Les Etats-Unis se sont-ils détournés de la RDC ? Retrait des Américains de TFM : mauvais présage

Mercredi 11 mai 2016 - 12:16
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Tenke Fungurume Mining (TFM), plus grand investissement des Etats-Unis en RDC, est aujourd’hui orphelin de son principal actionnaire, l’Américain Freeport Mc Moran. Pour près de 2,6 milliards USD, la firme américaine a décidé de se désengager des mines congolaises au profit d’un groupe chinois. Alors que des tensions sont vives entre Kinshasa et Washington, à la suite de ce recrutement présumé des mercenaires américains au service du candidat président de la République, Moïse Katumbi, le retrait de Freeport Mc Moran présage des lendemains agités entre les deux capitales.

Le Potentiel

 

On le présentait comme le plus grand projet minier du siècle. C’était le projet Tenke Fungurume Mining (TFM) pour lequel l’Américain Freeport Mc Moran avait remporté le jack pot. Il s’étend sur des milliers d’hectares. Des experts du secteur prédisent la durée de vie de la mine de TFM à près d’un siècle. On croyait qu’avec pareil projet les Etats-Unis n’avaient plus d’intérêt à réclamer davantage de la RDC.

Quid ?  TFM  garantissait tous les intérêts des Etats-Unis. 800 tonnes de cathode de cuivre, sans compter le cobalt, Freeport Mc Moran avait un bel avenir dans TFM. Alors que le marché mondial du cuivre tangue- la tonne métrique du cuivre se négociant sous la barre de 4 800 USD – Freeport Mc Moran a trouvé le moment de se désengager de TFM. La surprise est telle que dans le cercle mondial du cuivre, tous les analystes prédisent une remontée des cours à la hausse. Alors, pourquoi Freeport Mc Moran a-t-il décidé de quitter le secteur minier congolais ? A Kinshasa, à Londres ou encore à New York, des spéculations vont dans tous les sens.

L’on sait néanmoins que la décision de Freeport Mc Moran est motivée par plusieurs facteurs aussi bien économiques que politiques. Pire, la survenance de cette décision appelle à plus de supputation. Car, elle intervient juste au moment où Washington est en froid avec Kinshasa, à la suite d’une probable implication d’anciens militaires des Etats-Unis au service de Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle 2016. Il y a de quoi s’interroger, se dit-on dans les milieux les plus avertis.

Au-delà d’un retrait

Ce retrait de Freeport Mc Moran dans TFM s'opère à une période des tensions rampantes dans les relations entre les autorités congolaises et américaines en rapport avec le respect de la Constitution et la fin du deuxième mandat du président Joseph Kabila. L'administration Obama rappelle constamment au chef de l'Etat congolais l'obligation de quitter le pouvoir à la fin de son deuxième mandat et dernier, alors que celui-ci s'évertue à expliquer qu'il lui serait difficile de partir sans que se tiennent des élections dans le pays.

Plus grave, des accusations de recrutement d'anciens militaires par l'opposant Katumbi n'est pas de nature à être étranger à ce refroidissement soudain.

La firme américaine se défend de quitter le secteur minier pour des raisons politiques. Pour Freeport Mc Moran, l'urgence de faire face aux paiements des créances l'a mis en position de liquider tous ses actifs à travers le monde. Ce n'est donc pas seulement la RDC qui est concernée par cette opération de vente d'actifs détenus par cette firme américaine. Sur la table, les repreneurs chinois ont déposé rubis sur ongle 2,6 milliards USD! Dont acte!

Mais, dans les relations entre Etats et dans les relations d'affaires impliquant des intérêts majeurs des Etats, il est difficile de ne pas lier cette cession d'une mine réputée rentable et à exploitation moins onéreuse au climat tendu qui existe, depuis quelque temps, entre Washington et Kinshasa.

En effet, Washington met à profit toutes les occasions pour rappeler à Kinshasa qu'il faut respecter la Constitution du pays qui fixe à deux le nombre de mandats d'un président de la République en RDC. Un rappel qui agace dans la mesure où, les intentions de Kinshasa en la matière ne sont pas bien cernées. En le rappelant, le président Obama et son administration donnent l'impression que Joseph Kabila n'est pas habité par la volonté de respecter la Constitution, et nourrirait une volonté manifeste de la violer. A moins d'une année de la fin du mandat, cette inquiétude américaine risque de devenir réalité.

A Kinshasa, on crie à l'ingérence d'un pays ami qui ne se contente plus de gérer ses affaires, mais s'immisce directement dans la politique intérieure de son partenaire. Aussi une lutte acharnée de récupération de la souveraineté s'en est-elle suivie offrant aux autorités congolaises l’occasion de faire des déclarations allant dans le sens d'accuser Washington et d'autres capitales occidentales de fomenter des coups tordus contre la RDC. Le passé récent avec les guerres dans l'Est du pays imposées par le Rwanda et l'Ouganda sont des références qui sont utilisées pour le besoin de la cause.

 

Kinshasa et Washington en chiens de faïence

A Washington, les accusations portées contre des ex-militaires américains sont prises très au sérieux. Outre Thomas Perriello, déjà sur place, le Général David Rodriguez, commandant en chef de l’Africom, cette force de dissuasion des Etats-Unis basée à Stuttgart en Allemagne séjourne aussi à Kinshasa, tout comme la secrétaire à la sécurité, les droits de l’Homme et la démocratie. Comme bien d’autres, des officiels sont venus s’enquérir des preuves qu’a pu réunir Kinshasa sur le présumé recrutement des mercenaires américains au service de Moïse Katumbi.

En l'absence d'un communiqué final de la visite, tous les commentaires et analyses sont permis jusqu'à obtenir la lumière qu'il faut. Mais, sur le plan purement diplomatique et politique, la présence, à côté de Periello, d’un haut gradé de l’Africom, est un message qui laisse penser que les accusations portées par Kinshasa contre des citoyens américains ne seront pas sans conséquences sur le plan diplomatique.

C’est dire que le retrait de Freeport de TFM se passe à un moment tout à fait particulier. Trop de pesanteurs s’imbriquent dans ce retrait. Au-delà d’un simple acte managérial de Freeport, c’est une décision politique de haute portée. Un mauvais présage qui augure des lendemains tendus entre Kinshasa et Washington.