A l’issue de la Table Ronde du Pool Malebo, organisée durant trois jours (du 8 au 10 juillet 2015) à l’hôtel Venus à Kinshasa/Gombe, les résolutions adoptées par les participants ont suscité beaucoup d’espoirs dans la bataille pour la sécurisation foncière des périmètres agricoles du Pool Malebo. Zone marécageuse, dotée d’importantes potentialités agricoles et hydrauliques, le Pool Malebo s’étend du quartier Kingabwa (dans la commune de Limete) à la commune de la N’sele. L’ensemble de ses périmètres couvre plus ou moins 8.000 hectares dont 6.000 propices à l’agriculture urbaine et péri-urbaine. Actuellement, convient-il de souligner, les cultures maraîchères et vivrières y sont pratiquées. Ce qui permet d’approvisionner Kinshasa en denrées alimentaires et de constituer une source de revenus importante pour de nombreuses familles de Kinshasa.
Cependant, aujourd’hui, les petits exploitants agricoles œuvrant dans le Pool Malebo sont confrontés à de nombreux problèmes tels que l’insécurité foncière et la spoliation des sites, occasionnant la faible attractivité des potentiels investisseurs intéressés par la modernisation de l’agriculture, le manque d’organisation des producteurs et acteurs de la filière.
Le forum organisé à l’initiative de l’Exécutif provincial de Kinshasa à travers le ministère provincial de l’Agriculture et Développement rural, en partenariat avec le Projet d’Appui à la Réhabilitation et la Relance du secteur Agricole (PARRSA), s’est assigné pour objectif de remédier à ce « fléau », en établissant, entre autres, la cartographie des différentes interventions des partenaires du Pool Malebo ; en mettant en place le cadre institutionnel de concertation des intervenants du Pool Malebo et le plan d’aménagements hydro-agricoles et de gestion environnementale et sociale. Outre ces objectifs, ce fut une occasion pour les participants de sensibiliser les différents bailleurs de fonds et des initiatives privées à appuyer et professionnaliser les organisations des petits exploitants du Pool Malebo. Y ont pris part, les représentants du gouvernement de la République et du gouvernement provincial ; les partenaires au développement et les bailleurs des fonds ainsi que les paysans.
Diagnostic
La spoliation et le lotissement des espaces verts à Kinshasa est un problème majeur auquel les ministères national et provincial des Affaires foncières et de la Justice se trouvent souvent confrontés. Les agriculteurs, parmi lesquels des maraîchers, font malheureusement souvent les frais des hors-la-loi agissant parfois avec la complicité de certains bourgmestres, chefs coutumiers et même chefs de quartiers, auprès de qui des espaces à exploiter sont acquis. Les activités agricoles par lesquelles ce principe devrait se concrétiser se trouvent malheureusement entravées par divers lotissements et spoliations des espaces.
Nonobstant l’existence des décisions provinciales visant la démolition et l’exploitation des sites anarchiquement acquis, les spoliateurs et lotisseurs anarchiques, ne désarment pas, car aidés par l’immixtion des autorités policières, militaires et politico-administratives dans leur sale besogne. Quelques fois, les paysans eux-mêmes, exploitants des portions de terre, revendent ces biens de l’État à des tiers favorisant ainsi l’anarchie.
Alors que la loi dite foncière est lacunaire et n’est pas vulgarisée, l’inconscience professionnelle de quelques agents du cadastre et l’absence d’un texte juridique définissant la nature du Pool Malebo favorisent ce pillage silencieux au fil du temps.
Enfin, l’absence d’un plan d’aménagement particulier pour ce site et d’une réglementation qui définit le pouvoir de l’Autorité coutumière sur les terres communautaires, crée une interférence institutionnelle entre celle-ci et certains ministères.
Bref, c’est le non-respect de la loi qui est à la base des spoliations.
Remettre de l’ordre
Pour remettre de l’ordre dans ce secteur, Kinshasa étant à 85% une ville rurale, la nécessité d’établir une cartographie agricole du Pool Malebo s’impose. Mais, avant tout, il faut entreprendre la reconquête des sites spoliés, voire les sécuriser, en imposant aux autorités policières, militaires et politico-administratives le respect des textes légaux et les informer sur les limites de leurs compétences.
Ensuite, que les exploitants soient sensibilisés sur leurs droits de jouissance et non de propriétaires, là, on se réfère à la loi foncière qui stipule que le sol et sous-sol appartiennent à l’État.
Quant au Gouvernement, il doit appuyer la commission de réforme de la loi foncière en la dotant des moyens financiers nécessaires pouvant lui permettre d’accélérer le processus. Que la loi foncière après révision, soit vulgarisée et transcrite dans toutes les langues nationales.
Au sujet des agents du cadastre véreux, il est vivement recommandé la rigueur dans les sanctions disciplinaires et éventuellement des poursuites en justice.
L’Arrêté portant sécurisation des sites existant déjà, il est vivement recommandé qu’il soit simplement mis en application, ainsi que la loi portant principes généraux relatifs à l’agriculture dans la ville de Kinshasa.
Afin de mettre fin à l’impunité, que l’Exécutif provincial ne se limite pas seulement à détruire les constructions anarchiques, mais également poursuivre en justice les faussaires.
Dans un autre registre, pour promouvoir une agriculture d’excellence dans le Pool Malebo, il y a nécessité de mettre sur pied un cadre institutionnel permettant d’harmoniser et de coordonner les interventions des bailleurs et partenaires.
Cela est d’autant important que sur terrain, il y a inadéquation entre les données de la superficie exploitable et l’identification des structures ou organisations paysannes œuvrant dans les différents sites.
Tshieke Bukasa