Le discours du président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, après l’adoption, en seconde lecture, vendredi 23 janvier, par le Sénat, du projet de loi modifiant et complétant la loi du 25 juin 2011 portant organisation des élections présidentielles, législatives, urbaines, municipales et locales, ressemble bien à une posture politique voire politicienne. On imagine mal le président Kengo dire que les sénateurs ont élagué la disposition querellée de l’article 8 sans que cet article soit purement et simplement supprimé s’il n’avait pas reçu des assurances de la majorité dont le patron réel est le président de la République Joseph Kabila. Et en bon juriste, Kengo sait que l’article 113 de la Constitution confère aux élus directs du peuple une prééminence en cas de désaccord avec les sénateurs. Que le président du Sénat se pose en homme par qui l’accalmie est arrivée résulte donc de la manipulation politicienne.
Avec recul, la position adoptée par le Sénat procède bien d’un compromis dans la mesure où le passage querellé de l’article 8 a été modifié sans que cet article soit purement et simplement supprimé. Ce n’était pas dit expressis verbis dans la loi que c’est d’abord le recensement. Ceux qui ont lu attentivement ce texte expliquent que le projet de loi querellé ne conditionnait pas l’organisation de la prochaine présidentielle et des législatives à l’achèvement du recensement de la population.
L’article 8, alinéa 3 du projet de loi modifiant et complétant la loi du 25 juin 2011 stipule que la loi électorale doit être actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification. Et pour qui connait le fonctionnement de nos deux chambres, quand une loi adoptée à l’Assemblée nationale est envoyée au Sénat en seconde lecture et que celui-ci la vote en de termes différents, c’est la position de la chambre basse qui compte. Tel que le dispose l’article 113 de la Constitution. Cette disposition confère en fait aux députés une prééminence en cas de désaccord avec les sénateurs. Si le désaccord persiste après une commission paritaire, réunissant des députés et sénateurs, pour parvenir à un texte de consensus afin de permettre le vote de la loi, « l’Assemblée nationale statue définitivement », énonce le dernier alinéa de l’article 113.
Et donc pour le cas d’espèce, on image mal le président du Sénat Léon Kengo wa Dondo dire que les Sénateurs ont élagué les dispositions s’il n’avait pas des assurances en haut lieu, c’est-à-dire du patron de la Majorité, le président de la République lui-même.
Voulant se poser en sauveur du peuple après les folles journées des 19, 20 et 21 janvier qui ont failli plonger Kinshasa dans le chaos, la position de Léon Kengo wa Dondo pose problème. Des analystes y voient une manoeuvre politicienne. On est face à un pouvoir qui a plusieurs têtes. Dans cette coalition, on a l’impression que chacun prêche pour sa chapelle. Chacun joue bien sa partition. Car quand la rue grondait contre le vote de la loi électorale, les nouveaux arrivants au Gouvernement dit de Cohésion nationale n’ont pas fait chorus. Et ça fait désordre. Ce n’est pas le premier coup médiatique auquel se livre le président du Sénat. Dans son discours de rentrée parlementaire, en présence de ministres congolais et diplomates étrangers s’était prononcé contre la révision constitutionnelle. « Il ne faut pas tirer prétexte de la révision constitutionnelle pour aboutir à un changement de Constitution : cela n’est pas prévu par la Constitution en vigueur » avait-il insisté avant de rétropédaler. Kengo faisait référence à un projet de loi de révision constitutionnelle annoncé par le Gouvernement, et qui figurait à l’ordre du jour de la nouvelle session parlementaire.
Dans cette affaire, qu’on l’aime ou non, Joseph Kabila a encore la légitimité jusqu’en 2016. En dehors de l’Assemblée nationale, les autres institutions sont hors mandat depuis bien longtemps. Didier KEBONGO