Interview avec Juvenal Munubo Mubi

Mercredi 7 janvier 2015 - 08:39

Expiration de l’ultimatum de désarmement volontaire des FDLR Juvénal Munubo Mubi : « Des contraintes me font douter de
l’effectivité de l’option militaire » Dans un entretien à bâtons rompus avec Le Potentiel, le député national Juvénal Munubo Mubi, élu de Walikale (Nord-Kivu), secrétaire politique national de l’UNC chargé de relations extérieures, s’est appesanti notamment sur la nécessité d’une meilleure planification des opérations militaires à mener contre les FDLR. Il s’agit aussi
d’inquiétudes relatives à la complexité des problèmes sécuritaires dans l’Est du pays en corrélation au processus électoral et à l’inopportunité de retoucher la loi électorale à l’étape actuelle. Ci-dessous, l’intégralité de l’entretien.

L’ultimatum lancé contre les rebelles hutu rwandais des FDLR pour désarmer volontairement a expiré depuis le 2 janvier. Comment entrevoyez-vous la suite des événements ?

Ce qui m’inquiète sur la question FDLR, c’est qu’on n’est chaud ni avec la solution militaire ni avec la solution politique qui passerait par une ouverture politique au Rwanda. Et, finalement, on est chaud avec quel type de solution quand on sait que la question semble toujours nous diviser dans la sous-région ? C’est une question entourée de beaucoup d’ambiguïté. Conséquence : on est stationnaire et c’est dommage. Je n’ai pas été satisfait de la faible fréquence de redditions des FDLR. Sur près de 2 000 combattants estimés, on n’a pas franchi le cap de 500 pour ceux qui ont déposé les armes. Encore que,
selon certaines informations, les gros poissons ne se sont pas rendus du tout. Une autre considération concerne la suite réservée aux FDLR qui se sont rendues. J’aurai souhaité qu’au fur et à mesure que les redditions se fassent, que le rapatriement effectif soit de même. Et cela m’amène à ne pas soutenir des mesures de délocalisation ou de localisation temporaire, surtout qu’en 2005, il y a eu délocalisation d’environ 2500 éléments. Mais personne ne sait où ils sont et ce
qu’ils sont devenus. La troisième considération est que je suis loin de croire à l’effectivité de l’application de l’option militaire dans un avenir proche. Il y a, par exemple, cette réunion à l’initiative du président Sud-africain au niveau de la CIRGL.

Qui sait si un autre ultimatum va être accordé à l’issue de cette rencontre ?

Il faut attendre. Parce qu’en principe, les opérations militaires devraient déjà commencer à l’expiration de l’ultimatum le 2 janvier dernier. Nous avons suivi qu’il y a un récent rapport qui vient de sortir et dont RFI a obtenu une copie, faisant remarquer deux contraintes importantes dans les opérations militaires à lancer contre les FDLR : la première, c’est la complicité à un certain niveau entre les éléments FDLR et certains éléments FARDC. La seconde est relative à la proximité entre les réfugiés Hutu rwandais et la population congolaise. D’où la nécessité d’une meilleure planification pour éviter des représailles telles que vécues dans les années 2010 dans la localité de Busurungi à Walikale, où les FDLR avaient infligé des
représailles sur la population civile. A ce stade, l’option militaire est l’une de solutions en réalité à cette rébellion étrangère qui constitue une épine pour le gouvernement de notre pays. Mais je pense qu’il manque une dimension importante et c’est cela ma proposition : l’implication des leaders communautaires, locaux, la Société civile, parce qu’ils connaissent bien les campements et la localisation des FDLR.

L’ouverture politique au Rwanda sera une bonne chose parce que le Rwanda, tout comme la RDC, est signataire du Pacte de Nairobi qui prône, entre autres, la promotion de la démocratie qui implique aussi l’ouverture politique. Je ne suis pas demandeur d’un dialogue inter rwandais pour la simple raison que je ne suis pas Rwandais, c’est une affaire interne au Rwanda. Mais je souhaite bien que la promotion de la démocratie soit une réalité dans mon pays au Congo tout comme
ailleurs dans d’autres pays de la sous-région. C’est un gage pour la paix.

Au-delà des FDLR, il y a encore la question ADF et d’autres groupes armés, comment s’en sortir ?

Les questions sécuritaires dans l’Est de la RDC sont à prendre avec beaucoup de considération dans la mesure où elles peuvent perturber le processus électoral. On a parlé tantôt des FDLR, tantôt de l’Alliance des forces démocratiques (ADF), ou encore de groupes armés locaux dans le Kivu, de Bakata Katanga dans le Nord du Katanga encore actifs. Et un récent rapport parlementaire reprend cette situation. Il faut résoudre toutes ces questions de peur qu’elles ne s’érigent en embûche en 2016 lorsqu’il sera question d’organiser les élections. Je crois que, pour l’ADF, les préalables, ce sont des enquêtes. Il faut quand même en savoir plus pour déterminer avec qui les FARDC se battent.

Il faut connaître l’identité de l’ennemi : est-ce uniquement les ADF ?

Ces rebelles ougandais ne sont-ils pas en association avec d’autres forces occultes localement ? Et quel est l’arbre qui cache la forêt dans tout ça ?

Seule une enquête internationale sérieuse, que j’appelle de tous mes vœux, une enquête interne au sein des FARDC, une
enquête parlementaire, pourront nous donner des précisions sur l’identité de ceux qui perpètrent des carnages dans cette partie du territoire national. Je reviens du Nord-Kivu. J’étais à Goma puis à Walikale. A Goma, on enregistre beaucoup de tueries, le cas le plus récent est celui d’un journaliste de la Radio-télévision nationale congolaise (RTNC). Mais
on ne comprend pas cette récurrence d’assassinats en dépit de la présence de la police, la MONUSCO qui y a déployé sa plus grande base. Il y a de morts, d’extorsions. Il faut que ça s’arrête. Il faudra évidemment accroître les capacités opérationnelles de la police à Goma, penser à l’électrification de cette ville, réhabiliter les principales artères et intensifier des patrouilles mixtes Police nationale congolaise et police de la MONUSCO, etc. A Walikale aussi, la situation sécuritaire n’est pas du tout bonne parce qu’au Sud du territoire, il y a des affrontements entre deux factions Maï-Maï dans la localité de Ntoto. Les dernières informations indiquent que les FARDC ont été relevées de leurs positions tout au long de la route Goma, Masisi et Walikale, et du coup la zone est dégarnie. Et nous savons ce qui arrive souvent en pareille
circonstance. Il y a risque que les Maï-Maï Cheka et autres reviennent sur ce tronçon.

Selon vous, la situation sécuritaire est loin d’être stable, pourtant le gouvernement sollicite la réduction des effectifs de la MONUSCO en RDC. Avez-vous un commentaire à ce sujet ?

Je crois que c’est tôt de penser à la réduction des effectifs de la MONUSCO. Par contre, il faut demander que la MONUSCO soit davantage proactive pour travailler conformément à son mandat. Et la meilleure façon de dire aurevoir à la MONUSCO, c’est d’accélérer la réforme de notre armée. Nous devons accélérer la réforme du secteur de sécurité, un secteur de sécurité à transformer même dans les mentalités, et c’est alors que la présence de la MONUSCO ne se justifierait même plus. Elle est ici eu égard aux insuffisances constatées. Au lieu d’appeler la MONUSCO à réduire ses effectifs ou à partir, le gouvernement doit plus travailler pour matérialiser les réformes sécuritaires.

Pas de manipulation de la loi électorale, pas de révision constitutionnelle, au cours de la session extraordinaire en cours à
l’Assemblée nationale.

Etes-vous rassuré finalement de propos du président de la Chambre basse du Parlement ?

J’ai suivi les déclarations du président de l’Assemblée nationale et j’entends le suivre vraiment à la lettre. Il a une grande responsabilité de conduire le débat de ce que lui-même appelle le temple de la démocratie. Et il a promis et nous attendons voir la suite.
Sur la question de la loi électorale, je suis d’accord avec le collègue Sesanga. Je pense que ce n’est pas opportun d’avoir une nouvelle loi électorale. Il est donc possible d’organiser les élections avec la loi électorale en vigueur. Le problème, c’est qu’on ne nous dit pas exactement quelles ont les questions concernées par la retouche dans cette loi. Et du coup, on nous parle du recensement. Nous ne sommes pas d’accord qu’il faille dépendre le fichier électoral du recensement. Celui-ci est une grande opération qu’il ne faudrait pas mener à la va-vite. Le risque, c’est d’aller vers le glissement, au-delà de 2016.

Toutes ces questions qui divisent la classe politique ne nécessitent-elles pas un dialogue pour baliser la voie des élections ?

Nous (UNC) soutenions à l’époque le dialogue dans le cadrage de la résolution 2098 du Conseil de sécurité point 14b et point 4. L’optique était de baliser le processus électoral, d’avoir un consensus sur le calendrier, d’obtenir des garanties des acteurs de la Majorité comme quoi la révision constitutionnelle ne va pas s’opérer avant la présidentielle de 2016. Notre demande n’a pas été acceptée.

Et du coup, comment comprendre que nos partenaires du pouvoir changent de position pour accepter le dialogue alors qu’on s’achemine vers la fin du mandat ?

C’est ainsi que nous appelons l’Opposition à plus d’attention. Nous ne voulons pas une énième transition. Bref, nous ne
sommes plus demandeur du dialogue. Ce qui importe pour le moment, c’est d’appliquer la loi et respecter le délai constitutionnel quant à l’organisation des élections.

Propos recueillis par Pitshou Mulumba

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