
16 février 1992-16 février 2016, il y a vingt quatre ans jour pour jour, une marche pacifique des chrétiens qui réclamaient la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) avait été organisée à Kinshasa. A l’occasion de cette journée commémorative, une messe d’action de grâce a été célébrée hier mardi à la paroisse Notre Dame de Fatima par le révérend Abbé José Mpundu de la paroisse St Boniface de Matete, avec la participation des personnalités de la société civile réunies au sein du collectif dit du 16 février composé des organisations telles que Toges Noires, Groupe Amos, Ekolo ya Bondeko, CIAM-Kin, A-CIAM, RODHECIC, ASCOVI.
24 ans après la répression sanglante de la marche des Chrétiens, pour le collectif du 16 février, la démocratie est à construire en RDC. Cette démocratie participative est encore à construire. «Elle ne pourra se réaliser pleinement que lorsque nous serons totalement libérés de l’esclavage dans lequel nous maintiennent les maitres du monde avec la complicité de nos propres frères et sœurs », martèle le collectif du 16 février dans son message adressé à l’ensemble de la population congolaise dénommé «Ensemble, prenons notre destin commun en main ».
Lettre des Martyrs du 16 février 1992 au peuple congolais
Chers Compatriotes,
La Conférence nationale souveraine convoquée par feu le président Mobutu en juillet 1991 poursuivait trois objectifs, à savoir : faire la lecture de notre histoire, baliser le chemin pour la troisième République et réaliser la réconciliation nationale.
Alors qu’elle venait à peine de démarrer après l’élection de son bureau provisoire, le gouvernement de l’époque décida, de manière unilatérale, la suspension des travaux de ce grand forum de l’espoir.
Suite à l’importante déclaration du Comité permanent de la Conférence Episcopale du Zaïre en date du 27 Janvier 1992 et autre message des abbés de Kinshasa en date du 26 janvier 1992, nous avons répondu à l’appel du comité Coordination des Laïcs qui nous invitait à marcher le 16 février 1992 pour réclamer la réouverture, sans conditions, de notre Conférence nationale souveraine.
Au cours de cette marche, nous sommes tombés sous les balles de la répression violente du régime dictatorial de Mobutu.
Vingt quatre ans après notre entrée au village des ancêtres, nous vous adressons à vous, nos frères compatriotes qui êtes restés en vie et qui, pour certains, portez les séquelles de cette violente répression, le message suivant :
La démocratie pour laquelle nous avons marché et pour laquelle nous avons donné notre vie est celle qui repose suries valeurs d’égalité, de participation, de liberté et de justice. Une égalité qui entraine le respect de tout être humain, une participation qui suppose la responsabilité de chacun et de tous, une liberté qui est le fruit de la vérité et une justice qui engendre la vraie paix.
Cette démocratie participative est encore à construire. Elle ne pourra se réaliser pleinement que lorsque nous serons totalement libérés de l’esclavage dans lequel nous maintiennent les maitres du monde avec la complicité de nos propres frères et sœurs.
Chers compatriotes,
Notre sang a coulé ce jour-là pour une noble cause : l’intérêt supérieur de la nation. Parmi nous, il y a des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, de différentes tribus et conditions sociales. Nous sommes allés dans l’au-delà, sans regret aucun.
Nous vous invitons à surmonter votre peur. Nous vous demandons d’ouvrir vos yeux pour voir la réalité de notre pays en face. Nous vous convions à vous organiser efficacement comme ce fut le cas pour la marche du 16 février 1992 et à mener des actions non violentes pour la libération totale de notre chère patrie.
Parmi vous, il y a des hommes et des femmes qui ont les capacités requises pour conduire le peuple, à la manière de Moise et Aaron , vers la terre promise : terre qui ruisselle de lait et de miel , terre de liberté, d’égalité, de participation et de justice, terre d’amour et de fraternité, terre de paix et de joie pour toutes et tous.
Détectez ces frères et sœurs pour créer un nouveau leadership dont notre pays a besoin afin de poursuivre et de parvenir au bout de sa marche à un Etat de droit réellement démocratique.
Chers compatriotes,
Nous sommes morts et pourtant nous sommes encore en vie. Car, selon la tradition africaine, les morts ne sont pas morts. Aussi, nous vous lançons cet appel : Ensemble, sans distinction de tribus ni d’autres clivages, prenons notre destin commun en main et continuons notre lutte de libération sans relâche.
Fait au village des ancêtres, le 16 février 2016
Les Martyrs de la démocratie
*Cette lettre est diffusée par le collectif du 16 février qui regroupe les organisations suivantes : CIA, A-CIAM, RODHECIC, ASCOVI, Toges Noires, Groupe Amos, Ekolo ya Bondeko