L’an 2015 risque bien d’être la préfiguration de l’année 2016, c’est-à-dire riche en dangers face aux enjeux futurs. Le ton vient d’être donné avec les incidents du lundi 12 janvier à Kinshasa. En toile de fon, le projet de révision de la loi électorale à l’Assemblée nationale. Là où l’Opposition politique a tenté d’expérimenter le scénario burkinabé en impliquant des manifestants, le Pouvoir a donné l’impression de gouverner par défi. Même si le pire a été évité, rien que cet extrait renseigne déjà sur l’état d’esprit des uns et des autres avant de grandes manœuvres politiques. Si, lundi dernier, la Majorité présidentielle l’a emporté sur l’Opposition politique, il est difficile de prévoir la suite des évènements parce que les choses ne font que commencer. Mais, qui peut, à ce stade, prédire l’avenir.
S’il est vrai que les évènements de lundi dernier ont consacré la victoire de la Majorité sur l’Opposition, il est aussi vrai que janvier n’est que le premier mois de l’an 2015. A voir comment l’année démarre politiquement en trombe, il y a lieu de craindre d’autres évènements avant que l’on ne débouche sur l’année 2016, jugée « fatale » par nombre d’observateurs.
Heureusement en ce qui concerne la « manif » de lundi dernier la comptabilité des morts n’a pas été au rendez-vous. Juste quelques blessés jusque-là. On aurait enregistré autant de pertes en vies humaines et on serait parti pour la gloire. Mais, la montée de tension est perceptible et Dieu seul sait où cela pourrait entraîner le Congo si aucune initiative visant à faire baisser la tension n’est entreprise dans un meilleur délai. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit-on.
UN COMPROMIS ENTRE LE POUVOIR ET L’OPPOSITION SOUHAITE
C’est là que des observateurs en appellent à une espèce de compromis historique entre le Pouvoir en place, c’est-à-dire la Majorité présidentielle et l’Opposition politique. Mais alors, il s’agit d’une opposition représentative tant parlementaire qu’extra parlementaire en vue de ne pas réduire les choses au simple partage de dividendes politiques. Et ce, pour éviter l’implosion inutile dans un pays fragile. Car, face à un pouvoir qui n’a pas encore consolidé son autorité sur toute l’étendue du territoire national et compte tenu des velléités terroristes qui planent sur le pays ( Beni), les acteurs politiques du Pouvoir et de l’Opposition n’ont pas le droit de se payer le luxe de nouveaux affrontements. Car, on ne saura jamais sur quoi déboucheront les affrontements entre le Pouvoir et l’Opposition.
Et, au-delà de cette guerre politique, certains pays voisins qui n’ont pas encore renoncé à leurs velléités bellicistes, pourraient profiter de la situation pour reprendre du service et ainsi remettre sur le tapis le processus de balkanisation de la RDC.
Pourtant, l’enjeu majeur, c’est de renforcer l’unité du pays et l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national. Or, cela n’est pas possible avec le désordre et on ne gouverne pas non plus en imposant ses vues ou par défi.
Ainsi, au seuil de l’an 2015, le Pouvoir et l’Opposition doivent se parler pour éviter d’envenimer la situation.
Le pays étant encore fragile, le pire est vite arrivé. Il faut donc un vrai deal pour l’intérêt du pays afin de gérer la situation actuelle. Personne ne sortira vainqueur de cette épreuve de force.
AUCUN CAMP NE SORTIRA VAINQUEUR DE LA CONFRONTATION
De la manière que l’Assemblée nationale a vécu, lundi dernier, des évènements qui rappellent encore l’époque de la transition sous Mobutu, il faut également redouter que la montée de tension, si rien ne contribue à créer l’effet inverse, conduise à des affrontements. Or, l’histoire a suffisamment démontré que lorsque deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit. Et l’herbe dans ce cas de figure, c’est bel et bien le peuple au nom de qui tout le monde parle à longueur de journée. Car, cela est également historique, personne ne sortira vainqueur des affrontements qui pourraient entraîner tout un pays.
On l’a vu sous la transition dirigée par le maréchal Mobutu et on avait eu à dénombrer même beaucoup de morts. Des morts que chaque camp politique rentabilisait d’ailleurs à sa manière.
Si la date du 16 février 1992 est restée gravée dans la mémoire des Congolais, c’est justement parce que des pauvres innocents ont payé de leur sang alors que les politiciens, vrais auteurs et donc vrais coupables des tueries, ont tiré profit des affrontements en se partageant le pouvoir à l’infini. Tout cela parce que les uns tenaient à gouverner par défi, tandis que les autres pensaient relever le même défi. Il y a eu autant d’affrontements entre le Pouvoir et l’Opposition durant la transition de Mobutu et autant de dégâts tant humains que matériels.
Par deux fois d’ailleurs, le pays avait connu des scènes de pillage qui ont endeuillé son économie. Qui en avait payé le tribut le plus lourd ? Bien entendu, la population avec la montée en flèche du taux de chômage et la chute de l’économie.
DECOUPAGE TERRITORIAL, UN VRAI FAUX DEBAT EN RDC
Découpage territorial, voilà un autre front que les acteurs politiques ont ouvert. Mais, pour bon nombre d’observateurs, cela n’est qu’un vrai faux débat. Car, argumente-t-on, si l’Etat central se trouve encore, au stade actuel, incapable de suppléer aux insuffisances des provinces actuelles, pourquoi faut-il en créer d’autres maintenant ? Multiplier les provinces, suppose multiplier également des défis, multiplier des problèmes et cela ne procède pas du renforcement de l’autorité de l’Etat. Surtout lorsque de nouvelles provinces appelleront de nouvelles institutions provinciales ( gouvernements et assemblées provinciaux), autant d’emplois pour les acteurs politiques visant l’obédience, donc autant de moyens comme cela se constate déjà dans les onze provinces actuelles encore très loin du développement.
De plus, dans quels bâtiments fonctionneront les institutions de nouvelles provinces ? L’idéal aurait consisté à profiter de deux législatures pour bien préparer le découpage territorial. Actuellement, le découpage posera plus de problème qu’il n’en résoudra. Cela ne devrait donc pas constituer un autre front politique.
Mais, le plus important maintenant, soutiennent les observateurs, c’est de réaliser un compromis politique historique en vue d’éviter l’hécatombe. On pourrait l’appeler dialogue ou autre peu importe. Mais, à force de vouloir imposer à tout prix ses vues, cela contribue plutôt à créer une avalanche des frustrations qui ne seront pas d’aucune utilité au pays. Bien au contraire alors. Comme l’aimait bien le dire le cardinal Laurent Monsengwo lors de la transition de Mobutu, « une guerre on sait comment elle commence, mais on ne sait jamais comment elle se termine ». M. M.