Procès des assassins du colonel Mamadou Ndala : renseignants militaires et civils se contredisent à Beni

Mercredi 8 octobre 2014 - 08:59

La version des renseignants civils sur la mort du colonel Mamadou Ndala dans une embuscade le 02 janvier 2014 à Ngadi (à près de 10 km de Beni) et celle des renseignants militaires ne concordent pas devant la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, siégeant en chambre foraine la tribune du 8 Mars, à Beni. 

Les civils, qui travaillaient dans leurs champs tout autour du lieu de l’embuscade, affirment avoir « vu des hommes armés en tenue militaire quitter la grande route de l’aéroport de Mavivi et se diriger vers le parc.

« Le véhicule, qui transportait le colonel Mamadou Ndala, n’a pas pris feu sur les lieux de l’embuscade. La Jeep a roulé ensuite sur au moins un kilomètre », ont soutenu à l’unisson tous les militaires appelés à « éclairer la lanterne de la cour sur le lieu de l’embuscade et l’origine du feu qui a brûlé le véhicule qui transportait le colonel Mamadou Ndala ».

La lumière attendue des témoignages à venir

Quelle arme a réellement tiré sur le colonel Mamadou? Pourquoi les deux autres Jeep, qui roulaient derrière lui, n’avaient pas été inquiétées? Qui est arrivé le premier près de la Jeep du colonel avant qu’elle ne prenne feu?

Qui avait mis le feu à Jeep de Mamadou Ndala? Pourquoi le colonel n’avait-il pas été tiré de sa Jeep pendant qu’il agonisait? Comment le chauffeur a pu se sauver et laisser Mamadou et son garde de corps, la seule femme Mado?

Ce sont les questions auxquelles l’instruction doit trouver des réponses avec les auditions du capitaine Moussa Banza qui était dans la suite.

« Il a expliqué en détails tout ce qu’il a vu, les hommes qui étaient sur les lieux quand il amenait les blessés aux soins. Il a affirmé qu’il avait vu le chef de secteur venir sur les lieux », rapporte Ikazeiwacu.fr.

Pour que « le mystère ne reste pas entier sur l’origine du feu qui a calciné la Jeep du colonel Mamadou », la lumière est attendue des autres témoignages à venir, notamment celui du commandant des opérations Sukola à Beni, le général Muhindo appelé à comparaître mardi 7 octobre à titre de renseignant.

Devant les juges et les avocats, le capitaine Ndaka (de la 31è Brigade basée à l’aéroport de Mavivi à Beni) a déclaré lundi 6 octobre devant les juges et les avocats être « arrivé sur le lieu de l’embuscade quelques heures après l’attentat ».
Il a dit être descendu sur le lieu de l’attentat après avoir été informé par le sergent Mangudi, chauffeur de la jeep (décédé jeudi 2 octobre, un jour après sa comparution), et y avoir « trouvé, quelques heures après l’embuscade, la Jeep de Mamadou Ndala en fumée sans savoir l’origine de ce feu ».

Une cinquantaine de témoins et renseignants devront se succéder à la barre soit pour confirmer les charges soit les infirmer. Les prévenus sont au nombre d’une vingtaine, dont les uns sont en fuite jusqu’aujourd’hui

« Le ministère public a estimé au lendemain de l’ouverture du procès qu’il avait des indices probables de complicité de la garde du colonel Mamadou Ndala dans son assassinat. Une conviction que le Ministère public fonde sur les dépositions faites par les prévenus adjudant Safari Banza Mwabo et le capitaine Moussa Banza », rapporte Radio Okapi.

Des dossiers « assez volumineux »

Dans le procès des présumés assassins du colonel  Mamadou Ndala, ouvert le mercredi  le 01 septembre 2014 à 9 heures dans la ville de Beni, les avocats de la défense ont travaillé dans la salle d’audience de l’Auditorat militaire de Beni « afin de bien s’enquérir des dossiers des accusés en prison depuis neuf mois ».

Assis sur le banc des prévenus militaires, ce sont presque tous anciens proches collaborateurs du colonel Mamadou Ndala, avec un civil qui est, selon sa déposition, de l’ADF/Nalu, et une femme, Major Masika Mupira Viviane qui avait été « vue très agitée le jour de l’assassinat ».

« Le colonel Tito Bizuru, ancien commandant ville de Beni, avait déjà consulté des avocats dont l’un est du barreau de Kananga (Kasaï Occidental), qui va aussi assister un major prénommé Amani. Le capitaine Banza, assistant du colonel Mamadou Ndala, avait lui aussi consulté Me Bernard Mulumba pour être son avocat. Me Bernard Mulumba a compulsé le dossier de l’assistant Banza toute la journée et se dit prêt psychologiquement pour affronter le dit procès », rapporte Ikazeiwacu.fr.

Ce média ajoute que « Me Charles Muletso va plaider +Pro Deo+ pour un certain Hassan Mbale Joshua qui s’est déclaré ADF/NALU et avait été arrêté dans ce dossier ; (il) demande à la Cour militaire de ne pas aller vite en besogne mais de conduire ce procès dans la vérité afin de savoir qui avait réellement tué le célèbre colonel ».

Sans un « long réquisitoire des accusations contre les prévenus », le greffier de la Cour a identifié les griefs de complicité « pour commettre une infraction, donner des instructions pour la commettre, procurer les armes, des instruments et tout autre moyen qui a servi à l’infraction sachant qu’on devrait s’en servir ».

Parmi les principaux accusés, le greffier a cité notamment « le colonel Ildéphonse Ngabo, chargé de la sécurité militaire, qui a effacé les preuves de l’assassinat, le Lieutenant colonel Bizuru Ngabo Tito, ancien commandant, ville de Beni, qui avait donné les instructions à son garde corps pour surveiller le secteur des opérations des terroristes ADF/NALU, en vue de faciliter leur retraite ».

« Les autres sont accusés soit d’avoir donné les informations sur les mouvements de Mamadou Ndala pour mieux planifier l’attentat, soit ils se sont abstenus volontairement de porter secours au colonel Mamadou Ndala avec ses gardes de corps, Koko Madimba Tshilumba et  Mado Badinza en péril », précise Ikazeiwacu.fr.

Un agent de la MONUSCO sera entendu par la Cour

« M. Moussa Demba Dialo, ancien chargé de communication et porte-parole de la Monusco à Beni, serait resté 45 minutes avec le chauffeur de Mamadou Ndala à Ngadi ou l’assassinat était passé. Il devra éclairer la Cour sur ce qui s’est passé pendant qu’il était sur les lieux », selon Ikazeiwacu.fr.

Le média précise qu’« il a été cité par le chauffeur du défunt colonel (car) les questions de savoir qui avait prit la cordelette, le revolver, la Motorola, les téléphones Iphone du colonel Mamadou et de ses gardes et pour quelles finalités ont encore des zones d’ombre ».

« Le téléphone devra révéler les dernières conversations des victimes pour donner d’autres pistes. Le chauffeur accusé de non assistance en personne en danger et d’avoir mis le feu sur la Jeep de son chef a dit avoir passé tout ce moment avec cet agent de la Monusco », indique Ikazeiwacu.fr qui rapporte les charges retenues contre dix prévenus.

Les charges retenues contre dix prévenus

1.Le lieutenant colonel Ngabo Ildéphonse est accusé d’avoir perdu les traces de l’assassinat. Il était le T2 chargé des renseignements militaires à Beni.

2.Le lieutenant colonel Tito Bizuru, ancien commandant ville de Beni, est accusé d’avoir donné des ordres à ses militaires d’aller protéger le lieu du crime afin de permettre aux assaillants de s’évanouir dans la nature.

3.Le capitaine Amani Tumaini est accusé d’avoir fourni des renseignements sur Mamadou aux ADF/Nalu.

4.La major Vivianne Masika Mupira, la seule femme du dossier, est accusée d’avoir donné aux ADF/Nalu tous les mouvements du colonel Mamadou Ndala entre novembre 2013 et janvier 2014.

5.Le lieutenant Patrick Gatoni Mukiza est accusé d’avoir aidé les auteurs du meurtre à s’éclipser.

6.Le commandant Jacques Muzeimana Sebahire est accusé d’avoir aidé les assaillants à s’évader.

7.Le sergent major Benjamin Mugabo est accusé d’avoir aidé les meurtriers à s’évader, sur ordre de son chef Tito Bizuru.
8.Le Capitaine Moussa Banza, est accusé du refus d’apporter assistance au colonel Mamadou Ndala.

9.Le sergent major Ndabo Arsene est accusé d’avoir volé les effets du colonel Mamadou Ndala et d’avoir mis le feu à la Jeep.

10.Le sergent major Ndabu Ndongala, chauffeur du colonel Mamadou Ndala qui a « piqué une crise dans la nuit de mercredi et est décédé le matin de jeudi le 02-09-2014, vers 10 heures dans un hôpital de Beni », a annoncé la Cour en faisant son entrée à 10 heures à la tribune du 8 Mars.

Il était accusé d’avoir mis le feu sur la Jeep du colonel Mamadou Ndala, subtilisé des objets militaires des gardes de corps tués avec Mamadou Ndala et de non assistance à personne en danger « car il n’avait pas eu le réflexe de sortir son chef de la Jeep qui brûlait ».

« Il s’est défendu en disant que c’était trop pour lui car il était bouleversé par cette attaque et qu’il était parti chercher du renfort. Mangudi, comme le surnommait l’entourage du colonel Mamadou Ndala, a révélé avoir rencontré à son retour sur le lieu certains officiers congolais (…) quand il revenait dans une voiture de la Monusco », rapporte encore Ikazeiwacu.fr.

 

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