Le deuxième et dernier mandat du président de la République s’achève le 19 décembre, conformément à la Constitution. La Majorité présidentielle estime plutôt que le Rais gardera son fauteuil aussi longtemps que son successeur ne sera pas élu. Pour légitimer cette thèse, la Majorité présidentielle sollicite le quitus de la Cour constitutionnelle.
Sauf imprévu, les députés de la Majorité présidentielle déposent ce vendredi à la Cour constitutionnelle leur requête en interprétation des articles 70, 103 et 105 de la Constitution. Ce qui n’était jusque-là que suspicion s’avère désormais une démarche actée au grand jour par la famille politique du chef de l’Etat. La MP soutient que Joseph Kabila, dont le deuxième et dernier mandat se termine le 19 décembre prochain, devrait rester au pouvoir jusqu’à ce que son successeur soit élu.
Tous les cadres de la Majorité présidentielle ont épousé cette thèse. De Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle à Mova Sakanyi, secrétaire général du PPRD, en passant par Lambert Mende Omalanga, porte-parole du gouvernement, tous ont dit sur les plateaux de télévision qu’il n’y aura pas vacance au sommet de l’Etat à l’expiration du mandat de Joseph Kabila en décembre 2016.
L’article 70 alinéa 2 de la Constitution dit : « A la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu ». La famille politique du chef de l’Etat entend saisir la plus haute juridiction pour qu’elle donne l’interprétation qui ferait force de loi. «Nous voulons demander à la Cour constitutionnelle ce que cela signifie. Puisqu’il y a d’autres acteurs politiques de l’Opposition qui soutiennent le contraire. Ils disent qu’il y a vacance de pouvoir à la fin du mandat du président de la République. Nous voulons que la Cour constitutionnelle donne l’interprétation exacte de cet article», a confié un député national membre de la MP.
En effet, l’article 161 de la Constitution stipule : « La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du président de la République, du gouvernement, du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des gouverneurs de province et des présidents des assemblées provinciales,... ».
LA QUÊTEÀ L’ILLEGITIMITÉ
Si la démarche de la saisine de la Cour constitutionnelle est légale1 les motivations de la MP dans ce dossier cachent plutôt une détermination à mettre un coup d’arrêt au processus démocratique en République démocratique du Congo. La MP n’a jamais fait mystère de son intention de laisser son autorité morale rempiler indéfiniment à la présidence de la République. Il y a eu le projet de modification de la Constitution dans ses articles intangibles, notamment le caractère universel du suffrage à la présidentielle, le nombre de mandats du président de la République. Cette démarche de la Majorité présidentielle vise simplement à violer la Constitution. Le mandat du président de la République est de 5 ans renouvelable une seule fois.
En outre, la MP saisit en même temps la Cour constitutionnelle en interprétation des articles 103 et 105, en rapport avec la fin de mandat des parlementaires. L’article 103 alinéa 2 de la Constitution note : « Le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale et expire à l’installation de la nouvelle assemblée ». Il en est de même pour l’article 105 aliéna 2 « Le mandat de sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat ».
En clair, la requête de la MP prend prétexte de la continuité du Sénat qui est en glissement depuis 2012. Les sénateurs n’ont pas été renouvelés aux dernières élections de 2011, notamment parce que la MP qui a modifié la Constitution de 18 février 2006 en supprimant le deuxième tour de la présidentielle.
Si les élections ne sont pas organisées dans le délai constitutionnel, la présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat seront des institutions sans légitimité. Et on n’oublie pas que toutes les crises en RDC depuis l’indépendance sont dues à l’absence de légitimité des dirigeants.
Le POTENTIEL