Laurent Kidima se lance avec « Rumba pour un Bonobo du Sahel »

Mercredi 31 décembre 2014 - 10:09

Il a plusieurs casquettes. Au cours de cette inter¬view accordée exclusive à C-News et à eventsrdc.com, il a porté celle d’un écrivain. A 36 ans, Lau¬rent Kidima Mavinga apprête pour l’humanité son premier roman intitulé « Rumba pour un Bonobo du Sahel », après avoir publié plu¬sieurs essais dans des différents blogs sur le web. La sortie de cet ou¬vrage est prévue pour la rentrée prochaine (sep¬tembre 2015). Ce jeune auteur rd-congolais tient à redonner à l’humanité le goût de la lecture à travers ces publications.

Combien d’ouvrages avez-vous déjà publié ?
Je suis en train de finir mon premier ouvrage : “ Rumba pour un Bonobo du Sahel “. Apres cette première ex¬périence, je pourrai peut être publié un condensé de tous mes postes sur les dif¬férents blogs, Je crois cela va m’aider à analyser moi-même l’évolution de ma pensée en tant qu’humain.

Où sera-t-il édité ?
Les échanges avancent bien avec une maison belge ayant un réseau assez bien dans les pays francophones via les centres culturels Wal¬lonie Bruxelles.
C’est quand cette prochaine rentrée litté¬raire ?
Sauf imprévu, à la prochaine rentrée littéraire, -en sep¬tembre 2015, l’enfant sera dans les bacs.

C’est qui la cible de votre 1er roman ?
Difficile de le savoir. Néan¬moins, je parle d’un garçon qui croyait changer le monde par ses bonnes intentions. Un peu comme Faye dans « Ò pays mon beau peuple » de Sembene Ousmane. Confondant rêve pour le changement et réalité têtue du conformisme ambiant, il va perdre dans cette ba¬taille la femme qui l’aimait. Il ne comprendra la valeur de cette amie que tard alors que cette dernière était mourante. Le combat pour le changement de son milieu devint donc, le combat con¬tre sois même, contre ses peurs, ses angoisses. C’est l’histoire de tout un chacun, de tout idéaliste qui ose penser changer le monde… Quand l’homme devient li¬bre dans son esprit, tout est possible.

Selon vous, qu’est-ce qui à ce jour, poussent les rd-congolais à se désunir progressivement de la lecture ?
Cette question est plus que pertinente. Car, la Ré¬publique Démocratique du Congo est victime d’un fléau terrible : l’ignorance de la lecture, de toutes les sortes de lecture. Sous le prétexte que l’Afrique est le berceau de la parole où tout s’apprend par coeur. L’écrit, si puissant soit-il, n’a pas autant de valeur au village que la parole donnée ou ba¬fouée. Il suffit de consulter les sacs de nos bambins : très peu de livres meublent les cartables. Le cours de lecture est essentiellement un apprentissage par coeur au point de voir les appre¬nants, accidentellement mu¬nis du livre du voisin, lire un livre à l’envers. Le seul livre vraiment lu dans ce pays est la « Bible ». En réalité, les raisons culturelles invo¬quées ne sont que des pré¬textes. Car, ces enfants, qui ne déchiffrent rien en classe, s’amusent fort bien avec des Smartphones, même si les icônes les guident. Le vrai problème est dans l’inadéquation de notre pro¬gramme scolaire, la méthod¬ologie de l’apprentissage de la lecture, dans l’acquisition des ouvrages toujours con¬çus hors du continent, avec des noms et des contextes étrangers.

Deuxième pays franco¬phone par rapport à sa superficie, la Rd-Con¬go est menacée par la langue anglaise apportée par les entreprises an¬glo-saxonnes. Que con¬seillerez-vous aux gou¬vernants rd-congolais et à l’Organisation Interna¬tionale de la Francoph¬onie ?
Nous devons éviter à tout prix d’orienter le débat sur une sorte de chauvinisme anglophobe. Nos états fran¬cophones doivent adopter des politiques linguistiques pragmatiques et réalistes. Je ne vois pas dans cette incursion de l’anglais une menace dramatique con¬tre le français. Le Français a encore sa place dans nos moeurs. N’est-elle la langue officielle de la RDC et de trente-six autres pays dans le monde ? Des hommes d’affaires, des investisseurs anglo-saxons l’apprenne et la parle pour viser les mar¬chés francophones d’Afrique et du Maghreb. Le français est une grande langue com¬me le swahili, le lingala, le portugais et autres. Cette attitude défensive vient sans doute, pour partie, d’une certaine nostalgie de centres culturels français de l’époque lointaine où le Français était parlé par toutes les élites du Congo. Je crois que l’arrivée de l’AFDL a tout bouleversé. Notre pays doit donc faire preuve de pragmatisme. L’anglais répond aujourd’hui aux besoins des acteurs de la vie active et à leurs per¬spectives de mobilité et de professionnalisation. Il n’y a pas de contradiction entre l’anglais et le français, mais une complémentarité. Moi, j’habite l’Ouganda, je tra¬vaille au Congo, je suis marié à une swahiliphone et mes parents avaient un penchant prononcé pour le Portugais. Ces quatre langues font par¬ties de mon existence. C’est à notre pays d’en tirer les leçons. Nous sommes en¬tourées de plus de 50 mil¬lions de voisins qui parlent des langues différentes. A nous d’en tirer profit pour notre hégémonie régionale.

Avez-vous des modèles pour vous affirmer dans la société ?
Je porte une farouche admi¬ration pour Laurent Bagbo... Cet homme qui fut à la fois orateur, théoricien, histo¬rien, et homme d’action, Bagbo demeure l’inspirateur commun dont me réclament toujours les divers. Jeune, j’avais suivi un documentaire sur Télé Congo (Brazzaville) et depuis, je suis l’actualité Ivoirienne avec parcimonie. Peut-être un jour, je deman¬derai une carte de membre du Front Populaire Ivoirien…

Quelle place réservez-vous à la littérature dans votre vie ?
La littérature tient une troisième place humaine ex aequo avec l’As Vita Club après ma famille et mon travail. En effet, ma vie est la résultante des rencon¬tres, celle des hommes et des personnages. Le Prince de Saint Exupéry, Jean Jacques Difwayame de Za¬menga Batukenzanga, Faye de Sembene Ousmane, Rou¬bachof de Arthur Stoetzel et bien évidemment Dartagnan et Dantes de Monte Christo. Chacun avec ses caracté¬ristiques ont façonné mon imaginaire et bien évidem¬ment ma vision du monde. Et bien évidemment, mon travail de forestier m’impose des longues absences en fa¬mille. L’écrit demeure donc un moyen nécessaire de maintenir le contact. Dans mes temps libres, je lis et j’écris à mes enfants mes regrets de ne pas toujours partagé leur quotidien mais aussi ma vision du monde, mon amour pour leur mère. Un jour quand viendra le moment, ils liront et me comprendrons davantage.

Comment avez-vous eu le goût de la lecture ?
Pour mes dix (10) ans. Mon père m’offrit pour mon anni¬versaire « L’enfant noir » de Camara Laye. Je n’y com¬prenais pas grand-chose mais ce bouquin devint mon meilleur ami et mon plus grand souvenir à la dispari¬tion du paternel une année après.Je crois que je suis né curieux. Je n’aime pas trop les incertitudes.

Les livres m’ont des points d’entrée dans le monde du savoir et du loisir. Certains films inspirés d’oeuvres classiques ou consacrés à la vie d’auteurs classiques (les 3 mousquetaires, par exemple) m’ont per¬mis de m’immiscer dans l’atmosphère de l’époque et le contexte historico-litté¬raire, tout en conservant un côté visuel, et surtout m’a donné envie de lire le livre correspondant pour retrou¬ver un univers apprécié. Mais mon professeur de Français du Collège Notre Dame du Congo (Bosembo), « Zephy¬rin Pokosso » est pour beau¬coup dans mon parcours littéraire. Et quand, on vit souvent seul et dans des mi¬lieux isolés, votre meilleur loisir est assurément la lec¬ture. Avec l’âge, je m’y re¬trouve heureux, un bouquin en mains. J’espère que mes enfants hériteront de cette tare qui m’est devenue gé¬nétique. D’ailleurs pour mon dernier anniversaire, mon épouse, m’a offert une édi¬tion originale de Dramouss « de Camara Laye. Où a-t-elle trouvé cela, mystère. Mais ce fut un bonheur pour moi.
DK