POURQUOI SCOTT CAMPBELL DEVAIT QUITTER LA RDC ?

Jeudi 23 octobre 2014 - 08:57

Des responsables dans quelques pays occidentaux et aux Nations Unies affichent une profonde contrariété à la suite de la décision de Kinshasa de déclarer « persona non grata » Scott Campbell, le chef de la division adroits de l’homme de la Monusco qui dirigeait le bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme en République démocratique du Congo (Bcnudh). Accusé depuis plusieurs années par les autorités congolaises de recourir à une méthodologie contreproductive dans l’accomplissement de sa mission, le fonctionnaire onusien a été finalement prié de quitter le territoire le 16 octobre 2014. Cette décision est individuelle et ne vise pas le Bcnudh dans son ensemble.

Ancien de l’International crisis group (Icg), une des plus célèbres machines à fabriquer des analyses pessimistes qui ont alimenté le fameux Congo bashing, M. Campbell en a fait tant et si bien que nombre de Congolais le considèrent, à tort ou à raison, comme un agent d’influence des milieux nostalgiques qui, derrière un discours lénifiant, se sont jurés d’arrêter le temps sous nos tropiques. Tout se passe comme si certains groupes « bien pensants » ne se consolaient pas de l’expulsion de Rdc de celui qui s’était spécialisé dans la certification des éléments de la communication à leur usage pour donner de la substance au schéma de substitution de souveraineté en RDC qui leur tient à cœur.
Au-delà du destin personnel de Scott Campbell, c’est la question de la nature réelle du partenariat de l’organisation mondiale avec la RDC, et d’autres pays dans la même situation, qui est ainsi brutalement posée. Dès le lendemain de cette mesure, on a observé de vigoureuses manœuvres pour transformer la relation entre les Nations Unies et Kinshasa en une sorte de mise sous tutelle du pays de Lumumba dont il n’est question dans aucune des résolutions brandies aux quatre vents pour faire lever le pied au gouvernement congolais.
On a notamment recommandé avec insistance aux autorités de la RDC de « reconsidérer » leur décision. À cette proposition quelque peu iconoclaste, certains ont « consenti » que le gouvernement transmette à la Monusco une réplique documentée aux accusations querellées de Scott Campbell. On se rend bien compte que les uns et les autres n’ont qu’une connaissance très limitée de ce qui est devenue l’affaire Campbell. En effet, le directeur du Bcnudh et son équipe avaient bien reçu à chacun de leurs rapports les avis et considérations des pouvoirs publics congolais mais ils s’étaient toujours refusés d’en tenir le moindre compte dans les versions finales rendues publiques. M. Campbell n’en était pas à sa première action du genre.
Il est de notoriété publique à Kinshasa que Campbell fut le principal inspirateur d’un rapport excessivement pessimiste basé sur des faits non avérés qui, en 2009 amena un groupe d’experts des Nations Unies à recommander la cessation de l’appui de la Monuc aux Fardc. Le motif en était que « les opérations conduites par ces deux forces ont été un échec total ». Comme s’il s’agissait d’un casting pour un show business. Chez Icg comme à la tête de la division des Droits de l’Homme de la Monusco, Scott Campbell a brillé par un zèle agressif et obstiné dans les efforts qu’il entreprenait pour empêcher les forces de défense et de sécurité congolaises de recevoir quelque soutien que ce soit de la communauté internationale. La munificence de la plupart de ses interlocuteurs du gouvernement congolais l’avait peu à peu enhardi dans cette tâche de démolition. Alors que le monde entier reconnaissait une nette amélioration de la situation sécuritaire et humanitaire grâce notamment à la montée en puissance des forces gouvernementales, Scott Campbell s’adossait à sa croisade en brandissant à tort et à travers le principe selon lequel la Monuc, puis la Monusco, devait s’abstenir de s’associer à des opérations conjointes avec les Fardc dont les membres seraient selon lui auteurs de crimes graves qu’il ne s’est presque jamais soucié de documenter.
Avant les élections de 2011 déjà, le ministre Luzolo Bambi en charge de la Justice et des Droits humains après lui avoir vainement demandé de fournir aux instances judiciaires l’identité des victimes présumées de « criminels militaires congolais » qu’il venait de dénoncer bruyamment pour une suite appropriée, avait condamné la légèreté de sa méthodologie fondée essentiellement sur des extrapolations abusives qui, faute d’éléments de preuves, ne pouvaient qu’être rangées dans la rubrique des rumeurs non vérifiées.
Non content d’avoir obtenu en 2009 le retrait du soutien logistique de la Monuc pour la 213ème brigade Fardc engagée contre des groupes armés irréguliers au Nord Kivu sur base d’une dénonciation de crimes présumés commis à Lukweti (une accusation qui s’avéra fausse par la suite), Campbell se lança dans un lobbying ininterrompu pour empêcher la Chine de vendre des armes au gouvernement de la Rdc confronté à la multitude des groupes armés dans les deux Kivu. On ne voit pas bien quelle disposition du Sofa (Status of forces agreement ou Accord de siège de la Monusco) donne à un officiel de la mission la liberté de s’en prendre de cette manière aux Intérêts Nationaux vitaux de la RDC.
Il y eut par la suite le rapport d’avril 2014 estampillé Bcnudh consacré aux violences sexuelles dont on sait qu’elles sont essentiellement le fait des groupes armés étrangers et nationaux qui écument l’Est de la Rdc depuis près de 20 ans et que les forces gouvernementales combattent avec l’appui de la communauté internationale. Avec une mauvaise foi flagrante et en dépit des remarques faites par ses partenaires au sein du gouvernement, M. Campbell a superbement méconnu tous les efforts des autorités congolaises pour réprimer les violences sexuelles, préférant hurler avec les loups en surfant sur la fébrilité d’une certaine presse périphérique à sensation qui avait décidé de faire de la Rdc « la capitale mondiale du viol », une formule qui ne fut en réalité qu’un emprunt non signalé d’une autre émissaire onusienne qui avait répété mot pour mot les propos d’un dirigeant d’Afrique australe parlant de son propre pays. Comme la mouche du coche, M. Campbell a délibérément noirci le tableau et refusé de coopérer avec les institutions congolaises afin de donner l’impression qu’il n’y avait aucun progrès à attendre de ces dernières et que c’est grâce à lui seul qu’il y en aurait.
Bien que sérieusement malmené dans sa réputation par Scott Campbell, le gouvernement de la Rdc avait fait preuve de pondération dans l’espoir de voir ce partenaire chargé d’aider les institutions nationales à respecter les valeurs des Droits de l’Homme et renseigner sur la situation de ces droits tenir compte des évolutions réelles et évidentes, malgré le chemin restant à parcourir. Cette bonne volonté ne sera malheureusement pas payée en retour. C’est à un véritable dialogue avec un mur que les différents plénipotentiaires congolais se trouvèrent confrontés.
Le dernier rapport du Bcnudh signé par Scott Campbell qui a porté sur l’opération Likofi était tout aussi truffé de contrevérités sur des forces de police dont la compétence, l’efficacité et le dévouement avaient forcé l’admiration des Congolais dans leur grande majorité. La substance de ce dernier rapport a débarrassé les Congolais de toute illusion sur la capacité de Scott Campbell à prendre en compte les observations méthodologiques de ses partenaires. Faut-il rappeler que ledit rapport concerne un sujet des plus sensibles, touchant aux fonctions régaliennes traditionnelles de l’Etat, à savoir la sécurité intérieure. Que le Bcnudh ait l’outrecuidance de se dire plus compétent sur le sujet que l’Etat congolais concerné est une véritable raison d’inquiétude non seulement pour la Rdc, mais aussi pour tous les autres Etats africains bénéficiant du même type d’appui de la part des organisations internationales.
Les gouvernements occidentaux, agences onusiennes et Ong internationales qui s’offusquent aujourd’hui de la mesure prise contre M. Campbell ont assisté naguère, insensibles et indifférents, à cette véritable guerre des tranchées que l’intéressé a livrée de manière systémique à ses « partenaires » du gouvernement congolais au cours de ces cinq dernières années.
Quiconque a suivi peu ou prou la saga de Scott Campbell au Congo Kinshasa sait qu’en le déclarant ‘persona non grata’, les autorités ont tiré la seule conclusion qui s’imposait face à ce dialogue de sourds, à savoir la cessation de collaboration avec une personnalité manifestement incapable de travailler sereinement et efficacement à la promotion des valeurs humanistes et de renseigner objectivement sur la situation des droits de l’homme dans ce pays. Des raisons valables existent pour lesquelles le gouvernement congolais en est arrivé exceptionnellement à cette mesure extrême. On peut citer à titre d’exemple ses allégations reprises en chœur par divers acteurs internationaux sur la prétendue absence de poursuites judiciaires à l’encontre des membres du personnel des forces de sécurité de la Rdc coupables d’actes délictueux et criminels dans le cadre de l’opération « Likofi ». L’information s’avère aussi malveillante que mensongère car le directeur du Bcnudh était parfaitement informé que le gouvernement n’avait pas attendu ses révélations pour sanctionner les militaires et policiers auteurs d’actes répréhensibles dans le cadre de cette opération coup de poing contre les Kulunas. En témoignent, les statistiques de la Justice militaire qui ont été mises à sa disposition et qui renseignent que 65 officiers, sous officiers, caporaux, soldats et agents de police ont été arrêtés et ont comparu en procès publics devant les juridictions militaires des garnisons de Gombe, Matete et Ndjili dans la capitale. Les kinoises et kinois avaient participé nombreux à ces audiences foraines. D’où leur perplexité face aux demandes de juger des personnes qui l’avaient déjà été ; une perplexité exprimée notamment à la faveur de l’émission interactive « Appels sur l’actualité » de RFI du mercredi 22 octobre. Pour rappel, parmi ces prévenus militaires et policiers, 34 avaient fait l’objet de condamnations s’étalant de 12 mois de servitude pénale à la peine capitale. 11 parmi ces condamnés sont allés en appel tandis que 10 prévenus avaient été acquittés. Pour les autres, les procédures judiciaires poursuivent normalement leur cours.
Il est humainement et professionnellement compréhensible que le chef de la Monusco, Martin Kobler dont le gouvernement congolais reconnaît et apprécie l’empathie, affiche sa solidarité envers un collaborateur en difficulté et assume la responsabilité des conclusions et recommandations du travail du Bcnudh. Il nous suffit de souligner à cet égard que la décision gouvernementale concerne Scott Campbell ‘intuitu personae’ car son implication directe dans la dénaturation des renseignements à propos des droits de l’homme dans notre pays ne fait l’ombre d’aucun doute. Les structures des Nations Unies et autres œuvrant dans le secteur de la promotion et de la défense desdits droits ne sont pas concernées. Ni les conventions sur les immunités diplomatiques, ni le Status of forces agreement (Sofa) n’obligent la République démocratique du Congo à se justifier pour avoir déclaré un membre du système des Nations Unies indésirable sur son territoire. Il appert clairement que quoiqu’en disent ses amis, Scott Campbell est tout sauf le professionnel que décrivent ceux qui le défendent mordicus. Autrement, il ne se serait pas laissé engluer dans ce mépris qui a empoisonné ses relations avec les partenaires institutionnels congolais. Le gouvernement de la Rdc est fondé à assimiler ses rétentions systématiques d’informations sur la situation des droits de l’homme comme des fautes graves. La lutte contre l’impunité est une valeur universelle qui concerne aussi bien les Congolais que leurs partenaires des Nations Unies qui ne sont pas infaillibles, loin s’en faut.
Le Gouvernement a, de guerre lasse, constaté que son interface privilégié en matière des droits de l’homme à la Monusco était de ces experts qui se meuvent dans les complexités africaines avec la grâce d’un éléphant dans un magasin de porcelaine et s’évertuent à imposer des prêts-à-porter opérationnels d’importation. De tels monstres d’arrogance auxquels le prix Nobel nigérian Wole Soyinka reprochait à bon escient la tendance irrépressible à « intervenir compulsivement en se mêlant de tout sans avoir rien compris », la Rdc n’en veut plus.
Contrairement à ce que suggèrent ceux qui prennent la défense de l’ex-directeur du Bcnudh, le gouvernement congolais qui a décidé souverainement de mettre fin à sa présence dans le pays tient à informer l’opinion nationale, à l’intention de laquelle cette mise au point est faite, de sa volonté de poursuivre une collaboration active et utile avec la composante droits de l’homme de la Monusco (Bcnudh). –
Fait à Kinshasa, ce 22 octobre 2014.
Lambert Mende Omalanga
(Ministre des Médias, Chargé des Relations
avec le Parlement et de l’Initiation à la Nouvelle
Citoyenneté, porte-parole du Gouvernement)

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