Quand j'ai pris connaissance des propos de Théo Francken, ci-devant Secrétaire d'Etat N-VA à l'Asile et à l'Immigration, j'ai d'abord cru à un canular. Je me suis dit que c'était dans l'air du temps de passer au vitriol le parti de Bart De Wever. Ensuite, lorsque j'ai vu monter l'indignation au sein de la Communauté marocaine, algérienne puis congolaise, j'ai eu une pensée toute particulière pour toutes celles et ceux, au sein de la diaspora congolaise qui ont pris fait et cause pour ce parti durant la campagne électorale en me disant que je n'aimerais pas être à leur place. Ainsi donc, la grande tendance du moment serait à la "valeur ajoutée" de telle ou telle communauté dans la Belgique de 2014.
Pauvre Théo Francken, comment pouvez-vous être à ce point enfermé dans une haine aussi obsessionnelle que compulsive de l'autre, de celui qui ne vous ressemble pas. Comment pouvez-vous être à ce point aveugle et ignorant de ce qui vous entoure. Votre présence, que dis-je, votre existence même au sein de ce Gouvernement est une insulte à l'intelligence du peuple Belge et une offense à tous ceux que vous prétendez représenter et que vous humiliez par votre entêtement suicidaire à dénigrer vos propres concitoyens.
Jadis, Jean-Paul Sartre disait "l'enfer, c'est l'autre", mais je doute que vous l'ayez lu car votre haine atavique et viscérale de l'étranger vous submerge tel un tsunami que vous n'arrivez plus à nager dans l'océan de la raison et du bon sens.
Pour moi, la liberté d'expression est une liberté sans concession. Mais à la longue, je suis bien forcé de constater que vous en abusez de manière frénétique en vous affranchissant du plus élémentaire des exercices: la réflexion. Peut-être est-ce une notion qui vous est étrangère, mais oui, il importe de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de débiter des inepties qui ne vous honorent pas.
Vous soutenez mordicus des contre-vérités pour votre clientèle électorale, mais comment peut-on à ce point ignorer et détourner l'histoire des migrations, en Belgique et en Europe, pour en arriver à une telle déraison? L'instrumentalisation des peurs à des fins politiques, comme vous semblez l'affectionner, me révolte.
C'est précisément parce que je regarde l'immigration en Belgique comme une chance que je suis inquiet de l'émergence, ces dernières années, d'un discours comme le vôtre, délibérément hostile aux migrants, présentés comme une charge pour la puissance publique et une menace pour la cohésion sociale. Contrairement à vos élucubrations, l'immigration n'est ni une charge, ni une menace, ni un péril, c'est une chance incroyable pour la Belgique. Tous ceux dont vous semblez minimiser l'apport et mépriser l'existence ont contribué bien avant votre "naissance" à l'essor d'un pays que vous défendez bec et ongles aujourd'hui, au nom d'une perception marginale de la réalité. Ces hommes-là, ces femmes-là, venus par vagues successives n'ont jamais été une entrave ni un poids pour votre tranquillité ou votre confort personnel, vous leur devez plus que vous ne l'imaginez!
Aujourd'hui, que deviendraient, sans les migrants, ces secteurs de nos économies où sévit une pénurie de main-d'œuvre? Quel serait, sans les migrants, l'avenir de la Belgique menacée par le vieillissement et le recul démographique? Qu'adviendrait-il du monde de la création sans la rencontre des idées, des arts et de la diversité, et qu'elle venait à faire retraite parce que les migrants n'en seraient plus?
Écartons les tabous: nous vivons dans des économies et sociétés ouvertes, qui ont besoin d'immigration. Se défier d'autrui, lui faire barrage, le rejeter, l'agresser, l'insulter sous couvert d'accent, de langue, de couleur de peau, de culture ou de religion est insupportable. Les choses doivent être dites.
Vous doutez toujours de la "valeur ajoutée" des Marocains, des Congolais et des Algériens? Dans ce cas, je vous invite à lire le rapport 2013 de l'OCDE, l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (et non l'Organisation pour le Contrôle et le Déguerpissement des Etrangers, comme vous pourriez le croire). Selon ce rapport, publié en février 2013, "Les perspectives des migrations internationales", la contribution moyenne des ménages issus de l'immigration, soit la différence entre les contributions à l'impôt et les prestations sociales perçues, est toujours positive en Belgique.
Pour votre gouverne, Cher Monsieur Franken, sans l'immigration, la Belgique serait en récession. D'après une étude comparative de l'OCDE "l'effet fiscal et budgétaire des immigrés en Belgique" avoisinerait les 3.500 euros de moyenne, ce qui représenterait près de 1% du PIB du pays, "pensions mises à part". De quoi faire dire que l'immigration ne coûte pas, elle rapporte.
Je me suis résolu à écrire ces quelques lignes pour exprimer mon indignation au nom de tous ceux qui n'ont pas pu réagir, en dépit des excuses tardives et "surjouées" du sieur Francken à la Chambre des Représentants, et lui rappeler qu'il ne vit pas dans un monde "fermé" et hermétique aux Marocains, aux Congolais ou aux Algériens.
Certes, les propos qui lui sont reprochés ont été tenus en 2011, bien avant sa nomination au Gouvernement, mais ils constituent les principaux marqueurs d'une mentalité et d'un état d'esprit potentiellement dangereux et porteurs des germes du conflit dans un pays qui a davantage besoin de sérénité que d'ostracisme écervelé.
Aux Congolais qui ont apporté leurs suffrages à la N-VA, je demande de ne pas vous tromper de combat ni de cibles. Au-delà du choix qui a été le vôtre, n'ayez pas la mémoire courte ni l'absence de discernement face à un parti qui ne partagent pas les mêmes valeurs que vous.
Certes, être ou pouvoir et l'exercer est un objectif légitime pour tout parti politique qui se respecte, mais mieux vaut perdre une élection que de perdre son âme en embrassant des thèses qui font de vous des "faire-valoir" et des "paillassons" sur lesquels la N-VA s'essuie ostensiblement les pieds… A bon entendeur!