Rôle de la société civile de la RDC dans la promotion de la transparence et de la gouvernance des revenus du secteur extractif.

Mercredi 4 février 2015 - 08:14

Actuellement en RDC, l’on peut se rendre compte que de nombreuses organisations non gouvernementales se sentent une vocation de promouvoir la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur extractif. Evidemment, cela indique une vitalité démocratique.

Il est aussi un fait que plusieurs de ces différentes organisations ont commencé à apparaître manifestement à partir de 2010, soit cinq ans après l’adhésion de la RDC à l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives, ITIE, en sigle.

Tout bien pesé, l’ITIE a renforcé indubitablement la motivation à cette vocation, surtout lorsque l’on observe une parfaite mise en œuvre de l’initiative au pays.

Nous nous proposons dans cette communication de cerner le rôle des organisations de la société civile de la RDC dans la promotion de la transparence et de la gouvernance des revenus du secteur extractif, sans toutefois avoir la prétention d’en cerner tout le contour.
A propos de l’ITIE
L’ITIE est une alliance nouée entre les entreprises, les gouvernements et les organisations de la société civile pour améliorer la transparence et la gestion des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles.

Qu’il soit dit en passant qu’une ressource naturelle est toute substance qu’offre la nature à l’homme pour satisfaire à ses besoins, notamment : le gaz, le pétrole, les minerais, le bois, etc.

Ainsi, lorsqu’un pays conclut cette alliance, il s’engage à publier la totalité des revenus que toutes les entreprises, qui exploitent les ressources naturelles dans le pays, versent aux gouvernements. Les paiements ainsi effectués par les entreprises à l’Etat sont publiés annuellement dans des Rapports appelés « Rapports ITIE ».

S’il est vrai qu’un Rapport ITIE vise plusieurs objectifs, il n’en demeure pas moins que son objectif primordial est de permettre aux citoyens d’établir eux-mêmes la vérité sur les montants perçus par leur gouvernement et provenant des ressources naturelles de leur pays.

C’est pour aider à réaliser cet objectif essentiel que les organisations de la société civile qui œuvrant dans le secteur extractif se sont constituées en partie prenante à l’ITIE.

A propos de la société civile

La société civile regroupe l'ensemble des associations à caractère non gouvernemental et à but non lucratif. Il s'agit donc de l'auto-organisation de la société, en dehors de tout cadre institutionnel - au sens politique du terme - administratif ou commercial.

En effet, la société civile joue un rôle de médiateur, de passeur de l’un à l’autre, du citoyen à l’institution et vice versa. Les acteurs de la société civile sont aussi moteurs et garants du lien social. D’ailleurs, l’existence d’une société civile organisée est parfois vécue comme la création d’un contre-pouvoir, d’un contrôle citoyen face au pouvoir politique, institutionnel.

L’on peut affirmer que dans les politiques de développement, l’existence d’une société civile réelle, vivante, indépendante des pouvoirs politiques est de plus en plus une garantie de démocratie.

Lorsque l’on parle ici d’une société civile organisée, l’on sous-entends une société civile organisée constituée d’organisations qui n’aspirent pas à exercer directement le pouvoir, mais qui se présentent comme une force de proposition, de mobilisation et d’influence qui permet de faire évoluer les décisions politiques.

D’où, il nous faut souligner le rôle de la société civile organisée à montrer sa capacité à influencer le pouvoir.

La vocation de la société civile de la RDC à l’ITIE

Lorsque l’on examine le dispositif d’intervention des organisations de la société civile qui œuvrent dans le secteur extractif à l’issue de la publication des Rapports ITIE-RDC, on constate que celui-ci reste superficiel. Il n’existe pas de résultat substantiel, du moins pour le moment, qui peut démontrer une quelconque influence sur le pouvoir public.

Essentiellement, les acteurs de la société civile appartenant aux organisations qui œuvrent dans le secteur extractif, se limitent, nous semble-t-il, à participer passivement à la mise en œuvre de l’initiative, telle que le Comité National de l’ITIE-RDC, l’a conçu dans son plan d’action.

Si donc la mise en œuvre de l’initiative a réussi en RDC puisque de bons rapports sont élaborés et publiés avec le concours de ces acteurs de la société civile et si le pays est conforme à l’ITIE, peut-on dire que la société civile a réussi sa mission de réappropriation des Rapports ITIE et de revendication en ce qui concerne la gestion des revenus publiés dans ces rapports?

Somme toute, au sein du Groupe Multipartite (GMP) de l’ITIE-RDC, chaque partie prenante a un rôle bien précis à jouer dans le respect de la Norme ITIE. Le Gouvernement et les entreprises sont des parties déclarantes des informations chiffrées relatives aux paiements et aux recettes ainsi que des informations contextuelles.

En plus, le Gouvernement, en tant qu’état puissance joue un rôle supplémentaire de garant et de coercition pour la mise en œuvre.

Quant à la société civile, avec son indépendance, sa diversité et son dynamisme, elle est le témoin qui apporte une critique éclairée dans la mise en œuvre du processus ITIE et elle est la sentinelle qui veille à l’exactitude des déclarations. Pour être plus complet, il faut citer les autres partenaires qui appuient de plusieurs manières l’initiative.

Le rôle de la société civile que nous venons de décrire ici semble avoir cloîtré les organisations de société civile qui œuvrent dans le secteur extractif en RDC dans une espèce d’engourdissement.

Comme nous l’avons mentionné ci-haut, si l’on n’y prête pas attention, c’est qu’en effet l’on peut considérer accomplie la mission de la société civile lorsque l’on considère que le processus de mise en œuvre va bien au pays, les rapports sont régulièrement publiés et le pays se maintient dans la conformité.

Non, le rôle d’aider à la parfaite mise en œuvre et à l’élaboration des rapports est certes nécessaire mais, il faut le dire il n’est pas déterminant pour la société civile.

Les organisations de la société civile doivent proposer des alternatives afin d’établir des stratégies pour des débats sur la gouvernance des revenus du secteur extractif.

Dans la perspective de renforcer leurs places au sein de l’arène politique, les organisations de la société civile doivent se démarquer, dès à présent, des sentiers battus dans leur participation au processus de la mise en œuvre de l’ITIE, elles doivent élever le niveau de leurs interventions en utilisant les Rapports ITIE.

Pour ce qui touche le rôle effectif des organisations de la société civile du secteur extractif en RDC, il faut souligner le vrai débat autour des déclarations des revenus de l’Etat et aussi d’autres informations contextuelles.

Les acteurs de la société civile devraient être les principaux interlocuteurs de ce débat, un débat qui mobilise les citoyens de telle sorte que ceux-ci participent effectivement aux activités politiques et sociales se rapportant à la gestion des revenus du secteur extractif.

Nous soutenons que le débat de la société civile que nous imaginons devait contribuer à faire reculer l’arbitraire dans la gestion des revenus du secteur des mines et du pétrole dans le pays. La société civile doit susciter un vrai débat, qui conduit à des actions, un débat qui aide à booster des pressions efficaces en faveur de la bonne gouvernance.

Le débat de notre rêve est le débat qui amènera des administrations publiques des mines et du pétrole à rendre compte de leur gestion et à permettre aux autres institutions républicaines à auditer en toute transparence cette gestion.

Les organisations de la société civile qui œuvrent dans le secteur extractif en RDC sont légion, l’on peut citer la coalition Publiez-Ce-Que-Vous-Payez (PCQVP), la Synergie pour la Gouvernance des Ressources Naturelles (SGRN), l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASDHO), le Cadre de Concertation de la Société Civile sur les Ressources Naturelles en Ituri (Cdc Ituri), la Maison des Mines du Kivu (MMKi), la Plateforme des Organisations de la Société Civile intervenant dans la Secteur Minier (POM), le Centre Carter, la Plateforme des organisations pour la promotion et la défense des Droits Economiques, Sociaux et Culturels en RDC (DSC/RDC), etc.

Comme on peut le constater, non seulement que ces coalitions sont nombreuses, mais aussi elles drainent derrières elles de centaines d’organisations de la société civile très diversifiées et, elles ont toutes établi une corrélation avec l’ITIE-RDC, nous nous en félicitons par ailleurs.

Comme nous l’avons dit dans l’introduction, l’existence d’un si grand nombre d’organisations de la société civile est une expression de la démocratie en RDC. Seulement, voici que l’impact de l’action fondée sur la publication des Rapports ITIE-RDC est très limité voire invisible malgré les multiples interventions de toutes ces organisations dans la mise en œuvre de l’initiative au modus operandi pourtant excellent.

Le débat que nous défendons ici n’est pas celui auquel nous assistons lors des réunions des parties prenantes (PP) pour élaborer les Rapport ITIE. Celui-là est un débat quelque peu de bas niveau qui se prolonge sans fin pour rien et qui tourne souvent au tour des balivernes tels que les mots à placer dans une phrase, la compréhension des acronymes et autres terminologies françaises, à la contestation du contenu du rapport sans en apporter des preuves contraires, etc. Il s’agit là d’un débat passionné comme on l’a souvent vu.

Tenez, un acteur de la société, au cour d’un débat public, fustige quelques entreprises minières sur base de ses présomptions et conclu au rejet total du rapport ITIE sans autre forme de procès ; des exemples semblables fourmillent.

Bien sûr qu’il faut tolérer ce genre de débat puisque le renforcement des capacités de plusieurs acteurs de la société civile n’a pas encore atteint le niveau requis pour leur participation au débat dans des forums du genre PP.

Les appuis des partenaires financiers aux organisations de la société civile

Nous sommes conscients que les OSC, caractérisées par leurs extrêmes diversités, n’ont pas encore adopté les mêmes stratégies aux mêmes moments pour participer au débat sur l’ITIE.

Notre volonté n’est pas de proposer ici une analyse exhaustive de la méthode à suivre pour la participation des OSC au débat sur la transparence et la bonne gouvernance des revenus du secteur extractif en RDC mais plutôt d’en faire apparaître les contours généraux.
A vrai dire, le débat qui fait sujet de notre communication, c’est un débat que devaient établir les organisations de la société civile sur la gestion des revenus du secteur extractif que leur offrent les Rapports ITIE.

Les appuis des partenaires financiers aux organisations de la société civile ne devraient pas se limiter à des rapports sur la relecture des rapports ITIE mais à élargir le débat public sur la gouvernance des revenus du secteur extractif.

Enfin, nous l’avons déjà dit, il ne nous appartient pas de proposer des stratégies pour créer un tel débat, lorsque l’on connaît la qualité très appréciable de certains acteurs de la société civile de la RDC, qui feraient mieux que nous.

Enfin, un proverbe africain dit qu’on ne remplit pas un panier avec des mots.

(*)Coordonnateur National de l’ITIE-RDC