LeMonde.fr/Afrique : L’opposition guette de près le processus électoral en République démocratique du Congo. Parmi ses priorités : que le président Joseph Kabila ne brigue pas un troisième mandat en 2016 – ce que lui interdit la constitution actuelle – et s’assurer que la prochaine présidentielle se déroule bien en 2016.
A priori, l’option de la révision constitutionnelle pour lever l’exception quant au nombre de mandat est tombée à l’eau. En revanche, le scrutin devrait dépendre d’un recensement de la population qui promet d’être long dans l’immense ex-colonie belge, où la moitié orientale souffre de l’activisme de nombreux groupes armés.
Le stratégique remaniement ministériel de Kabila
L’opposition cherche à bloquer le vote de la loi électorale qui, selon elle, fera du recensement un préalable à la présidentielle. Mais elle est mal au point. Etienne Tshisekedi, chef de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le premier parti d’opposition, est actuellement à l’étranger notamment pour des soins. Quant au père du Mouvement de libération de libération du Congo (MLC), Jean-Pierre Bemba, il est détenu à La Haye et jugé à la Cour pénale internationale.
Nouveau coup dur le 8 décembre avec le remaniement ministériel. Des membres de plusieurs partis d’opposition font leur entrée au gouvernement de « cohésion nationale ». Parmi les partis qui ont des ministres, on compte le MLC, deuxième parti d’opposition, l’Union des forces du changement (UFC), du président du Sénat Léon Kengo wa Dondo, et l’UDPS d’Etienne Tshisekedi. Ce dernier n’a toujours pas digéré que Joseph Kabila lui ait volé la présidence en 2011.
Au MLC, les nominations font de sérieux dégâts. C’est ainsi que des hauts cadres intronisés ont été brutalement radiés. Ce qui provoque une crise interne. « L’opposition est totalement désemparée, aux abois, incapable de mobiliser dans la rue », lance avec verve Tryphon Kin Kiey, ministre chargé des relations avec le parlement. Il en veut pour preuve les manifestations de dimanche 11 et lundi 12 janvier, où la police a empêché avec des gaz lacrymogènes tout rassemblement de masse de militants entre autre opposés à une révision de la loi électorale.
Une opposition en panne
La marche de lundi était menée par l’Union pour la nation congolaise (UNC, troisième parti d’opposition) de Vital Kamerhe, ex-président de l’Assemblée nationale et ex-proche collaborateur de Joseph Kabila. « L’UNC, quoi que petit parti, a des atouts (…) qui font trembler la majorité présidentielle, mais l’UNC seule ne vaut rien », confie le député UNC Juvénal Munubo. Et d’ajouter non sans regret que « l’aile dure de l’UDPS ne veut pas de Vital Kamerhe ». Selon un proche du leader de l’UDPS, Etienne Tshisekedi, « il n’y a pas encore une véritable opposition mais des antagonismes de frustration car "l’opposition" ne s’est pas encore établie en tant que contre-pouvoir. Une véritable opposition possède sa parcelle de pouvoir et d’influence dans et sur des secteurs et portions de la société ». Il reconnaît par ailleurs les failles de son propre parti liées aux luttes de pouvoir internes et pointe un « manque de vision sur les enjeux importants ». Et de conclure : « la lisibilité des objectifs réalistes et stratégies de l’UDPS est un exercice très difficile ».
Un diplomate occidental estime lui aussi que l’opposition est en panne. « Elle tente de faire croire qu’elle a du poids mais elle peine à s’unir et ne représente que moins de 30 % des voix à l’Assemblée nationale. En outre, elle n’est pas toujours très cohérente dans ses intentions. Donc nous estimons qu’il n’y a pas vraiment d’opposition », souligne-t-il. Un observateur politique estime pour sa part que « l’opposition n’offre pas à ce jour d’alternative crédible à Kabila » pour 2016. « C’est d’ailleurs bien là sa force. À moins qu’au Katanga (sud-est), un certain Moïse Katumbi (le gouverneur très populaire de cette province) se décide à franchir le pas… »
Malgré tout, certains opposants menacent de reproduire le scénario burkinabè, où la révolte populaire a forcé le président Blaise Compaore, qui voulait modifier la constitution pour briguer un autre mandat, à quitter le 31 octobre le fauteuil présidentiel qu’il occupait depuis 27 ans. Reste à savoir si cette opposition morcelée peut faire bloc et mobiliser comme ce fut le cas au Burkina Faso… Peu de chances, tranche un observateur politique. « En revanche, l’Eglise, la société civile, les leaders charismatiques, le puissant Moïse Katumbi, des ONG, les réseaux sociaux… Eux peuvent mobiliser. Encore faut-il que l’ensemble de ces mouvements se coalisent », souligne ce même observateur. Là encore, les chances sont minces. Alors d’aucuns, dans l’opposition, parient sur d’éventuelles dissensions au sein de la majorité et des services sécuritaires.