Kimbuta veut interdire les véhicules à volant à droite, Matata interpellé

Mercredi 31 août 2016 - 14:31
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Sur les véhicules à volant à droite, le gouvernement André Kimbuta reste droit dans ses bottes. Résolument rigide. En date du jeudi 17 septembre 2015, il avait annoncé les couleurs. Ce lundi 8 août 2016, il est revenu à la charge avec un couperet : interdiction formelle de toute importation de ces véhicules, et obligation faite à ceux qui en détiennent déjà de se conforme au Code de la route qui impose, implicitement, le volant à gauche. Mais l’exécutif kinois a-t-il bien mesuré l’impact d’une telle décision ? Que faudrait-il faire pour sauvegarder à la fois l’intérêt bien compris de la population et le respect de la loi ? Comment d’autres pays ont résolu ce dilemme ?

 

A l’issue du conseil des ministres tenu le 17 septembre 2015, le gouvernement de la province de Kinshasa avait clairement fait montre de son intention d’interdire l’entrée dans la capitale des véhicules à volant à droite. Dans un compte redu lu sur les antennes de la radio Kin 24, la porte-parole de l’exécutif provincial, Thérèse Olenga, avait ainsi lancé : « (…), abordant la problématique relative à l'intensification de circulation des véhicules à volant à droite dans la Ville, l'Exécutif Provincial déplore l'augmentation des cas d'accident dus entre autres au désordre consécutif à la non conformité aux commodités préétablies par l'implantation de signalisation routière.

Ainsi, se fondant d'une part sur les prescrits du Nouveau Code de la Route en République Démocratique du Congo, et d'autre part sur la Convention de Vienne de 1968 relative à la Circulation routière, l'Exécutif Provincial, tout en privilégiant la procédure de concertation avec le Gouvernement Central qui a en charge le secteur de l'importation, a décidé, d’interdire la circulation de ce type de véhicules à Kinshasa ». Déjà, la faiblesse de la communication du gouvernement provincial ne permet pas d’établir en quoi les véhicules avec volant à droite sont responsables d’une augmentation exponentielle des accidents de la circulation dans la capitale, ou si une recrudescence de ces accidents ne serait pas plutôt la résultante de l’augmentation du charroi automobile à Kinshasa ou encore du manque de formation des chauffeurs.

 

Poudre aux yeux

Mais il y eut ce bémol en forme de poudre aux yeux : « Toutefois, prenant en compte le contexte économique et social, les membres du Conseil ont opté pour une mise en œuvre progressive de cette décision. A court terme, toute nouvelle entrée de ces véhicules dans la Ville sera proscrite ; à moyen terme, il sera interdit que ces véhicules soient affectés au transport des personnes et dans un délai de deux ans, les propriétaires devront avoir pris des dispositions de mutation ou transformation afin de se conformer aux normes requises. Le Conseil a mis sur pied une commission qui proposera, dans un délai relativement court, les actes ainsi que la stratégie de mise en œuvre de cette décision ».

Une année plus tard, revoilà le gouvernement kinois sur le même sujet. A l’issue de son conseil des ministres du samedi 6 août 2016, l’équipe d’André Kimbuta décide, carrément, d’interdire « l’importation des véhicules à volant à droite. Cette décision sera mise en vigueur à partir de janvier 2017 ». Mais aussi : « tous les propriétaires des véhicules disposant de volant à droite doivent placer les guidons de leurs voitures à gauche, conformément au code la route applicable en RDC ».

 

Volant à droite pour ministres du Nord-Kivu

En fait, pourquoi roule-t-on à gauche plutôt qu’à droite et inversement ? L’affaire est assez complexe. Si, dans l’antiquité européenne, les hommes marchent à gauche à cause du fait que la majorité d’entre eux étant droitiers, il est mieux indiqué de placer son épée à la jambe gauche pour mieux la dégainer en cas de besoin, les chevaux suivront la même exigence. Jusqu’au 18ème sicèle quand apparurent les chars bâchés et à grandes roues dont le cocher ne disposait pas de siège, et était donc  était assis sur le cheval de gauche de la paire la plus proche du chariot. De cette façon, il pouvait ainsi diriger l'attelage de la main droite avec son fouet. Résultat, ces chariots roulaient le plus souvent à droite, car il était plus facile de contrôler les chevaux lors d'un croisement qui s'effectuait donc à gauche, contrairement aux cavaliers ! Cette conduite à droite fut popularisée par Napoléon lors de ses conquêtes dans la majeure partie de l’Europe. Cependant, invaincue, la Grande Bretagne roulait à gauche, ainsi que quelques pays nordiques.

 

Au point qu’à ce jour, c’est environ un tiers de la population mondiale, essentiellement constituée par d’anciennes possessions coloniales britanniques, qui roulent à gauche. A ce groupe, il faudra ajouter le Japon dont nul n’a jamais compris la raison de cette option.

 

Qu’en est-il en RDC ?  Loi n° 78/022 du 30 août 1978 portant Nouveau Code de la route en RDC, entrée en vigueur depuis 1978 ,n’interdit pas explicitement la circulation des véhicules ayant les volants à droite, mais stipule que « le sens de la circulation est à droite, réserve faite, le cas  échéant, des routes servant exclusivement ou principalement au transit ». Ce qui revient à dire, selon Willy Vale Manga, président de la Commission nationale de la prévention routière (CNPR) cité par radio Okapi, que le volant de tout véhicule circulant en RDC devrait être à gauche. Mais si la loi est une chose, les faits en sont une autre. En effet, depuis quelques années, les véhicules d’occasion du Japon, avec leur volant à droite, ont commencé à envahir le marché congolais par les provinces orientales, avant de glisser littéralement sur l’ensemble du pays. A ce jour, si vous faites un tour dans l’ex-Katanga, les provinces issus du Kasaï, les Kivu et l’ancienne province Orientale, le constat à l’œil nu est simple : plus de 95% de véhicules ont le volant à droite. Au point que les seuls (rares) automobiles ayant le volant à gauche sont les véhicules des officiels, de grandes ONG internationales ou de quelques personnes nanties. A Goma, même les ministres provinciaux dans des rutilantes 4x4 avec volant à droite.

 

Largement majoritaires

A Kinshasa, il est encore difficile de déterminer avec précision le rapport entre les deux sortes de véhicules, mais il est clair que les volants à droite l’emportent dans le nombre total, autant qu’ils sont très largement majoritaires dans le transport en commun qu’ils ont beaucoup facilité dans la capitale. Au point qu’interdire leur circulation revient à prendre un pari risqué dans une capitale gagnée par les tensions politiques de toutes sortes. De même, la communication à minima du gouvernement provincial ne parvient pas à démontrer clairement en quoi ce sont les véhicules à volant à droite qui sont facteurs d’accidents de la circulation.

 

En tout état de choses, que faire ? Entre la loi et la réalité sociale, que faire si on devait choisir in fine ?

 

Ce qu’il faudrait faire

 

Dans la mesure où la réalité est générale dans le pays, c’est le gouvernement national qui est interpellé, au premier chef le Premier ministre en personne. Sinon, il n’y aurait sens à ce que sur la même question d’intérêt national, à savoir l’adéquation entre le code de la route et la réalité du terrain, chaque province décide en solo.

 

Il serait souhaitable que le chef du gouvernement se saisisse du problème ; instruise le gouverneur Kimbuta à suspendre sa mesure qui risque de réchauffer le climat social déjà surchauffée par la tension politique ; constitue une commission de travail chargée de faire le tour de la question en établissant le rapport entre les véhicules à droite et ceux à volant à gauche dans le charroi automobile à l’échelle du pays tout entier et province par province ; évaluer le gain qu’il ya entre les deux choix à faire, à savoir soit d’un côté garder le code de route actuel en l’état et, par conséquent, interdire les véhicules à volant à droite et obliger ceux qui les détiennent de changer le côté de leur guidon (il faudra compter au bas mot 1000 dollars américains pour cette opération), soit de l’autre, refuser d’imposer une charge supplémentaire à une population déjà accablée par les effets de la crise économique due à la chute des cours des matières premières, et, de ce fait, changer le code de route et du sens de conduite pour que les Congolais se mettent à la conduite à gauche étant donné qu’ils détiennent majoritairement des véhicules à volant à droite.

 

Changement de sens de conduite

D’ores et déjà, il faut insister sur le fait que le code de la route n’est pas un dogme sacré, et encore moins une disposition verrouillée de la Constitution. On peut donc le changer en fonction des circonstances. De nombreux pays à travers le monde ont eu à changer le sens de la conduite. Le 7 septembre 2009, à l'initiative du Premier ministre Tuilaepa Sailele Malielegaoi, le Samoa, pays situé dans le Pacifique sud,  dut passer de la conduite à droite, héritage de la colonisation allemande à la conduite à gauche. La raison invoquée, qui ne manque pas de rappeler la situation de la RDC : permettre aux habitants d'acheter des voitures moins chères et d'occasion en provenance du Japon, de la Nouvelle-Zélande et d'Australie et qui, comme tout le monde le sait, sont fabriquées avec le volant à droite. «le changement de côté pour la circulation relève d'une politique de développement et d'amélioration des conditions de vie pour les Samoans», se justifia le Premier ministre.

Sur le continent africain, des exemples de changement de sens de conduite ne manquent pas. En Afrique orientale et australe, du Kenya à l’Afrique du Sud, les pays autrefois colonies britanniques roulent à gauche. S’y sont ajoutées, comme par effet d’osmose, le Mozambique, ancienne colonie portugaise. A l’inverse, en Afrique occidentale, des pays anglophones : Nigeria (en 1972), Ghana (1974), Sierra Leone (1971) ont aligné leur pratique sur celle, majoritaire dans la région, de la conduite à droite.

Belhar MBUYI