. Un enfant qui renie son père est un enfant maudit. Mais un enfant majeur qui se met derrière son père est un enfant irresponsable. Moi je suis un enfant majeur et j’ai fondé ma famille restreinte qui s’appelle Parti travailliste (PT). Et j’ai maintenant une famille élargie qui s’appelle Nouvelle classe politique et sociale, les amis m’ont fait confiance en me plaçant à la tête de l’Opposition nationaliste. Etre derrière Etienne Tshisekedi serait irresponsable. Je dois me présenter à toutes les rencontres, à toutes les négociations en tant que responsable d’une famille politique, l’Opposition nationaliste. Et en me mettant derrière Etienne Tshisekedi, ceux qui sont derrière moi vont se mettre où ? Je prends des positions muries en âme et conscience mais je ne m’aligne pas sur une quelconque position.
Par rapport à l’Assemblée nationale, moi j’estime que le mot d’ordre donné par le président Etienne Tshisekedi l’était au nom de l’UDPS. Moi je suis président du Parti travailliste, élu sur la liste du PT, comment voulez-vous que je puisse suivre le mot d’ordre du président d’un autre parti politique, même si je reconnais que c’est une grande formation politique, ça n’a pas de sens. Voilà pourquoi je suis au Parlement.
Et pour le Dialogue, je m’inscris dans le cadre de l’Accord d’Adis-Abeba et je me suis battu aussi pour ce dialogue. Pourquoi voulez-vous que je me rallie à la position de quelqu’un d’autre ?
On sent l’opposition très divisée, Stève Mbikayi et ses anciens collègues sont à la croisée des chemins. Eléments d’explication ?
Nous étions toujours ensemble, mais après la victoire du peuple les 19, 20 et 21 janvier dernier, trop vite certains d’entre nous ont cru que c’était le moment pour eux de se faire désigner candidat à la présidence par les Occidentaux. Ils sont partis en Occident recevoir l’onction par ceux qui placent et défont des Rois en Afrique. Et après leur passage, Herman Cohen a déclaré clairement que les Etats-Unis n’ont pas encore trouvé de dauphins à pistonner à la tête de la RDC en 2016. Et la NCPS a réagi pour mettre Herman Cohen en garde parce que la RDC n’est pas une province des Etats-Unis. Est-ce à dire que les collègues qui allés passer un test d’embauche ont échoué ? Et depuis ce temps là, j’ai commencé à prendre des positions contre l’ingérence de l’Occident dans nos affaires, contre leur domination car nous sommes dominés politiquement, économiquement et mentalement. J’ai commencé un combat de libération mentale du Congolais et de l’Africain. Et tout d’un coup, les amis avec lesquels on travaillait ont commencé à avoir peur de s’afficher avec moi devant les caméras. Parce que les Occidentaux vont nous voir et les mettre dans le même sac que moi. Déjà, moi avec mes positions, j’ai du mal à avoir les visas maintenant. J’avais le visa Schengen un jour après le dépôt du dossier à l’ambassade. Depuis que j’ai commencé à lutter contre l’homosexualité, contre la domination occidentale sur l’Afrique et le Congo, quand j’introduis le dossier, on le rejette. Je suis allé même en justice contre la Suisse, elle a même manqué d’argument à donner au tribunal pourquoi elle me refuse le visa. C’est sur ces entrefaites que les amis refusent de s’afficher avec nous, de peur d’être mal vus par les Occidentaux. Et d’un coup, il est né deux courants, l’Opposition nationaliste que nous sommes, nous disons non à toute domination étrangère, non d’aller faire des rapports sur nos politiques dans des ambassades. Et nous commençons un combat de libération de notre peuple, de l’Afrique et du Congo face à cette domination. J’ai même créé une émission, " Ecole des nationalistes " qui passe deux fois par jour sur les ondes de Radio Venus et RTVS1, pour conscientiser la population par rapport à la libération mentale…

L’UDPS DEMANDE UNE MEDIATION INTERNATIONALE, QUEL EST LE POINT DE VUE DE L’OPPOSITION NATIONALISTE ?
Nous pensons que ceux qui demandent cette médiation n’ont pas tort, c’est parce qu’ils n’ont pas confiance au pouvoir en place. Aux Concertations nationales, ils se sont entendus et pour appliquer les résolutions ça a pris deux ans. Ils ont peur, et veulent une garantie. Nous de la Nouvelle classe politique et sociale, nous pensons que ce n’est qu’un enfant mineur qui a besoin d’être assisté à tout moment et d’être conduit par quelqu’un d’autre. Je pense que nous sommes assez adultes. A la CNS (Conférence nationale souveraine, Ndlr), il n’y avait pas eu d’intervention étrangère, c’était entre Congolais. Palais de marbre I et II, c’était entre Congolais.

MARINI ET MONSENGWO : MEDIATEURS
On avait même désigné Etienne Tshisekedi Premier ministre. On peut faire appel à la Monusco comme témoin pour voir seulement, pour la garantie d’application. On peut présider le Dialogue d’après nous à la NCPS par deux personnalités importantes respectant ce pays. L’une est présentée comme proche du pouvoir, c’est Mgr Marini, l’autre comme étant proche de l’opposition, Mgr Monsengwo. Ils peuvent co-présider. L’opposition se sentira mieux avec Mgr Monsengwo, la majorité avec Mgr Marini. Et la Monusco comme témoin observateur pour voir comment on va conclure et on va appliquer, pour rassurer les collègues qui veulent de la Communauté internationale. Mais pour nous de la NCPS, ça ne nous gênerait pas de dialoguer seulement entre Congolais, pour prouver notre maturité.
Propos receuillis par Dorian Kisimba et Didier Kebongo