La session parlementaire de septembre promet bien des étincelles. Au Sénat, Léon Kengo wa Dondo, son président, a annoncé la couleur en remuant le couteau dans la plaie du projet de révision de la Constitution, option clairement levée au sein de la Majorité présidentielle. Juriste et homme politique, Kengo a usé de toutes ses casquettes pour s’opposer à ce qu’il considère comme « un cas flagrant de violation intentionnelle de la constitution ». Il est convaincu que modifier quelques dispositions de la constitution, c’est autrement « détruire tout l’édifice constitutionnel construit dans la peine ». Décidément, le cercle des sceptiques envers le projet de la Majorité s’élargit. Et la Majorité aura de plus en plus de la peine à faire triompher sa thèse. Si la formation du gouvernement de cohésion nationale traîne le pas, au Parlement, la rentrée du mois de septembre a bel et bien eu lieu. Comme à l‟accoutumée, les présidents de deux Chambres ont peint, chacun à leur manière, la situation politique et économique du pays, s‟exprimant ouvertement sur les grands dossiers l‟heure, notamment celui portant sur la révision de la Constitution. Si à l‟Assemblée nationale, Aubin Minaku, son président, s‟est voulu circonspect sur le sujet, au Sénat, par contre, son collègue, Léon Kengo wa Dondo, n‟est pas allé par le dos de la cuillère. Et, pour le besoin de la cause, le président du Sénat a puisé dans son passé de juriste et de ses talents de fin politicien pour s‟opposer de manière catégorique à une quelconque tentative de révision de la Constitution. Selon lui, la démarche tendant à réviser la Constitution ou quelques-uns de ses articles ne s‟inscrit dans aucune dynamique interne. Aussi la trouve-t-il inopportune. Il estime que modifier la Constitution, comme le suggèrent déjà certains ténors de la Majorité présidentielle, c‟est précipiter le pays dans un trou noir, d‟où il lui sera difficile de s‟en sortir. Devant la plénière de la Chambre haute du Parlement, Léon Kengo a porté plusieurs casquettes pour étaler clairement les raisons de son opposition à tout projet de modification de la Constitution. Parlant en sa qualité de co-président de dernières concertations nationales, il note qu‟au terme de ce grand forum national, tous les délégués s‟étaient mis d‟accord et s‟étaient même « engagés à consolider la cohésion nationale et à sauvegarder le pacte républicain, notamment par le strict respect de la Constitution, particulièrement dans ses dispositions voulues intangibles par le souverain primaire : la forme républicaine de l‟Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée du mandat du président de la République, l‟indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, la non-réduction des droits et libertés de la personne, la non-réduction des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées ». Cette option a été clairement reprise dans la recommandation n°1 du Groupe thématique « Gouvernance, Démocratie et Réformes institutionnelles ». Par respect à ces assises, Kengo est d‟avis qu‟une révision de la Constitution – sous une quelconque forme – ne peut se justifier. Sous la casquette de juriste, il n‟a trouvé aucune opportunité à la démarche des révisionnistes. « Comment une constitution qui prévoit des dispositions intangibles peut-elle autoriser les institutions issues d‟elle de modifier lesdites dispositions sans tomber dans un cas flagrant de violation intentionnelle de la Constitution ? », s‟est-il interrogé. Son point de vue est sans équivoque : « Les dispositions intangibles de la Constitution (je pense ici à l‟article 220 et à tous ceux auxquels il renvoie) constituent le pivot, le socle, l‟armature de toute l‟architecture constitutionnelle ». Et Kengo de poursuivre : « Comment peut-on les modifier sans détruire par ce fait même tout l‟édifice constitutionnel construit dans la peine ! On n‟est dès lors plus, s‟indigne-t-il, dans la même Constitution, mais dans une autre ». Crevant l‟abcès il a lâché le mot qui met à nu le soubassement de la démarche des révisionnistes : « Il ne faut pas tirer prétexte de la révision pour aboutir à un changement de Constitution. Cela n‟est pas prévu par la Constitution en vigueur ». Il ne s‟est pas arrêté là. Revêtant son étoffe d‟acteur politique, le président du Sénat note que la Constitution du 18 février 2006 est issue du compromis historique de Sun City : l‟Accord global et inclusif. Cela avant de rappeler que « les éléments de ce compromis sont repris dans l‟exposé des motifs et transposés, notamment dans l‟article 220 ». D‟où, sa préoccupation suivante : « Comment peut-on prendre le risque d‟altérer ce compromis politique sans menacer la cohésion nationale et la paix sociale ? ». En fin tacticien, Kengo wa Dondo prend au mot le chef de l‟Etat. Dans son message à la nation devant le Congrès, à l‟occasion de la clôture des concertations nationales, ce dernier avait déclaré solennellement ce qui suit : « Comme les délégués à ces assises, je suis pour le respect par tous de l‟esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu‟adoptée par le référendum populaire en 2005 ». Déclaration qui excluait, sans ambages, toute initiative visant à remettre en cause l‟actuelle Constitution. Tirant les leçons de l‟histoire politique de la RDC, Léon Kengo a invité la classe politique « au respect des engagements, à la culture de la paix et de la réconciliation, à l‟esprit de tolérance et d‟alternance », soulignant qu‟« il est temps que notre pays dépasse le stade des querelles politiques byzantines pour se concentrer enfin sur les vrais problèmes du peuple : pauvreté, chômage, éducation, santé, infrastructures, environnement ; bref, aux problèmes du développement socioéconomique du pays ». Autant dire que pour le président du Sénat, la question de la révision de la Constitution est sans objet. Par ailleurs, il s‟est longuement attardé sur le projet de révision de quelques dispositions du Code la famille, saluant les choix du gouvernement qui nécessitent cependant « un examen approfondi ».
Dans le registre économique, Léon Kengo est largement revenu sur le coût de crédit bancaire, largement au-dessus du taux directeur de la Banque centrale du Congo, maintenu depuis novembre 2013 à 2%. Il s‟attend à ce que « le gouvernement engage des discussions avec le secteur bancaire accompagnées de mesures incitatives afin d‟obtenir la baisse de ces taux ».