Mandat présidentiel : l’article 70 prisonnier de 73, 75 et 76

Mardi 19 avril 2016 - 12:29
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Comme annoncé pendant le week-end, la Majorité Présidentielle a déposé hier lundi 18 avril 2016 à la Cour Constitutionnelle, sa requête en interprétation des article 70, 103 et 105 de la Constitution. Elle veut notamment savoir si, à la fin de son second mandat, le 20 décembre 2016, le Chef de l’Etat actuellement en fonction doit quitter immédiatement le pouvoir ou rester en place jusqu’à l’investiture de son successeur à choisir dans les urnes. On rappelle que ledit article est libellé comme suit : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

Cette démarche est dictée par le souci de la famille politique du Chef de l’Etat de couper court à la lecture dudit article par l’Opposition, qui estime que si l’élection présidentielle n’est pas organisée la date du 20 décembre 2016, le pays tombe automatiquement dans la vacance du pouvoir au sommet de l’Etat. Dans cette hypothèse, une petite transition de 60, 90 ou 120 jours, selon le cas, pourrait s’inviter sur la scène politique avec comme Président de la République intérimaire le Président du Bureau du Sénat. Et même alors, des juristes et politologues qui s’expriment sur la question soutiennent que le numéro un de la Chambre haute du Parlement n’a pas qualité pour assumer pareille charge, car frappé lui aussi par le dépassement de mandat, depuis 2012.

Bref, selon tous ceux qui s’opposent à la prolongation du mandat de l’actuel Chef de l’Etat, l’article 70 ne peut s’appliquer que si l’élection présidentielle a effectivement a eu lieu et que son vainqueur se trouve dans l’attente de son investiture.

L’article 70 prisonnier de 73, 75 et 76

Le débat juridique autour de l’article 70 vient d’ouvrir la voie à une inflation d’interprétations. Alors que la Majorité Présidentielle croit dur comme fer que le Chef de l’Etat en exercice ne peut passer le témoin qu’à son successeur élu, des voix s’élèvent pour soutenir que cette disposition constitutionnelle ne peut pas être interprétée de manière isolée. Dans leur entendement, sa bonne compréhension exige sa corrélation avec les articles 73, 75 et 76.

Il convient de noter que l’article 73 indique que « Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission Electorale Nationale Indépendante quatre-vingts  dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ».

De nombreux débatteurs soulignent que cette disposition constitutionnelle ne devrait souffrir la moindre violation. Par conséquent, dans l’hypothèse de sa non observance, l’article 75 devrait s’appliquer de facto, afin de décourager les velléités de « glissement ». Et ledit article stipule : « En cas de vacance pour cause de décès, de démission, ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82, sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ».

Formels, certains spécialistes du droit n’hésitent pas à verser l’implosion du calendrier électoral et la non organisation de l’élection présidentielle à la date du 27 novembre 2016 dans le panier de « toute autre cause d’empêchement définitif ». Ce qui renvoie à la fameuse vacance du pouvoir évoquée à l’article 75.

S’agissant de l’article 76, il indique que «  La vacance de la présidence de la République est déclarée par la Cour Constitutionnelle saisie par le Gouvernement. Le Président de la République par intérim veille à l’organisation de l’élection du nouveau Président de la République dans les conditions et les délais prévus par la Constitution. En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour Constitutionnelle, l’élection du nouveau Président de la République a lieu, sur convocation de la Commission Electorale Nationale Indépendante, soixante jours au moins et quatre-vingts dix jours au plus après l’ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l’empêchement. En cas de force majeure, ce délai peut être prolongé à cent vingt jours par la Cour Constitutionnelle saisie par la Commission Electorale Nationale Indépendante. Le Président élu commence un nouveau mandat ».

Adieu dialogue et

élections ?

Les tenants de la thèse de la vacance du pouvoir au sommet de l’Etat font remarquer que si l’article 70 n’est pas lié aux articles 73, 75 et 76 de la Constitution, la voie est alors ouverte à un mandat illimité du Chef de l’Etat en fonction. Car, tant que l’élection présidentielle ne serait pas organisée, il ne pourrait quitter le pouvoir. Cela s’est déjà produit dans ce pays en 1991, lorsqu’à l’expiration de son troisième mandat de 7 ans, le Président Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga posait comme préalable à son départ du pouvoir l’élection de son successeur. Or, de 1991 jusqu’à la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) en 1997, il avait brillé par des manœuvres dilatoires pour ne pas organiser le scrutin présidentiel, alors qu’il n’était pas frappé par la limitation des mandats.

D’aucuns se demandent pourquoi, dans le cas d’espèce, la Majorité présidentielle a-t-elle laissé son autorité morale mener des consultations, pendant presque six mois, en prévision du dialogue, alors qu’un autre agenda, celui du raccourci de l’article 70 de la Constitution, était en chantier. Quel serait encore l’objet du dialogue, si la Cour Constitutionnelle tranche que le Chef de l’Etat en fonction peut demeurer à son poste jusqu’à l’élection du nouveau Président de la République ? Quel crédit pourrait-on encore accorder à un calendrier électoral réaménagé, si le Président de la République en exercice est assuré de prolonger indéfiniment son mandat tant que le processus électoral serait bloqué ?

Toutes ces interrogations exigent d’être examinées à la loupe, car nul ne peut prévoir les effets des frustrations susceptibles de découler d’une fin de mandat aux contours flous.

                                       Kimp

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