Minaku, Une motion pour obstruction dans la motion contre Kitebi

Vendredi 31 octobre 2014 - 09:19

C’est la saga de l’été en Rd-Congo. Le jeudi 2 oc­tobre 2014, l’Assemblée nationale examine le projet de loi portant reddition des comptes du budget de l’Etat pour l’année 2014. Sur les bancs de l’opposition, on découvre vite un pot aux roses : 207 millions de francs congolais sur les 500 millions pré­vus pour le fonction­nement de l’opposition ont été dépensés. Gros problème : ces fonds ne peuvent être activés que par le porte-parole de l’opposition, poste qui n’a jamais été pourvu à ce jour, les speakers de deux chambres re­chignant à convoquer la plénière de l’opposition censée, justement, procéder à la désigna­tion du chef officiel de l’opposition qui devra avoir le niveau protoco­laire d’un vice-Premier ministre.

 

Très vite, c’est la montée des eaux d’un Tsunami mé­diatique et politique qui ris­quent ébranlent l’exécutif. Ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Finances, Patrice Kitebiest sommé de se justifier. Dans l’hémicycle, les députés Jean-Claude Vuemba Lu­zamba du groupe UDPS et Alliés, Bamporiki de l’UNC et Jean Lucien Busa sont à la canonnade. Kitebi de­mande un délai de 48 heu­res pour se justifier. Le jour convenu, il évoque des «er­reurs d’imputation». Ce qui provoque un tollé au sein de l’opposition qui ne décolère pas, mais aussi parmi ceux qui, au sein même de la ma­jorité, rêvent secrètement, d’en découdre avec le gou­vernement Matata.

 

Motion recevable

Décidé à faire toute la lu­mière sur cette affaire, Samy Badibanga dépose le 13 octobre 2014 une motion de défiance contre le min­istre délégué aux Finances. La motion a recueilli 58 sig­natures, c’est-à-dire bien plus que les 50 exigées par la Constitution.

Le 15 octobre, président du bureau de l’Assemblée na­tionale, Aubin Minaku écrit au président du groupe par­lementaire UDPS et Alliés pour accuser réception de sa motion.

A la plénière du même jour, M. Minaku déclare que la motion a été déposée régu­lièrement et la déclare re­cevable. Toujours le même jour, il écrit au Premier min­istre pour convoquer le min­istre délégué à la séance du 17 octobre 2014, et réserve copie à Samy Badibanga.

 

Cependant, alors que de nombreux témoignages at­testaient de la présence du concerné dans la ville, le Pre­mier ministre écrit au bureau de l’Assemblée nationale pour dire que son ministre était en mission à l’extérieur du pays, mais sans réserver copie à l’auteur de la mo­tion. Depuis lors, c’est le suspense, l’opinion reste ac­crochée à la suite des évé­nements. Certains affirment que Kitebi était revenu au pays avant de repartir. Le suspense dure …

 

Jusqu’au 29 octobre 2014 où intervient un coup de théâtre. Aubin Minaku in­forme la conférence des présidents que la motion dé­posée par Samy Badibanga n’était plus en l’état d’être traitée. Et pour cause : cer­tains députés signataires, au nombre de dix, auraient retiré leurs signatures. Et nous voilà dans le triste du remake d’une motion précédente lors de la mo­tion déposée par le député Baudouin Mayo Mambeke bi-Kang (UNC), lorsqu’on avait vu des députés, nor­malement constitués et supposés sains d’esprit, af­firmer qu’ils avaient retiré leurs signatures parce qu’ils avaient signé sans avoir lu la moindre phrase du docu­ment qu’ils avaient entre les mains ! Il s’était alors posé la question de savoir si une signature déjà apposée sur une motion peut-être retirée après la réception de celle-ci. Devant le silence des textes rd-congolais, Minaku avait répondu par l’affirmative et conduit assez autoritaire­ment la plénière sur le sen­tier de la non-recevabilité de la motion Mayo.

 

Motion contre Minaku

Sous d’autres cieux bien plus démocratiques, et qui devraient en l’espèce servir de jurisprudence interna­tionale, ceci ferait tomber de nue.

A titre d’exemple, la Con­stitution française stipule, en son article 49 alinéa 2 : «Dès réception de la mo­tion, aucune signature ne peut être ajoutée ni reti­rée. La liste des signataires est publiée au Journal of­ficiel dans le compte-rendu intégral des débats». Ceci, Samy Badibanga le sait très bien, et va prendre le prési­dent de la chambre basse à son propre jeu : le droit de retirer implique – forcé­ment ! – celui d’ajouter. «Si donc le bureau prend le loi­sir d’accepter le retrait des signatures après le dépôt de la motion, eu égard au traitement égalitaire, il doit de même accepter le rajout des signatures», fait-il valoir. L’argument est imparable, et il est acté sur place. Depuis lors, c’est le rush : de nom­breux députés se précipitent pour ajouter leurs signa­tures. Le même jour, ce sont 13 députés qui se sont ainsi ajoutés sur la liste.

 

La motion Badibanga fait peur à plus d’un titre. D’abord, elle risque de rallier tous ceux qui, dans la MP, veulent faire tomber le gouvernement, ce qui serait une grande victoire pour l’opposition. Pour conjurer le risque, ils sont nombreux qui exigent carrément de précipiter la formation du nouveau gou­vernement d’où serait évincé Patrice Kitebi, pourtant une des pièces-maîtresses de l’exécutif. Ainsi donc, mort le serpent, mort le venin : plus personne ne viendrait se justifier sur la question des 207 millions. Même si ce scénario est peu probable, il reste que l’autre risque pour le gouvernement est d’avoir, en direct sur la RTNC, de­vant la nation rassemblée, à choisir entre reconnaître qu’il y a eu malversations financières (ce qui est très peu probable), soit avouer qu’il y a eu ces grosses er­reurs d’imputations budgé­taires (ce qui ferait passer ses membres pour des ama­teurs sans expertise, en ce moment où l’exécutif tient à rentrer en programme avec les institutions financières internationales pour obtenir des appuis budgétaires).

Il n’empêche : poussée à bout de souffle, les députés de l’opposition ont initié une motion contre le président du bureau de l’Assemblée nationale. Les raisons in­voquées sont, notamment, tergiversations et obstruc­tion de l’action des parle­mentaires pour réaliser le contrôle de la gestion gou­vernementale.

mozer marone

 

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