RDC : les 5 points à retenir du gouvernement Matata 2

Mardi 9 décembre 2014 - 15:42

Après plus d'une année d'attente, le gouvernement de "cohésion nationale" a été mis en place dimanche tard dans la nuit. Outre la confiance renouvelée au Premier ministre Matata Ponyo, voici les premiers enseignements à tirer de cette nouvelle équipe gouvernementale.

Joseph Kabila a tranché : ce sera Matata bis. Le Premier ministre congolais, aux affaires depuis mai 2012, a été maintenu, le 7 décembre, à la tête de la nouvelle équipe gouvernementale. Décidé à l'issue des "concertations nationales" de septembre et d'octobre 2013 à Kinshasa, le gouvernement de "cohésion nationale" qu'il va désormais diriger comprend à la fois des membres de la majorité au pouvoir, de l'opposition dite républicaine et de la société civile. Une recomposition de l'échiquier politique de la RDC qui peut se résumer en 5 points.

1. Matata Ponyo a gagné la bataille

Dès la fin des "concertations nationales", beaucoup de candidats au poste de Premier ministre se bousculaient au portillon. Déjà, en interne, au sein même du gouvernement, le nom de Daniel Mukoko Samba, alors vice-Premier ministre en charge du Budget, était souvent cité pour remplacer Matata Ponyo à la primature. Il faut dire que le courant ne passait plus entre les deux hommes, le premier ayant déserté les réunions hebdomadaires de la "troïka stratégique" initiée par le Premier ministre, des rencontres entre le chef du gouvernement et les responsables du Budget et des Finances consacrées au "suivi de la situation économique du pays".

Et à l'extérieur du gouvernement, en embuscade, Léon Kengo wa Dongo attendait lui aussi son heure. "Autorité morale" de l'opposition dite "républicaine" - ce regroupement de partis et des personnalités ayant pris part aux "concertations nationales" -, le président du Sénat se présentait comme l'alternative à Matata Ponyo pour bien asseoir la "cohésion nationale" recherchée. Enfin, dans la famille politique de Joseph Kabila, des caciques de la majorité au pouvoir convoitaient aussi le poste. Au fil des mois, les noms des potentiels Premiers ministres revenaient régulièrement dans la presse kinoise. Mais au final, le chef a renouvelé sa confiance au sortant. Il s'agit donc bien d'une victoire remportée par Matata Ponyo face à ses nombreux rivaux.

2. Adieu le ministère délégué !

"Les députés voyaient toujours d'un mauvais œil le concept de ministre délégué", reconnaît un conseiller de Matata Ponyo. Patrice Kitebi qui en est un dans le précédent gouvernement n'a pas été reconduit. "Il était le souffre-douleur du gouvernement pour les détracteurs de Matata. Ne pouvant pas attaquer directement le Premier ministre, ils s'acharnaient sur son ministre délégué, espérant atteindre ainsi son chef", explique le conseiller.

Dans Matata 2, le cabinet des Finances pour lequel Kitebi exercait une délégation de pouvoir sous le contrôle du Premier ministre lui-même, redevient un ministère à part entière. Et il est confié à un proche du président de la République. Beaucoup à Kinshasa y voient un coup dur pour Matata Ponyo qui avait jusqu'ici la mainmise dans la gestion du secteur économique au sein du gouvernement. D'autant que le ministère du Budget est attribué à Michel Bongongo, un proche de Léon Kengo wa Dondo, président du Sénat, lequel voulait devenir chef du gouvernement... "L'essentiel est que tout monde arrive à épouser la vision du chef de l'État telle qu'elle est mise en exécution par son Premier ministre", tente de minimiser un proche de Matata Ponyo.

3. Le retour en force des chefs des partis

Dans sa première équipe gouvernementale (2012-2014), Matata Ponyo avait préféré travailler avec des "technocrates", laissant sur le banc les chefs des partis de la majorité, à quelques exceptions près. Mais aujourd'hui, les "concertations nationales" ont changé la donne. Dans Matata 2, gouvernement de "cohésion nationale" oblige, les dirigeants des formations politiques, de la majorité comme de l'opposition, font leur rentrée en puissance. C'est le cas notamment d'Évariste Boshab, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, principal parti de la majorité au pouvoir), nommé vice-Premier ministre, ministre de l'Intérieur et Sécurité.

Il en est de même de Thomas Luhaka, secrétaire général et numéro un du Mouvement de libération du Congo (MLC) en l'absence de Jean-Pierre Bemba détenu à La Haye, propulsé vice-Premier ministre en charge des Postes et Télécommunications. Dans le même lot, on peut également citer Willy Makiadi, secrétaire permanent du Parti lumumbiste unifié (Palu), Michel Bongongo, secrétaire exécutif de l'Union des forces du changement (UFC) de Léon Kengo wa Dongo, Olivier Kamitatu, président de l'Alliance pour le renouveau du Congo (ARC), Elvis Mutiri, 2e vice-président de l'Alliance pour le développement et la République (ADR)…

4. La participation aux "concertations nationales" récompensée

Sans surprise, le gouvernement Matata 2 offre une prime aux partis et personnalités politiques qui ont pris part aux "concertations nationales". Outre les formations politiques de la coalition au pouvoir qui obtiennent la majorité des ministères, le MLC s'en sort avec deux portefeuilles importants dont un poste de vice-Premier ministre accordé à son secrétaire général, Thomas Luhuka.

D'autres partis qui s'étaient regroupés autour de Kengo wa Dondo au sein de "l'opposition républicaine" n'ont pas été oubliés. Ils ont hérité entre autres d'un ministère d'État accordé à Michel Bongongo. Voulant ratisser large, un député, membre du groupe parlementaire de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, parti d'Étienne Tshisekedi) et alliés a été également débauché.

5. La majorité s'élargit, l'opposition se fragilise

Pour marquer le coup, la plateforme "opposition républicaine" a été lancée officiellement, ce 9 décembre, à Kinshasa. Elle est placée sous la direction de Léon Kengo wa Dondo, son "autorité morale", et du sénateur Florentin Mokonda Bonza, son "modérateur". "C'est le regroupement politique qui a donné des ministres républicains", s'amuse François Muamba, président de l'ADR, insistant par ailleurs sur le caractère "constructif" de la démarche des partis de cette opposition qui a fait le choix de participer à la gestion du pays avec la majorité.

"Ce n'est pas parce que nous sommes dans une coalition que nous allons être fondus", soutient-il. À l'en croire, il n'y aurait donc pas de fusion entre majorité au pouvoir et "opposition républicaine". Une opinion que ne partagent pas les partis d'opposition dite "radicale" qui n'ont pas pris part aux "concertations nationales". Ces derniers estiment qu'il existe désormais une "majorité élargie à l'opposition républicaine" et une "vraie opposition". Déjà, au MLC, le torchon brûle. Les trois membres de la formation politique de Jean-Pierre Bemba nommés ministres ont été "radiés" par leurs camarables qui leur reprochent d'avoir "violé la ligne politique du parti".
 

 

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