Les besoins en ciment de la RDC, engagée dans un vaste projet de reconstruction de ses infrastructures, sont évalués à 10 millions de tonnes par an. Ces chiffres ont été fournis à l’issue d’une étude réalisée en 2010 par Euro Consultants, à la demande du Comité de pilotage des réformes des entreprises publiques (COPIREP).
Cependant, certains analystes affirment que ces chiffres n’ont pas pris en compte les besoins qui pourront être exprimés par de grands chantiers en vue. Entre autres, les travaux de démarrage de la construction de Inga III prévu en 2017.
Dans sa livraison online du 5 août, l’hebdomadaire Business et Finances a fait des projections en ce sens. « A court et moyen termes, la demande dans la partie ouest du pays (Kinshasa, Bas-Congo, Bandundu, Équateur)’ aussi bien des particuliers que de 1‘Etat, sera d ‘environ 3 millions de tonnes par an. Or l’offre actuelle n‘atteint que péniblement 600 mille tonnes par an. Le déficit de 2,4 millions de tonnes n‘est pas sans conséquences sur l‘économie nationale. Les conséquences sont multiples, notamment la hausse du prix de ciment qui est déjà élevé (de 15 à 50 dollars américains selon les villes du pays) ; le ralentissement de la réalisation des projets, la difficulté de promouvoir l’industrialisation locale des produits dérivés (buses, fer à béton...) et l‘importation à prix élevés de ciment de moindre qualité », écrit le journal.
Conscient de toutes ces conséquences, le gouvernement a opté pour une stratégie basée sur l’appui au secteur privé, le recours à l’importation, la coopération bilatérale ainsi que la relance des cimenteries publiques. La politique du gouvernement en matière de ciment gris est ainsi constituée à la fois des mesures conjoncturelles et structurelles. De manière structurelle, renseigne Business et Finances, le gouvernement s’appuie sur l’initiative privée en s’ouvrant à un investissement direct étranger (IDE) de 550 millions de dollars américains. C’est ainsi que trois grands cimentiers mondiaux sont entrés en jeu. Notamment le suisse Heidelberg, le pakistanais Lucky Cement Ltd et le sud-africain PPC. A ces trois s’ajoute le marocain Cimaf. Certains estiment que l’entrée en jeu de ces quatre multinationales pourra changer la donne en permettant ainsi à la RDC de résorber son déficit de ciment devenu chronique. Au niveau du gouvernement, l’on espère quintupler la production nationale de ciment d’ici 2017, en la faisant passer de 600 mille tonnes à 4 millions de tonnes l’an. Ainsi, deux nouvelles cimenteries en l’occurrence PPC Barnet et CIMKO ,(Cimenterie Kongo), filiale de Nyumba ya Akiba (une joint-venture entre le groupe Rawji et Lucky Ciment), toutes deux implantées dans le territoire de Songololo (Kongo Central), débutent leurs productions fin 2016. Les deux cimenteries produiront, à terme, 2,2 millions de tonnes de ciment par an. PPC Barnet disposera d’une capacité d’un million de tonnes par an. Quant à CIMKO, elle produira 1,2 million de tonnes par an. Le géant suisse heidelberg, lui, a pris le contrôle de la Cimenterie de Lukala au détriment du belge Forrest Group.
APPUI EFFECTIF
Avec la modernisation de ses installations, la Cimenterie de Lukala (Cilu), premier producteur national de ciment, verra sa production passer de 400 000 à 700 000 tonnes par an. Pour’ sa part, le marocain Cimaf installé à Kasangulu, dans le Kongo Central, et qui rencontre quelques ennuis fonciers pour l’instant, envisage’ de produire un million de tonnes par an.
Le gouvernement veut aussi s’appuyer sur le Fonds de promotion de l’industrie (FPI) pour juguler la pénurie de ciment. Aux dernières nouvelles, le FPI « n’intervient que dans des proportions modestes ». A ce jour, le FPI aurait déjà appuyé la construction d’une nouvelle cimenterie dénommée Maison Victoire à Goma (Nord-Kivu). La cimenterie a une capacité installée de 165 000 tonnes par an. L’Etat s’est aussi engagé à relancer les entreprises publiques dans ce secteur clé, notamment la Cimenterie nationale qui est à l’arrêt depuis 2008. Les appels d’offres ont été lancés dans le but de trouver un acteur de référence capable d’amener des capitaux frais, moyennant la cession de quelques parts de l’Etat (actionnaire ultra majoritaire).
La RDC se tourne aussi vers la coopération internationale pour accroître l’offre nationale. C’est ainsi que le projet de la Cimenterie de la Province Orientale (CIPOR) a vu le jour en 2006. Financé par la coopération indienne, ce projet bat de l’aile parce que mal ficelé au départ absence d’études de faisabilité manque d’énergie et de voies d’accès ; disparition d’une partie du matériel de l’usine et faiblesse dans le montage financier... Il a été finalement, recadré à la suite d’une mission d’évaluation diligentée par le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Le projet a été rebaptisé CIMAIKO (Cimenterie de Maïko). Les appels d’offres ont été lancés par l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) pour la construction d’un hangar moderne qui servira d’entrepôt pour les machines de l’usine.
Le gouvernement bénéficie aussi d’un don du gouvernement japonais de l’ordre de 130 00 tonnes de ciment. Une réponse conjoncturelle.
Parmi les autres mesures conjoncturelles, l’on cite la libération de l’importation de ciment pour faire face à la demande de plus en plus croissante. Décidée en 2007, cette mesure qui a fini par mettre n péril l’industrie locale ne souffrait d’aucune restriction. Au contraire, les importateurs étaient même exonérés. Ce qui a poussé, au mois d’août, le ministre de l’Economie nationale, Modeste Bahati Lukwebo, à prendre un arrêté qui conditionne désormais l’importation du ciment à la signature d’un contrat-programme entre l’opérateur économique et le gouvernement. I u lutte contre la fraude en est la motivation principale.
L’importation a permis de mettre temporairement fin à la pénurie et de stabiliser le prix qui demeure constant autour de 15 dollars américains le sac de 50 kg depuis plus de cinq ans à Kinshasa.
D’autres analystes affirment qu’avec l’entrée en activité de deux nouvelles cimenteries l’année prochaine, la production nationale pourra aider sensiblement à faire baisser les prix.
Mais, soulignent-ils, les efforts du gouvernement dans ce domaine doivent être poursuivis, car le ratio population (70 millions) et production nationale de ciment (4 millions) donne une consommation de 17,5 kg par an par Congolais. Ce qui, selon eux, est loin de la moyenne africaine qui est de 100 kg par habitant par an, tandis qu’en Europe la moyenne est de 600 kg par habitant par an.
Par Olivier KAFORO