C’est la saga de l’été en Rd-Congo. Le jeudi 2 octobre 2014, l’Assemblée nationale examine le projet de loi portant reddition des comptes du budget de l’Etat pour l’année 2014. Sur les bancs de l’opposition, on découvre vite un pot aux roses : 207 millions de francs congolais sur les 500 millions prévus pour le fonctionnement de l’opposition ont été dépensés. Gros problème : ces fonds ne peuvent être activés que par le porte-parole de l’opposition, poste qui n’a jamais été pourvu à ce jour, les speakers de deux chambres rechignant à convoquer la plénière de l’opposition censée, justement, procéder à la désignation du chef officiel de l’opposition qui devra avoir le niveau protocolaire d’un vice-Premier ministre.
Très vite, c’est la montée des eaux d’un Tsunami médiatique et politique qui risquent ébranlent l’exécutif. Ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Finances, Patrice Kitebiest sommé de se justifier. Dans l’hémicycle, les députés Jean-Claude Vuemba Luzamba du groupe UDPS et Alliés, Bamporiki de l’UNC et Jean Lucien Busa sont à la canonnade. Kitebi demande un délai de 48 heures pour se justifier. Le jour convenu, il évoque des «erreurs d’imputation». Ce qui provoque un tollé au sein de l’opposition qui ne décolère pas, mais aussi parmi ceux qui, au sein même de la majorité, rêvent secrètement, d’en découdre avec le gouvernement Matata.
Motion recevable
Décidé à faire toute la lumière sur cette affaire, Samy Badibanga dépose le 13 octobre 2014 une motion de défiance contre le ministre délégué aux Finances. La motion a recueilli 58 signatures, c’est-à-dire bien plus que les 50 exigées par la Constitution.
Le 15 octobre, président du bureau de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku écrit au président du groupe parlementaire UDPS et Alliés pour accuser réception de sa motion.
A la plénière du même jour, M. Minaku déclare que la motion a été déposée régulièrement et la déclare recevable. Toujours le même jour, il écrit au Premier ministre pour convoquer le ministre délégué à la séance du 17 octobre 2014, et réserve copie à Samy Badibanga.
Cependant, alors que de nombreux témoignages attestaient de la présence du concerné dans la ville, le Premier ministre écrit au bureau de l’Assemblée nationale pour dire que son ministre était en mission à l’extérieur du pays, mais sans réserver copie à l’auteur de la motion. Depuis lors, c’est le suspense, l’opinion reste accrochée à la suite des événements. Certains affirment que Kitebi était revenu au pays avant de repartir. Le suspense dure …
Jusqu’au 29 octobre 2014 où intervient un coup de théâtre. Aubin Minaku informe la conférence des présidents que la motion déposée par Samy Badibanga n’était plus en l’état d’être traitée. Et pour cause : certains députés signataires, au nombre de dix, auraient retiré leurs signatures. Et nous voilà dans le triste du remake d’une motion précédente lors de la motion déposée par le député Baudouin Mayo Mambeke bi-Kang (UNC), lorsqu’on avait vu des députés, normalement constitués et supposés sains d’esprit, affirmer qu’ils avaient retiré leurs signatures parce qu’ils avaient signé sans avoir lu la moindre phrase du document qu’ils avaient entre les mains ! Il s’était alors posé la question de savoir si une signature déjà apposée sur une motion peut-être retirée après la réception de celle-ci. Devant le silence des textes rd-congolais, Minaku avait répondu par l’affirmative et conduit assez autoritairement la plénière sur le sentier de la non-recevabilité de la motion Mayo.
Motion contre Minaku
Sous d’autres cieux bien plus démocratiques, et qui devraient en l’espèce servir de jurisprudence internationale, ceci ferait tomber de nue.
A titre d’exemple, la Constitution française stipule, en son article 49 alinéa 2 : «Dès réception de la motion, aucune signature ne peut être ajoutée ni retirée. La liste des signataires est publiée au Journal officiel dans le compte-rendu intégral des débats». Ceci, Samy Badibanga le sait très bien, et va prendre le président de la chambre basse à son propre jeu : le droit de retirer implique – forcément ! – celui d’ajouter. «Si donc le bureau prend le loisir d’accepter le retrait des signatures après le dépôt de la motion, eu égard au traitement égalitaire, il doit de même accepter le rajout des signatures», fait-il valoir. L’argument est imparable, et il est acté sur place. Depuis lors, c’est le rush : de nombreux députés se précipitent pour ajouter leurs signatures. Le même jour, ce sont 13 députés qui se sont ainsi ajoutés sur la liste.
La motion Badibanga fait peur à plus d’un titre. D’abord, elle risque de rallier tous ceux qui, dans la MP, veulent faire tomber le gouvernement, ce qui serait une grande victoire pour l’opposition. Pour conjurer le risque, ils sont nombreux qui exigent carrément de précipiter la formation du nouveau gouvernement d’où serait évincé Patrice Kitebi, pourtant une des pièces-maîtresses de l’exécutif. Ainsi donc, mort le serpent, mort le venin : plus personne ne viendrait se justifier sur la question des 207 millions. Même si ce scénario est peu probable, il reste que l’autre risque pour le gouvernement est d’avoir, en direct sur la RTNC, devant la nation rassemblée, à choisir entre reconnaître qu’il y a eu malversations financières (ce qui est très peu probable), soit avouer qu’il y a eu ces grosses erreurs d’imputations budgétaires (ce qui ferait passer ses membres pour des amateurs sans expertise, en ce moment où l’exécutif tient à rentrer en programme avec les institutions financières internationales pour obtenir des appuis budgétaires).
Il n’empêche : poussée à bout de souffle, les députés de l’opposition ont initié une motion contre le président du bureau de l’Assemblée nationale. Les raisons invoquées sont, notamment, tergiversations et obstruction de l’action des parlementaires pour réaliser le contrôle de la gestion gouvernementale.
mozer marone