La CNCEIB dénonce aussi une ingérence politique dans l’affaire des 61 containers
de bois Wenge saisis à Matadi
La problématique de l’exploitation illégale de bois en République Démocratique du Congo a été au centre d’un point de presse que la Coalition Nationale Contre l’Exploitation Illégale du Bois (CNCEIB) a animé le vendredi 15 mai dernier au siège du Fond Mondial de la Nature (WWF), à Kinshasa/Gombe.
A cette occasion, la Coalition Nationale a publié les résultats de la mission d’investigation qu’elle a menée en avril dernier, dans le territoire de Kwamouth et dans celui de Kutu, précisément dans le secteur de Badia, dans la province du Bandundu, ainsi qu’au port de la Sotraco, basé à Kinkole, dans la commune de la N’Sele.
Une mission qui a permis à la CNCEIB de mettre la main sur des cas d’irrégularités attestant de la poursuite de l’exploitation illégale du bois en RD Congo, malgré les multiples dénonciations que la société civile avait déjà faite dans le passé.
Exploitation de nature industrielle
Ce constat amer a été, entre autres, fait à Kimomo, dans le territoire de Kwamouth, où la Coalition Nationale fait état de l’existence de permis de coupe artisanale délivrés à l’ONGD CODEKI ainsi qu’à d’autres personnes et dont le dernier date du 7 juin 2013.
Selon les investigations menées par la CNCEIB, une société chinoise, la SOFOBA (ex-YIFA), se sert de ces permis de coupe artisanale délivrés à la CODEKI pour » se livrer à une exploitation de nature industrielle comme le témoignent les équipements et engins lourds utilisés, et la quantité de bois abattus « .
Selon des données chiffrées, puisées par la CNCEIB auprès des services de l’administration forestière dans la province du Bandundu, plus de 250 grumes Wenge marqués et 79 grumes non marqués sont visibles sur les différents sites exploités par cette société chinoise à Kimomo.
Comme si cela ne suffisait pas pour faire scandale, la Coalition Nationale a également constaté au cours de cette mission l’existence de deux unités de transformation de bois à 6 kilomètres à l’intérieur de la forêt, dans ce village dépourvu d’électricité et d’eau potable.
La CNCEIB n’a pas été en mesure d’établir la légalité de ces unités de transformation. Car, les Chinois trouvés sur les lieux n’ont aucune maîtrise du français ni de la langue locale et font entendre à ceux qui peuvent les comprendre que la seule autorité qu’ils reconnaissent c’est le gouverneur de la province du Bandundu ! C’est pourquoi la Coalition Nationale dit » s’inquiéter de l’implication présumée des plus hautes autorités de la province de Bandundu qui collaboreraient à cette exploitation illégale de bois « .
Un autre scandale découvert par la Coalition Nationale au cours de ses investigations menées en avril dernier et qui l’amène à se demander si l’exploitation illégale du bois ne serait pas un crime organisé en RD Congo, c’est la découverte, le 12 mai 2015, d’environ 18 (dix-huit) radeaux chargés de bois présumés illégaux au port de la société SOTRACO, à Kinkole, dans la commune de la N’sele.
Il s’agirait, à en croire la même source, de bois d’essences variées en provenance des provinces du Bandundu et de l’Equateur.
Après cette découverte scandaleuse, la Coalition Nationale Contre l’Exploitation Illégale du Bois dit avoir saisi immédiatement le procureur de la République du Parquet Secondaire et de Supervision de Kinkole où une enquête a été ouverte, afin d’établir les responsabilités et de sanctionner les délinquants conformément à la loi.
Rebondissement dans l’affaire des 61 containers de bois Wenge saisis à MatadiConcernant les irrégularités constatées dans les territoires de Kwamouth et Kutu, » la Coalition invite le Ministère de l’Environnement et développement Durable, le Gouvernorat de Bandundu, ainsi que le Parquet de la République près le tribunal de Grande Instance de Bandundu à poursuivre tous ces présumés exploitants illégaux, et à les sanctionner conformément à la loi « .
La CNCEIB exhorte par ailleurs le pouvoir judiciaire à saisir ces bois illégaux et à les vendre aux enchères au profit du Trésor public et des communautés locales du lieu d’exploitation.
L’échange de vendredi dernier avec la presse a été aussi l’occasion pour la Coalition Nationale contre l’Exploitation Illégale du Bois d’évoquer une fois encore l’affaire des 61 containers de bois Wenge saisis au port international de Matadi et dont les enquêtes ont établi qu’il s’agit de bois précieux coupés illégalement par la société Terco dans une concession appartenant à la société Tala Tina.
Cette affaire, qui a tant fait couler d’encre et de salive, vient de connaître un nouveau rebondissement avec une injonction que le nouveau ministre de la Justice, M. Alexis Thambwe Mwamba, vient de donner au Procureur Général de la République, à travers la lettre No 899 du 08 avril 2015 en demandant à ce dernier » d’ordonner la surséance d’exécution des actes posés par le Parquet de Grande Instance de Ndjili à propos des 584 grumes se trouvant au port de Matadi « .
Ingérence inacceptable
Cette injonction venant de la tutelle et qui prend fait et cause pour la société Hominex, receleur du bois querellé, est considérée comme une ingérence inacceptable du ministre de tutelle dans un jugement déjà rendu et qui reconnaît que ces bois appartiennent bel et bien à la société Tala Tina.
C’est pourquoi » la Coalition invite le ministre de la Justice, Grade des Sceaux et Droits Humains à déconsidérer ses lettres No 899 et No 1177 pour laisser le pouvoir judiciaire faire son travail en toute indépendance « .
Face aux cas répétés d’exploitation illégale de bois en RD Congo et devant la complicité dont ces exploitants bénéficient de certaines autorités politiques, la Coalition Nationale appelle la société civile à plus de vigilance et à dénoncer toutes les pratiques illicites constatées sur le terrain, afin d’instaurer une bonne gouvernance forestière dans ce pays.
Par Dieudonné Mbuyi K.