Kinshasa : l’éternelle poubelle

Mardi 21 juin 2016 - 10:38
Tous ceux qui ont vécu dans cette mégapole il y a plus de trente ans n’en reviennent pas leurs yeux. Ils se croient facilement dans une autre ville. Kinshasa jadis appelée Kin la belle a perdu tant sa beauté que sa splendeur et probablement jusqu’à son esprit. Les dégâts sont si forts et profonds que ceux qui auront à réécrire son histoire ne trouveront pas des mots si pour retrouver des vrais repères dans le but se faire comprendre. D’emblée, celui qui débarque pour la première fois dans cette ville traversée par une riche histoire avant la période, pendant et post coloniale, a du mal à y croire. Qu’est-ce qui s’est donc passé de si grave pour qu’on en arrive là ? Or, contrairement à certaines villes du continent, notamment celles qui ont été victimes des guerres civiles atroces comme Freetown au Libéria, Bangui en RCA ou Brazza au Congo voisin, Kinshasa n’a pas été l’objet d’affrontements sanglants ou des horreurs et destructions méchantes indicibles connues ailleurs. Le visage de la reconstruction qu’offrirait Kinshasa ne reflète pas ce qui s’est déroulée ailleurs en un laps de temps. L’état des lieux actuel Dès son arrivée à Kinshasa, le nouveau venu est accueilli par un nombre impressionnant des déchets tant d’origine domestique qu’industriel. La situation va se dégrader davantage au fur et à mesure que la journée se dirige vers le coucher du soleil. De sorte que chaque jour offre son état qui est totalement différent de celui de la veille. Kinshasa offre une image hideuse sur tous les plans : les très belles avenues jadis tracées à la latte  et régulièrement balayées et lavées à l’eau et aujourd’hui couvertes des déchets d’origine domestique, n’existent plus que de nom :  caniveaux défoncés ou invisibles, trottoirs non recouverts de dalles, tous les espaces verts envahis par des constructions anarchiques. Les espaces jadis réservés aux places dites commerciales pour y bâtir des maisons de commerce et des loisirs ont vu naître des habitations privées, des espaces jadis réservés aux jeux et loisirs ont été vendus aux plus offrants ou membres des familles de ceux qui font partie des apparachiks du régime au pouvoir. Les rares endroits jadis réservés aux terrains des sports ont été transformés en « ligablos et maisons de petits commerce ». Bref, les constructions anarchiques ont envahi tous les espaces verts, précipitant ainsi la défiguration de toute la ville. Pire, toutes les bouches d’eau de secours en cas d’incendie n’existent plus que de nom. Pire, des endroits prévus pour  installer les lignes d’alimentation en eau, en éléctricité et en ligne de téléphonie fixe ont été envahies par des constructions anarchiques. Les espaces existant entre les parcelles ont été envahis par des annexes pour répondre au boom démographique. Des lotissements déclarés non conformes au plan de la ville par l’administration compétente ont été vendus par des fonctionnaires véreux et corrompus. Bref, comme le disait un spot publicitaire de l’époque, pas un pas sans Bata, à ce jour, pas un pas sans dépotoir. Qu’en est-il au juste ? Selon des spécialistes de Voirie urbaine l’une des causes de la dégradation actuelle résulte de l’absence de l’entretien des infrastructures urbaines au regard de l’implosion de la démographie urbaine. Celle-ci n’a pas tenu compte de l’exode rural relatif à la guerre civile déclenchée au lendemain de la toute première guerre civile consécutive à la rébellion muleliste. En l’espace des quelques mois, des hordes des familles se sont ruées sur n’importe que moyen de transport disponibles pour rejoindre Kinshasa qui était le plus sécurisé. Etant donné que les autres grandes villes du pays étaient occupées par les éléments de l’une à l’autre force rebelle en conflit de légitimité politique. En outre, c’est grâce à l’intervention des forces onusiennes que le pays a pu refaire son unité. Or, pendant les dix premières années à dater du coup d’Etat militaire de 1965, les mouvements de l’exode rural se poursuivit. A noter aussi et surtout la destruction du tissu industriel, agro-pastoral et de la petite et moyenne entreprise à travers les 2/4 du territoire national. Malgré des efforts conséquents pour reprendre le processus de développement à tous les niveaux de la vie nationale, le même virus du pouvoir dictatorial reprit le dessus. C’est le début de la politique de la centralisation outrée qui mit entre les mains desquelques familles et leurs alliés étrangers l’essentiel des moyens financiers, miniers, pétroliers et industriels de la nation. Le phénomène du chômage a repris l’ascenseur. Les infrastructures de la voirie urbaine n’ont cessé de se dégrader avec leur corolaire inévitable de l’exorde rural. Pistes des solutions : Dès lors qu’il est établi que ces sont les mauvaises odeurs qui accueillent un étranger à sa descente d’avion ou de tout autre moyen de son entrée à Kinshasa, Il est attendu donc de n’importe quel gouvernement la reprise du programme de coopération financière et monétaire avec les institutions du système de l’Onu, notamment le Fond monétaire Internationale et la Banque Mondiale. Pour financer des projets de la réfection et d’entretien des infrastructures de la voirie urbaines et du tissu industriel, économiques, agropastoral, commercial, bref la reprise du développement intégral du pays. Entre autre relancer des grands projets au niveau du  chemin de fer, transport aérien, maritime, lacustre, fluvial et des industries de transformation comme au niveau des entreprises de la récupération des déchets d’origine domestique pour entretenir et combattre l’insalubrité ambiante des agglomérations urbaines trop polluées par cette invasion des matières non biodégradables plastiques. Le commun des mortels avait cru tenir le bon bout avec l’expérience inoubliable des programmes PAR 1 et II légués de l’Union Européenne a l’actuel gouvernement urbain dans la cadre de la lutte contre l’insalubrité urbaine qui a fait dire à un humoriste local que si rien n’est fait dans quelques années pour arrêter  cette hémorragie, l’on va vivre des scènes insupportables : des humains vont se disputer les dépotoirs avec les animaux domestiques et il faudra se couvrir les têtes avec des habits pour ne pas avaler des bactéries, vecteur d’épidémies  mortelles. Outre le recours aux industries modernes pour combattre l’insalubrité, l’Etat devrait recourir aux services d’hygiène communaux pour sanctionner les récalcitrants et encourager un partenariat privé et public dans ce domaine. Ailleurs, les avenues et ruelles sont entretenus nuitamment, pourquoi pas les quartiers de Kinshasa. Pourquoi pas des usines de traitement des déchets plastiques qui risquent d’emmener des maladies endémiques du genre la lèpre qui a décimé des millions d’hommes au dixième siècle ? F M