RDC: un an après la défaite du M23, le terreau de sa révolte reste fertile

Mardi 4 novembre 2014 - 11:39

Un an après la défaite de la rébellion Mouvement du 23 mars (M23) dans l'est de la République démocratique du Congo, la non satisfaction de ses grandes revendications fournit un terreau fertile pour la naissance d'un nouveau groupe armé, estiment des analystes.

"Le M23 n'a pas été démobilisé mais il a été repoussé. Par conséquent, il reste une force qui peut faire son retour avec l'assentiment des voisins ougandais et rwandais quand bon leur semblera", avertit Thierry Vircoulon, du cercle de réflexion l'International Crisis Group (ICG).

"L'échec éventuel du désarmement des FDLR (rebelles hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda, dont des membres ont participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994) pourrait être un argument de plus" pour une guerre, ajoute un analyste politique congolais, sous couvert d'anonymat.

Le M23 est né en mai 2012 dans la province du Nord-Kivu (Est) sur les cendres de rébellions essentiellement tutsi-congolaises qui se sont succédées depuis la deuxième guerre du Congo (1998-2003), et dont les éléments ont par la suite été intégrés dans l'armée.

Selon l'ONU, le M23 était soutenu par le Rwanda et l'Ouganda, qui s'en défendent. Le 5 novembre 2013, le groupe rebelle a été vaincu par l'armée et la Mission de l'ONU (Monusco), marquant une victoire historique pour une armée congolaise d'habitude réputée pour son indiscipline.

Des déclarations de paix ont été signées en décembre 2013 à Nairobi: Kinshasa a promis de résoudre des problèmes posés par le M23 et de voter une loi d'amnistie excluant les crimes de guerre et crimes contre l'humanité, qui concerne jusqu'à présent quelques centaines d'ex-rebelles M23.

 

La lutte contre les FDLR et le retour des réfugiés tutsi-congolais - ayant fui l'hostilité de la population locale qui, malgré leur présence dans la région depuis des générations, les considèrent souvent comme des Rwandais ou les accusent d'être à la solde du régime de Paul Kagame- comptent parmi les principales revendications du M23.

Mais alors que les FDLR ont un nouveau sursis - jusqu'au 31 décembre - pour se rendre, le retour de réfugiés piétine dans cette région densément peuplée et riche en minerais convoités, où la faiblesse de l'Etat favorise un cycle de conflits économiques inter-communautés souvent vieux de plusieurs générations.

Les raisons ayant "officiellement" motivé la création du M23 - "les FDLR, le retour des réfugiés Tutsi congolais, la mauvaise gouvernance, le non respect des accords par le gouvernement" - "sont intactes à ce jour", pouvant motiver une réorganisation, observe l'analyste congolais.

Lors de la chute du M23, 1.300 rebelles ont fui en Ouganda et quelques centaines au Rwanda. Kigali et Kampala disent avoir désarmé et cantonné les rebelles. Et en tant que signataires de l'Accord d'Addis Abeba de février 2013, ils ne doivent pas soutenir de groupe armé dans l'est congolais.

Cependant, la société civile affirme qu'une "réorganisation des éléments ex-M23, en perspective de prochains assauts", est en cours. Pas de preuves concrètes, répond la Monusco, forte de 20.000 hommes surtout déployés dans l'Est, où des groupes armés sévissent pour des raisons ethniques, économiques et foncières depuis parfois 20 ans.

"A long-terme", une réorganisation est possible "en cas d'échec de ré-intégration sociale, économique et politique", commente pour sa part l'analyste Christoph Vogel. Afin de prévenir tout risque, le député Juvénal Munubo Mubi, membre de la Commission défense et sécurité à l'Assemblée nationale, préconise entre autres d'"accélérer le DDRRR (désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation), renforcer la présence de l'armée à l'Est".

 

Pour Bertrand Bisimwa, président politique du M23, en exil en Ouganda, la réorganisation du M23 est un faux débat: "Il faut s'inquiéter du refus du gouvernement de respecter ses engagements" et se demander pourquoi il "veut toujours garder une porte ouverte à ses citoyens pour une réclamation forcée".

François Muamba, coordonateur du Mécanisme national de suivi (MNS) des Accords d'Addis-Abeba, une structure officielle congolaise, refuse de "polémiquer" sur ces allégations. "Nous savons très bien qu'il y a un agenda, qui n'est pas un agenda de la paix", a-t-il souligné, sans plus de précision.

Il accuse par ailleurs le M23 d'avoir esquivé plusieurs réunions d'évaluation, mais espère sa présence les 7 et 8 novembre à Kinshasa, où le MNS et le M23 doivent faire le point en présence d'envoyés spéciaux internationaux - dont Saïd Djinnit, représentant spécial de l'ONU pour la région des Grands Lacs.

 

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