Quid de la crise de légitimité ?
Les politiciens congolais qui se disent opposants ont tort de renoncer à batailler avec constance et persévérance pour le triomphe de la vérité des urnes, et arriver ainsi à résoudre la sempiternelle crise de légitimité.
Ils se montrent désormais préoccupés seulement des élections de 2016, auxquelles ils pressentent la victoire déjà à leur portée. Ils en sont sûrs d’autant plus que Joseph Kabila, constitutionnellement disqualifié pour briguer un troisième mandat, sera alors hors-concours. Ils se trompent lourdement qu’ils se souviennent des élections de 2006 et de 2011.
Les résultats publiés et les victoires proclamées n’étaient pas du tout le reflet de ceux des bulletins de vote déposés dans les urnes. Il en sera de même en 2016, ne leur en déplaise. Ils seront tristement rattrapés par cette question de la vérité des urnes pour laquelle ils ont lâchement abandonné la lutte, ayant préféré aller plus vite que la musique en lâchant la proie pour l’ombre. Ils s’imaginent bien à tort que la vérité des urnes est une affaire de l’UDPS et Tshisekedi ; eux ne sont pas concernés.
Quelles garanties certaines ont-ils que les élections de 2016 seront comme ils souhaiteraient qu’elles soient, c’est-à-dire absolument différentes des précédentes de 2006 et 2011, exemptes de falsification des résultats réels et de renversement de l’ordre d’arrivée, mettant le score sens dessus dessous ?
Les tireurs de ficelles impérialistes qui téléguident discrètement de leur propre autorité le parachutage des dirigeants en RDC et ailleurs en Afrique noire, seraient-ils devenus des anges ou des petits saints pour laisser les Congolais accomplir librement leur autodétermination en 2016 ? Loin de là en tout cas.
Ce n’est pas pour les beaux yeux du peuple congolais qu’ils s’investissent dans l’organisation des élections, se déclarent disposés à y contribuer financièrement, déconseillent vivement aux dirigeants arrivés au terme de leur dernier mandat, la modification des constitutions pour s’éterniser au pouvoir, insistent sur le respect strict de l’échéance etc… Pour eux, les élections en Afrique noire sont purement symboliques, mais pas significatives des aspirations des peuples et de l’évolution de l’exercice de la démocratie en Afrique.
Jamais deux sans trois
Ils font tout cela dans leur propre intérêt, n’en déplaise à ceux qui se drapent dans une vaine souveraineté qu’eux-mêmes ont aliénée pour se faire parrainer et propulser au pouvoir, se ravalant au rang d’intendants soumis des néocolonialistes dans leurs propres pays. Ils se font adopter et utiliser pour empêcher les leaders populaires, patriotes, nationalistes d’accéder au pouvoir, car considérés comme des éléments imprévisibles, incontrôlables, insoumis, qu’on ne saurait manipuler.
Washington, l’Union européenne, et d’autres pays occidentaux s’engagent à financer les élections dans l’espoir ferme et avec la conviction de les contrôler et de les faire gagner par leur propre candidat.
Ils feront en 2016 ce qu’ils ont fait en 2006 et 2011. Les opposants qui se croient populaires et sûrs d’accéder au sommet du pouvoir seront déçus. Il s’ensuivra naturellement des contestations en cascade et le rejet des résultats proclamés. Ce sera le retour à la case du départ avec la relance de la crise de légitimité. Les politiciens congolais seront rattrapés par cette équation qu’ils considèrent dédaigneusement aujourd’hui comme le cadet de leurs soucis. Ils donnent l’impression qu’ils ne sont pas visionnaires.
Leur unique et majeure préoccupation est de voir Joseph Kabila hors de la compétition, s’imaginant naïvement que son successeur sera celui que le peuple aura élu.
Ce qui s’est passé en 2006 a été réédité en 2011, mais jamais deux sans trois. Les impérialistes occidentaux qui tirent toujours les ficelles et laissent les politiciens congolais fantasmer aujourd’hui, savent comment s’y prendre pour que le vainqueur du scrutin soit celui sur qui ils auront jeté leur dévolu.
C’est ça la vérité ; elle est dure et cruelle, pénible à entendre. On va encore crier des résultats non conformes à la vérité des urnes, d’où la contestation de la légitimité de celui qui aura été proclamé vainqueur.
L’irresponsabilité, la versatilité, l’inconstance et la légèreté des politiciens congolais n’autorisent pas à croire que les choses évolueront autrement aux élections de 2016. Ce n’est pas verser dans un pessimisme outre que de faire une analyse aussi froide tirée de l’expérience de 2006 et 2011, et en tenant compte des travaux d’approche auxquels se livrent actuellement des puissances occidentales et leurs plénipotentiaires. Ce sont des choses que tout le monde observe mais comprend différemment.
Des protégés ingrats
Les élections dont les résultats proclamés officiellement ne sont pas l’expression des aspirations des peuples, amènent au pouvoir des dirigeants impopulaires et sadiques, à la solde de leurs parrains étrangers. Ce sont des dictateurs enclins à s’enrichir facilement et rapidement et à maltraiter la population, et qui, à la longue, ne s’embarrassent pas de scrupules pour donner du fil à retordre aux occidentaux qui les ont propulsés indûment au pouvoir.
C’est alors que blessés dans leur amour-propre, les protecteurs scellent irrévocablement la mise à l’écart des protégés ingrats et arrogants. C’est ce qui se passe en Afrique noire actuellement, avec la descente du Burkinabé Blaise Compaoré de son piédestal. Depuis lors, tout est mis en œuvre pour tous les » présidents à vie » qui ont encore du retard à l’allumage.
On profite d’habitude de manifestations populaires de grogne ou d’élections symboliques pour les remplacer par d’autres protégés considérés comme soumis et serviles à la solde des néocolonialistes. Mais pas de leaders patriotes, nationalistes, populaires ou charismatiques, dont les impérialistes sont viscéralement hostiles à l’accession au pouvoir.
La crise va resurgir
Pour avoir abandonné le combat pour le triomphe de la vérité des urnes de 2011, les opposants ont pactisé avec la crise de légitimité. Ils doivent s’attendre à la voir resurgir, car les résultats de fameuses élections tant attendues ne seront pas nécessairement ce qu’ils pensent naïvement qu’ils seront. Les Congolais peinent encore à accomplir librement leur autodétermination.
Ils se heurtent toujours à une barrière discrète mais puissante d’intérêts néocolonialistes qui téléguident la désignation de leurs dirigeants, et cela de leur propre autorité, au mépris révoltant des aspirations du peuple souverain.
Les politiciens discutaillent et se disputent mesquinement pour la course au pouvoir, peu soucieux de chercher à pénétrer la réalité du phénomène » élections » dans ce pays, et qui sont toujours problématique, dont les résultats publiés officiellement ne sont jamais le reflet des urnes. Faut-il une révolution populaire pour percer ce mystère et mettre un terme à la comédie ?
Par Jean N’saka wa N’saka/ Journaliste indépendant