En attendant le 10août2015, date prévue pour l’ouverture d’une nouvelle session extraordinaire du Sénat, la polémique a gagné toute la classe politique. Si, dans la MP l’on adhère à cette démarche, l’Opposition étale ouvertement sa désapprobation. Néanmoins, l’on sait que les sénateurs ont été rappelés à l’Hémicycle pour se prononcer clairement, à l’instar des députés nationaux, sur le projet de loi portant répartition des sièges aux élections municipales et locales. Le forcing est tel qu’au Palais du peuple règnerait désormais l’arbitraire.
Recalé en première session extraordinaire du Parlement, le Sénat a été convoqué en une nouvelle session, toute aussi extraordinaire, le 10 août2015. Une première dans l’histoire parlementaire de la 3ème République.
Dans une démocratie moderne, l’organisation et le fonctionnement des institutions sont régis par la loi fondamentale. Les textes réglementaires raffinent les dispositions constitutionnelles au regard de la spécificité de chaque institution publique. C’est suivant cette logique et au nom de la séparation des pouvoirs, principe cher à toute démocratie, que la République démocratique du Congo s’est résolue, depuis les élections générales de 2006, de se comporter enfin comme une nation moderne et véritablement démocratique.
AU NOM DE L’ARBITRAIRE
Après une longue période de guerre et une transition issue de l’Accord global et inclusif de Sun City (Afrique du Sud 2002), la RDC s’est engagée en 2006 dans une nouvelle ère démocratique qui a inauguré la 3ème République dotée des institutions clairement définies.
La section 2 de la Constitution de 2006 consacrée au pouvoir précise à l’alinéa 1 de son article 100 :« Le Pouvoir législatif est exercé par un Parlement composé de deux Chambres l’Assemblée nationale et le Sénat ». Au regard de cette disposition, c’est successivement que les deux Chambres votent des lois, contrôlent le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics. Volonté du peuple à travers le législateur.
D’une certaine manière, en prévoyant un Parlement bicaméral, le législateur a eu le souci de ne pas confier le pouvoir législatif à une seule Chambre ou de permettre à une des Chambres le soin d’étouffer l’autre en faisant triompher, de façon délibérée, son point de vue. Cela s’appelle veiller à l’équilibre des institutions.
Aussi l’article 135 de la Constitution a-t-il prévu des mécanismes qui, «lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux Chambres, un projet ou une proposition de loi n ‘a pu être adopté après une lecture par chaque Chambre », permet de débloquer l’impasse. En pareille circonstance, la loi prévoit la mise en place, par les deux bureaux, d’une «commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ». Une recherche permanente du compromis, sans toutefois neutraliser les positions opposées. «Le texte élaboré par la Commission mixte paritaire est soumis pour adoption aux deux Chambres », stipule la Constitution.
Depuis « le rejet » (le terme est du président du Sénat Léon Kengo) du projet de loi portant répartition des sièges aux municipales et locales, le vendredi 31juillet 2015 à la Chambre haute du Parlement, une vive polémique a envahi le Palais du peuple, siège du Parlement.
La polémique a été d’autant plus ravivée qu’en début de cette semaine, un SMS attribué au protocole du Sénat a convoqué les sénateurs à une session extraordinaire bis, après celle clôturée vendredi 31 juillet dernier. Sans autre précision, le
SMS obligeait les sénateurs se trouvant à Kinshasa de ne pas quitter la capitale, alors que ceux se trouvant en dehors de la ville avaient obligation de la rejoindre avant la date du 10 août 2015. C’est le cas, notamment, du président Léon Kengo wa Dondo, en vacances à l’étranger.
Même si le Sénat s’est montré moins bavard jusque-là, la controverse n’a pas tardé à prendre le relais à la polémique qui s’était créée auparavant. Et, dans la ville haute, des supputations sont allées dans mus les sens. Peut-on convoquer deux sessions extraordinaires du Parlement à l’intersession parlementaire ? Sur ce point précis, les avis sont partagés selon qu’on se réclame de la Majorité ou de l’Opposition.
LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR DU SÉNAT TRANCHE
A la clôture le dimanche 2 août 2015 de la session extraordinaire à la Chambre basse du Parlement, son président, Aubin Minaku, s’est montré plutôt évasif, alors que s’est propagée dans la ville le rejet 48 heures auparavant du projet de loi portant répartition des sièges aux municipales et locales, par le Sénat.
Aubin Minaku semblait prendre encore du temps, conscient de l’impasse qui se dessinait, mieux, se dresser sur son chemin. « Etant donné, disait-il, que nous n ‘avons pas encore reçu la correspondance sur le résultat du Sénat, votre bureau et la plénière, nous devons patienter avant de tirer les conséquences de droit découlant des dispositions constitutionnelles en pareille circonstance. Donc, il n’y a pas de place au débat ».
DE LA CACOPHONIE A L’ANARCHIE AU PARLEMENT
Si le président de l’Assemblée nationale mesure la gravité du contentieux, le député national Ramazani Shadari, président du Groupe parlementaire PPRD, reste optimiste. Il dédramatise la convocation d’une 2ème session extraordinaire du Sénat « La session ordinaire ou la session extraordinaire sont prévues dans deux articles de la Constitution. Et on ne dit pas qu’on peut avoir seulement une session extraordinaire. On dit : on convoque une session extraordinaire, on donne la matière et on donne le temps pour qu‘effectivement il y ait une session où le quorum de sièges et de votes seront respectés », a-t-il déclaré au micro de RFI.
Il a été aussitôt contredit par le député national de l’opposition Jean Baudouin Mayo Mambeke, qui pense que cette convocation est une entorse non seulement à la Constitution, mais aussi aux Règlements intérieurs de deux Chambres. «Pour l’Assemblée nationale à laquelle j ‘appartiens, note-t-il, avec l’article 57, la Chambre ne peut pas être appelée en extraordinaire deux fois dans une même intersession ordinaire. C‘est-à-dire entre ceux sessions ordinaires. Cette disposition se retrouve aussi dans le règlement intérieur du Sénat ».
Il faut dire qu’au-delà de la cacophonie, c’est l’anarchie qui s ‘installe véritablement dans l’Hémicycle. Qu’en sera-t-il le lundi 10août2015 ? Difficile de le prédire. Toujours est-il que la convocation d’une nouvelle session extraordinaire de la Chambre haute du Parlement charrie plusieurs contradictions qui énervent autant la Constitution que le Règlement intérieur du Sénat.
Le projet de loi devant être, au regard de l’article 135 de la Constitution, être adopté dans des termes identiques au sein dei Commission mixte paritaire, dans un premier temps, puis devant la plénière de deux Chambres, peut-on supposer que l’Assemblée nationale devait en même temps rejoindre le Sénat en une nouvelle session extraordinaire dès le 10 août prochain ? Ce scenario est plus que probable. En réalité, lorsque le Sénat est convoqué seul, il devient clair comme l’eau de roche que quelque part, il lui est fait injonction de voter, absolument, cette loi en des termes identiques que l’Assemblée nationale. Se rend-on compte du tort qu’on fait au bon fonctionnement des institutions?
Repris par RFI, le président de la commission Politique administrative et juridique (PAJ) du Sénat, Sébastien Adambu, est tout autant embarrassé. « Il faut qu‘on donne le temps aux parlementaires de voir ce qu‘il y a lieu de faire. Peut-être devront- ils contacter la Cour constitutionnelle, pour savoir ce qu‘ils vont faire. On verra dans les jours qui viennent », a-t-il souligné.
Evidemment, l’équation juridique pour justifier la convocation de cette nouvelle session extraordinaire du Sénat paraît difficilement soluble. A dire vrai, cette convocation consacre le règne de l’arbitraire qui a élu domicile à l’Hémicycle. L’article 75 du règlement intérieur de la Chambre basse tranche et met en mal la convocation de cette nouvelle session extraordinaire : « Le Sénat peut être convoqué en session extraordinaire par son Président sur un ordre du jour déterminé, à la demande soit, de son Bureau, soit de la moitié de ses membres, soit du président de la République, soit du Gouvernement. La clôture intervient dès que le Sénat a épuisé l’ordre du jour pour lequel il a été convoqué et, au plus tard, trente jours à compter de la date du début de la session. Si 1‘ordre du jour de la session extraordinaire n ‘est pas épuisé à l’ouverture de 1a session ordinaire, elle est clôturée automatiquement. Si l’ordre du jour de la session extraordinaire n‘est pas épuisé dans les trente jours, celle-ci est clôturée d ‘office exception. faite de la session extraordinaire inaugurale de la législature. Dans les deux cas, les matières de 1‘ordre du jour restées en suspens sont examinées en priorité au cours de la session ordinaire comme arriérés législatifs ».
Que déduire, si ce n’est se demander si l’on a la culture de la lecture et du respect des textes au Congo-qui-se-veut-démocratique. Où sont partis tous ces juristes formés au pays et sans des universités de grande renommée à l’étranger? Faut-il sans cesse se distinguer par un nivellement par le bas juste pour satisfaire des appétits politiciens ? Ce questionnement vaut bien une interpellation.
Par LE POTENTIEL